(2) Les facteurs structurels de l'évolution des dépenses d'assurance maladie
La croissance des dépenses d'assurance maladie est une tendance lourde depuis plus de vingt ans, liée notamment à l'influence de facteurs structurels à l'oeuvre dans l'ensemble de nos sociétés modernes, tel le vieillissement de la population ou encore l'amélioration des techniques médicales.
Dans son rapport sur la sécurité sociale datant de septembre 2003, la Cour des comptes souligne que « l'écart de croissance entre le PIB et la consommation finale des ménages d'une part, les dépenses d'assurance maladie d'autre part, se creuse nettement en 2001 et 2002. L'écart annuel moyen de croissance entre PIB et dépenses d'assurance maladie est de 1,47 point entre 1990 et 2002 et de 3,1 points en 2001-2002. D'environ 15 points entre 1996 et 2000, l'écart cumulé passe de 20 points en 2001 à 28 points en 2002 ».
La consommation des soins a connu une augmentation rapide depuis 1997 : cette augmentation est liée à des facteurs structurels : le vieillissement de la population qui se traduit par une hausse du nombre de personnes âgées dont la consommation médicale est élevée ; corrélativement, l'épidémiologies des affections de longue durée (principalement les maladies cardio-vasculaires, les cancers, les troubles mentaux et la diabète) qui sont plus fréquentes avec l'âge mais dont le risque intrinsèque de survenue augmente également ; enfin, le progrès technique qui met à disposition des patients des traitements plus efficaces mais aussi plus coûteux.
D'après une étude réalisée par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés publiée en juillet 2003 20 ( * ) , « aujourd'hui, le régime général consacre un peu plus de la moitié de ses dépenses de soins de ville (mais aussi de ses dépenses hospitalières) aux malades âgées de 55 ans et plus, et un peu moins d'un tiers (30 %) à ceux qui sont âgés de 70 ans au moins. Ces derniers représentent un peu plus de 10 % de la population totale. Bien que la consommation médicale croisse avec l'âge, la part que représentent les dépenses de ces personnes dans la dépense totale du régime général n'est pas encore très importante, pour une raison bien simple : au-delà de 70 ans, la mortalité devient forte et les effectifs des générations concernées commencent à diminuer sensiblement : à 70 ans, les probabilités de décès à un an sont aujourd'hui de l'ordre de 3 % pour les hommes et de 1 % pour les femmes et ces probabilités progressent évidemment en même temps que ces générations avancent en âge ».
La part des dépenses de soins de ville consacrées à des patients âgés
Lecture du graphique : 30 % des dépenses de soins de ville du régime général concernent des patients âgés de 70 ans au moins. Les personnes de ces âges représentaient 12 % de la population totale au 1 er janvier 2002.
Source : CNAMTS (juillet 2003)
En outre, une récente étude, publiée par le Comité de politique économique de l'Union européenne en novembre 2003, consacrée à l'évaluation de l'impact du vieillissement sur les finances publiques, révèle que, en moyenne, le vieillissement de la population conduira dans les Etats membres, d'ici à 2050, à une augmentation des dépenses publiques comprises entre 3 % et 7 % du PIB si aucune mesure correctrice n'est prise. Dans la plupart des Etats membres, cet impact budgétaire débutera dès 2010, les répercussions les plus importantes étant attendues entre 2010 et 2030.
En France, compte tenu du vote de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, l'augmentation des dépenses publiques devrait être, malgré tout d'après ce rapport, de 2,4 % du PIB.
En outre, la croissance des dépenses de santé devrait se traduire, dans l'ensemble des Etats membres, par des augmentations de dépenses publiques comprises entre 1,5 % et 4 % du PIB.
Les études disponibles mesurant l'impact du vieillissement de la population sur l'évolution des dépenses de santé
Le vieillissement a aujourd'hui un coût : les dépenses de santé des plus de 60 ans sont trois fois plus élevées que celle des trentenaires et les personnes âgées de plus de 70 ans consomment 30 % des dépenses totales.
