c) L'insoutenabilité à moyen terme du déficit de l'assurance maladie
(1) L'augmentation des charges financières supportées par la branche maladie au titre du financement de son déficit
La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), comme l'ensemble des caisses nationales du régime général, voit sa trésorerie gérée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et intégrée au compte unique des disponibilités courantes tenu par celle-ci. Ce comte est ouvert à la Caisse des dépôts et consignations qui, selon des modalités définies par une convention conclue avec l'ACOSS consent des avances et rémunère les excédents de trésorerie.
L'ACOSS est chargée de cette gestion commune de la trésorerie des branches, en assure l'individualisation en réalisation comptable. Ainsi, les intérêts créditeurs et débiteurs imputés sur le compte unique sont répartis entre les branches en fonction du solde comptable quotidien de leur trésorerie constaté par l'ACOSS : les soldes comptables négatifs de chaque branche produisent donc des intérêts débiteurs au taux moyen consenti par l'ACOSS.
La CNAMTS, au titre de la branche maladie, s'est vu imputer les montants suivants d'intérêts débiteurs nets :
Intérêts débiteurs de la CNAMTS au titre des années 2002, 2003 et 2004
(en millions d'euros)
2002 |
2003 |
2004 |
311 |
380,6 |
560 |
Source : ministère de la santé et de la protection sociale
(2) Le niveau du déficit tendanciel de l'assurance maladie à moyen/long terme
Dans son rapport du 23 janvier 2004, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a établi trois scénarii d'évolution tendancielle du déficit de l'assurance maladie en fonction du taux de croissance de l'économie et du différentiel entre ce taux et le taux de croissance des dépenses d'assurance maladie (trois hypothèses d'écart de croissance ont été retenues : + 1%, + 1,5 % et + 2%).
Ainsi, en l'absence de mesures correctrices et en retenant un taux de croissance des dépenses d'assurance maladie supérieur de 1,5 % à celui du produit intérieur brut (PIB), l'accumulation des déficits (hors charges d'intérêt) représenterait plus de 260 milliards d'euros en 2013 et 640 milliards d'euros en 2020, soit 30 % du PIB. En retenant ces hypothèses, le déficit tendanciel annuel de l'assurance maladie s'élèverait à 29 milliards d'euros en 2010 et à 66 milliards d'euros en 2020 (hors charges de la dette et en euros constants 2002).
Source : Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (janvier 2004)
En outre, dans son rapport sur l'exécution de l'ONDAM 2003, la CNAMTS indique que, « malgré les mesures inscrites dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, le déficit de la CNAMTS devrait être compris entre 13 et 14 milliards en 2004. Sans prendre en compte à ce stade de nouvelles mesures de redressement, ce déficit serait de l'ordre de 17 à 18 milliards en 2005 et il augmenterait de 3 milliards chaque année ».
Pour aller un peu plus loin dans cette esquisse financière, la CNAMTS indique que l'on peut, « à titre exploratoire pour les années 2006 et 2007, faire l'hypothèse d'une croissance de l'économie qui resterait légèrement supérieure à sa croissance tendancielle, et d'une masse salariale un peu plus dynamique qu'en 2004. Le cadre macro-économique ainsi bâti est très frustre et parfaitement conventionnel, mais il permet de préciser ce que seraient les conditions de l'équilibre à moyen terme du régime général, dans un environnement plutôt favorable ».
La CNAMTS précise que la mise en oeuvre rapide de la réforme de l'assurance maladie devrait soulager fortement la branche maladie du régime général dès 2005, puisque son déficit pourrait alors revenir à 8 milliards d'euros cette année-là.
Toutefois, elle estime que « le retour à l'équilibre supposera d'infléchir durablement la tendance à la dégradation structurelle du déficit. Sans cette action structurelle sur les dépenses, ces efforts d'économie risqueraient en effet d'être contrecarrés par cette croissance tendancielle du déficit : si la tendance observée au cours des dernières années devait se maintenir, il ne serait pas certain que le déficit du régime général d'assurance maladie puisse être ramené à moins de 5 milliards d'euros en 2007 ».
Il est aujourd'hui évident que, à elle seule, la croissance économique ne sera pas suffisante pour réduire le déficit de l'assurance maladie : le rythme nécessaire pour engendrer des recettes permettant de couvrir un déficit progressant de 2,8 milliards d'euros par an serait en effet de 2 points supérieur à la croissance potentielle (2,2 %). En outre, l'augmentation des prélèvements, si elle peut s'avérer indispensable, ne serait toutefois pas une solution pérenne. A titre d'exemple, il faudrait, une fois le régime remis à l'équilibre, une hausse de 1 point de CSG tous les trois ans, pour ne pas, de nouveau, recommencer à accumuler du déficit. Symétriquement, la baisse des taux de remboursement qui serait nécessaire pour rééquilibrer le système serait incompatible avec le rôle social que joue l'assurance maladie. Enfin, la dette ne peut pas croître indéfiniment, le coût de la consommation actuelle ne pouvant être systématiquement rejeté sur les générations futures.