B. CONFORTER LE RÔLE DU MÉCÉNAT CULTUREL
Le projet de loi, s'il a vocation à encourager le mécénat dans l'ensemble des secteurs de la vie sociale, a été inspiré par le souci du Président de la République d'encourager la sphère privée à prendre une part plus active dans la conduite de la politique culturelle.
Votre rapporteur a souligné plus haut la suspicion dont a longtemps été entouré le mécénat chez les responsables de structures culturelles et les artistes. Cette méfiance s'estompe désormais au regard de l'intérêt que représente pour ces derniers le partenariat avec les associations et les entreprises.
Afin de conforter cette évolution positive, votre commission vous proposera de compléter les mesures proposées par le projet de loi par des dispositions ciblées destinées à rendre plus lisibles ou à préciser certains dispositifs déjà existants.
1. Accroître l'efficacité du dispositif incitant les entreprises à participer à l'enrichissement du patrimoine national
Bien que très incitatifs, les dispositifs prévus aux articles 238 bis 0A et 238 bis 0AB du code général des impôts n'ont pas encore suscité l'engouement des entreprises. Ils n'ont pour l'heure permis que d'acquérir une seule oeuvre ayant le caractère de trésor national.
L'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a étendu le bénéfice de la réduction d'impôt de l'article 238 bis 0A à l'achat d'oeuvres qui n'entreraient pas dans le champ de la loi du 31 décembre 1992 dans la mesure où elles se situent hors du territoire douanier. Cette modification relève d'une inspiration un peu différente de celle qui avait inspiré le législateur lors de l'examen de la loi relative aux musées de France.
Votre commission estime nécessaire de compléter la disposition introduite par l'Assemblée nationale pour améliorer le dispositif initial afin de le rendre plus lisible.
Les améliorations que vous proposera votre commission visent :
- à rendre pérenne la réduction d'impôt prévue par l'article 238 bis 0A du code général des impôts dont l'application est actuellement limitée aux versements effectués avant le 31 décembre 2006 ;
- à étendre son bénéfice aux oeuvres qui ont fait l'objet d'un refus de certificat dont la durée de validité est expirée et qui n'ont pas encore été exportées. Il est en effet souhaitable que les choix des entreprises puissent se porter sur le plus grand nombre possible d'oeuvres ;
- enfin, à élargir le champ d'application de l'article 238 bis 0AB dans les mêmes proportions que celui de l'article 238 bis 0A.
2. Encourager le mécénat musical
D'après les chiffres publiés par l'Admical, la musique reste le domaine privilégié du mécénat culturel des entreprises, avec plus d'un tiers des actions engagées.
Afin de conforter ces initiatives, il pourrait être opportun de tirer parti du régime prévu par l'article 238 bis AB qui permet aux entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes vivants de déduire de leur résultat de l'année d'acquisition et des quatre années suivantes, une somme égale à leur prix d'acquisition. Les entreprises ont peu recouru à cette possibilité destinée, à l'origine, à encourager la constitution de collections d'entreprise, leur réticence à investir sur le marché éminemment fluctuant de l'art contemporain mais également les contraintes imposées par les textes d'application ayant exercé un effet dissuasif.
Il semblerait qu'un tel régime trouverait mieux à s'appliquer dans le domaine musical où la demande sociale est forte et où les entreprises déjà actives peuvent espérer de meilleures retombées en terme d'image.
Votre commission vous proposera donc d'étendre le bénéfice du régime de déductibilité de l'article 238 bis AB aux achats d'instruments de musique dès lors que l'entreprise s'engage à les prêter à titre gratuit à des artistes interprètes. Les entreprises pourront dans ce cadre acquérir des instruments anciens de très grande valeur, que les musiciens n'ont souvent pas les moyens d'acheter mais aussi des instruments récents pour conduire des actions de soutien à des formations musicales ou à des interprètes. Une telle disposition serait notamment de nature à accroître l'impact des nombreuses initiatives prises par les entreprises en faveur des jeunes musiciens.
3. Ouvrir le bénéfice du mécénat aux organismes oeuvrant dans le domaine du spectacle vivant
Force est de constater que de nombreuses structures dans le secteur du spectacle vivant fonctionnent dans le cadre du statut associatif, en particulier les institutions ou les formations soutenues par les collectivités territoriales. C'est le cas des compagnies dramatiques ou encore de nombreux festivals ou orchestres.
Si leur gestion est à l'évidence désintéressée au sens de l'instruction fiscale du 15 septembre 1998, ces organismes sont souvent considérés comme ayant une activité lucrative ou choisissent dans le cas où leur objet est non lucratif mais où elles ont des activités lucratives accessoires de s'assujettir aux impôts commerciaux. Dans ces deux cas, les dons qui pourraient leur être versés ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit aux avantages prévus par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts, ce qui est de nature à les priver de l'appui de mécènes alors même que leur activité est déficitaire.
Afin de corriger cette situation, votre commission vous proposera de préciser qu'ouvrent droit à réduction d'impôt les dons faits aux organismes ayant pour objet principal l'organisation de spectacles culturels dès lors que leur gestion est désintéressée.
4. Clarifier l'interprétation du dispositif d'exonération prévu par l'article 795 A du code général des impôts
L'article 795 A du code général des impôts introduit par la loi du 5 janvier 1988 11 ( * ) relative au patrimoine monumental a prévu un régime d'exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les immeubles classés ou inscrits et les meubles qui en constituent « le complément historique ou artistique », dont les héritiers, donataires ou légataires ont souscrit avec l'Etat une convention assurant l'ouverture de ces biens au public.
Sans relever à proprement parler de la logique du don -dans la mesure où les biens concernés restent en mains privées-, cette disposition a cependant bien pour objet de mettre à la disposition de tous, à travers l'obligation d'ouverture au public, des monuments sur lesquels pèsent par ailleurs les servitudes très contraignantes de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.
Or, comme bien d'autres mécanismes incitatifs dans le domaine culturel, ce dispositif a été très peu appliqué. Il convient de rappeler que les sujétions imposées aux propriétaires sont très contraignantes et les conséquences financières en cas de rupture des conventions, très lourdes.
En effet, dans cette hypothèse, les droits de succession sont dus sur la valeur actualisée des biens -ce qui est logique- et après application d'intérêts de retard qui courent à compter du jour de la signature de la convention -ce qui est moins compréhensible.
En effet, sur cette question prévaut une interprétation des services fiscaux contestable au regard de la lettre des textes et, en tout état de cause, contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Votre commission vous propose donc de modifier l'article 795 A du code général des impôts afin de prévoir que lorsque la convention prend fin dans les conditions définies par les dispositions types, les intérêts de retard ne sont calculés qu'à compter du premier jour suivant celui au cours duquel la convention a pris fin.
Cette disposition évitera de pénaliser des propriétaires qui consentent un effort louable et souvent remarquable pour entretenir et valoriser dans l'intérêt de tous un patrimoine historique que l'Etat n'a pas les moyens de protéger.
* 11 Loi n° 88-12