D'après une étude réalisée par la DREES 21 ( * ) , les facteurs démographiques seraient tendanciellement à l'origine d'environ 1 point par an de croissance des dépenses totales de santé en volume, dans la plupart des pays d'Europe occidentale. En outre, au sein de ces facteurs démographiques structurels, l'impact du vieillissement serait de l'ordre de 0,7 % par an sur la période 2000-2020 .
A l'avenir, la croissance du nombre de personnes âgées devrait induire une croissance des dépenses d'assurance maladie. Selon les projections démographiques publiées par l'INSEE en 2001, la France compterait en 2020 1,4 fois plus de personnes de 60 ans et plus, qu'en 2000, et 1,8 fois plus de personnes de 80 ans et plus, (3,2 fois plus en 2040). Ainsi en 2020, la France compterait 17 millions de personnes de 60 ans et plus et près de 4 millions de personnes de 80 ans et plus. A l'horizon 2040, il y aurait près de 7 millions de personnes de 80 ans et plus.
A cet égard, la DREES 22 ( * ) a réalisé des projections du nombre de personnes âgées dépendantes à l'horizon 2020 puis 2040 , afin d'appréhender les effets des évolutions démographiques futures en fonction de différents scénarii possibles d'évolution de la dépendance aux âges élevés.
A l'horizon 2040, le vieillissement de la population devrait conduire, dans les trois hypothèses, à une augmentation tendancielle du nombre de personnes âgées dépendantes de plus de 60 ans . Une première accélération aurait lieu à partir de 2010 et une seconde à partir de 2030. Sur la période 2000-2020, la hausse serait de l'ordre de 16 % dans le scénario optimiste, 25 % dans le scénario central et de 32 % dans le scénario pessimiste. Entre 2020 et 2040, le nombre de personnes âgées dépendantes augmenterait dans des proportions légèrement supérieures. Au total, sur les quarante années, l'augmentation serait de 35 % dans le scénario optimiste, 55 % dans le scénario central ou de 80 % dans le scénario pessimiste. Cette hausse serait en outre concentrée sur les 80 ans et plus .
La croissance tendancielle est également favorisée, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003, par « la grande liberté dont l'ensemble des acteurs disposent dans le système de soins. Les gains potentiels du système de soins en termes d'efficacité sont sans doute très importants. On peut ainsi simplement rappeler que la France est selon l'OCDE le premier consommateur de médicament par habitant, au-delà même des Etats-Unis, sans que le bénéfice en termes de santé soit démontré ».
A l'augmentation de la consommation, s'ajoute une croissance régulière du taux moyen de remboursement : le nombre des assurés exonérés du ticket modérateur augmente très rapidement et celui des patients admis en « affection longue durée » ouvrant droit à l'exonération totale du ticket modérateur s'accroît d'environ 6 % par an. Au total, les dépenses relatives aux personnes exonérées du ticket modérateur représentent plus de la moitié des remboursements. Parallèlement au développement des exonérations de ticket modérateur, on constate une déformation générale de la consommation de soins au profit des soins les mieux pris en charge par l'assurance maladie , ce qui a tendance à augmenter le taux moyen de remboursement des soins. S'agissant des soins de ville, l'effet de cette seule amélioration tendancielle du taux de remboursement conduit à un surcoût pour l'assurance maladie de 350 millions d'euros en 2002.
Evolution du taux moyen de prise en charge du régime général
Source : commission des comptes de la sécurité sociale
* 20 Point de conjoncture n° 15 - juillet 2003 : Le vieillissement de la population et son incidence sur l'évolution des dépenses de santé.
* 21 Direction de la recherche, des études et de l'évaluation statistiques (DREES) - Etudes et résultats n° 175, juin 2002, Comparaison internationale des dépenses de santé.
* 22 DREES - Etudes et résultats n° 160, février 2002, Personnes âgées dépendantes et aidants potentiels : une projection à l'horizon 2040.