II. UNE RÉALISATION À PLUS DE 80 % DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DE LA LOI DE PROGRAMMATION MODIFIÉE
La loi de programmation 1997-2002 est l'une des rares lois de programmation militaire qui sera complètement exécutée. En terme de crédits d'équipement, les résultats paraissent moins bons que ceux obtenus en matière de réalisation des effectifs de l'armée professionnelle. La faiblesse persistance des crédits du titre V a d'ailleurs été aggravée sur cette période par les difficultés de DCN, malgré les réformes engagées, conduisant à réformer l'organisation de l'entretien et du soutien des bâtiments.
A. LES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENTS
L'exécution de la loi de programmation a
été
affectée par deux éléments majeurs.
Le premier a été organisé et concerté avec les
armées, et approuvé de facto et a posteriori par le Parlement, il
s'agit de la revue de programme. Elle a conduit à une réduction
globale de 594,25 Millions d'euros sur le titre V de la Marine entre 1999 et
2002.
A cette occasion, plusieurs programmes ont été fortement
aménagés :
- Les calendriers du quatrième sous-marin lanceur d'engins de nouvelle
génération (SNLE -NG n°4) et du missile M 51 ont
été coordonnées pour permettre une entrée en
service simultanée en 2008 au lieu d'une entrée en service en
2010 du M 51, ce qui aurait nécessité une remise à niveau
ultérieure du SNLE-NG n°4 qui devait entrer en service en 2008. Un
décalage de 6 mois pour l'admission au service actif du Vigilant a
été également décidé. En conséquence,
les sous-marins de la génération précédente ont
été prolongés et maintenus en service.
- Le retrait, dès l'amission au service actif du porte-avions
« Charles de Gaulle », du porte-avions
« Foch », alors que sa mise sous
« cocon » avait été envisagée pour
maintenir la permanence d'un groupe aérien à la mer au moment ou
le « Charles de Gaulle » connaîtrait une
indisponibilité de longue durée.
En conséquence, la flottille d'Alizé (avions de reconnaissance)
qui devait être maintenue jusqu'en 2005, parc que le Foch ne pouvait pas
accueillir à son bord l'avion de guet E- 2C Hawkeye, a été
dissoute dès 2002.
- Le programme de commandes de Hawkeye a été
aménagé pour profiter d'une commande groupée, donc plus
économique, de la Marine américaine.
- Le programme de missile porte-torpille MILAS, conduit avec l'Italie, a
été arrêté à la fin de son
développement.
- La modernisation de la flotte de bâtiments hydrographiques et
océanographiques a été retardée de deux ans pour
une meilleure coordination avec le programme de l'IFREMER.
- Enfin, la livraison du Rafale dans le standard F 2
« Air-sol » a été repoussée
au-delà de 2005, la constitution de la première flottille de 10
appareils étant maintenue fin 2002.
Le second élément important affectant l'exécution de la
loi de programmation militaire 1997-2002 est malheureusement habituel. Il
s'agit du « syndrome de l'escalier ». Les lois de finances
annuelles sont inférieures aux objectifs de la LPM, et sont
elles-même victimes d'importantes mesures de régulation, qui ont
l'inconvénient, outre la suppression ou du report des crédits, de
nécessiter des aménagements d'urgence.
Pour l'essentiel, ces mesures ont conduit à :
- reporter l'admission au service actif du porte-avions Charles de Gaulle de
fin 1999 à 2001 ;
- abaisser de 12 à 10 avions Rafale les livraisons sur la période
de la LPM, à repousser la commande de la 2
ème
tranche
d'avions en version air-sol en fin de programmation (2001) et reporter à
2003 le lancement du biplace (non prévu par la loi de
programmation) ;
- reporter de 18 mois au total l'admission au service actif du SNLE-NG n°3
et à fixer, malgré la réorganisation des programmes
prévue par la revue de programme, la mise en service du SNLE-NG n°4
à 2010 ;
- annuler la commande du bâtiment de soutien logistique futur
prévue en 2000, aucune commande n'étant prévue à
l'avenir ;
- reporter sine die toute modernisation de la batellerie des transports de
chalands de débarquement.
Ecarts
entre les LFI et la LPM et annulations de crédits de 1997 à 2002
sur les titres V et VI de la Marine
(millions d'euros 2002)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002
|
Total |
|||||||
|
AP |
CP |
AP |
CP |
AP |
CP |
AP |
CP |
AP |
CP |
AP |
CP |
AP |
CP |
LPM |
3 268 |
3 484 |
3 239 |
3 506 |
3 192 |
3 532 |
3 431 |
3 536 |
3 765 |
3 591 |
3 674 |
3 568 |
20 569 |
21 218 |
LFI |
3 326 |
3 577 |
2 874 |
3 104 |
3 779 |
3 322 |
2 950 |
3 148 |
3 381 |
3 202 |
3 041 |
3 217 |
19 351 |
19 570 |
Ecarts LFI/LPM |
58 |
+ 93 |
- 365 |
- 402 |
587 |
- 210 |
- 481 |
- 388 |
- 384 |
- 389 |
- 633 |
- 351 |
- 1 218 |
- 1 648 |
Annulations |
456 |
211 |
272 |
274 |
|
368 |
709 |
277 |
|
238 |
|
|
1 436 |
1 142 |
Total annuel |
- 398 |
- 118 |
- 637 |
- 676 |
+ 587 |
- 578 |
- 1 190 |
- 665 |
- 384 |
- 627 |
- 633 |
- 351 |
- 2 654 |
3 016 |
Il
apparaît donc, que, sans préjuger de ce que sera
l'exécution du budget en 2001 et 2002, plus de 15 % des crédits
prévus en AP et en CP n'ont pas été
dépensés. A la fin de l'année 2002, c'est
vraisemblablement une annuité de programmation qui manquera à la
Marine. On ne peut que regretter ce retard qui aura bien sûr des
conséquences négatives sur les coûts des programmes
d'armement, de l'entretien des matériels et sur l'équipement des
forces.
A ce titre, l'annuité 2002 ne fait pas exception, elle est comparable
à 1998, la plus mauvaise année de la programmation avec
1998 où les crédits s'élevaient en autorisations de
programme à 2 874 M € et en crédits de paiement à 3
104 M €. Les crédits prévus en 2002 sont, rappelons le de 3
042 M € en AP et de 3 098 M € en CP, hors reports
(+ 119 M €).
B. LA NÉCESSAIRE RÉFORME DE DCN ET DE L'ENTRETIEN DE LA FLOTTE
Le budget de la Marine a été obéré de manière importante par les mesures de restructurations de DCN et par l'augmentation des difficultés de l'entreprise pendant toute cette période malgré la réforme entreprise.
1. L'impact des mesures financières pour l'adaptation des structures industrielles de DCN
Durant
toute la loi de programmation, la Marine a dû financer sur son propre
budget : l'accompagnement financier de la restructuration de DCN à
travers le Fonds d'adaptation industrielle (FAI).
Sur l'ensemble de la loi de programmation, cet appui financier a
approximativement représenté le prix d'une frégate.
En 2001 et 2002 les charges prévues à ce titre sont les
suivantes :
(en millions d'euros)
|
2001 |
2002 |
Ressources budgétaires |
117,0 |
90,1 |
Retraite anticipée à 55 ans |
24,9 |
20,8 |
Retraite anticipée à 52 ans |
54,6 |
52,6 |
Départs volontaires |
8,3 |
13,0 |
Mutations vers les états-majors ou services centraux |
0,9 |
0,4 |
Cessations d'activité |
1,5 |
1,7 |
Total des charges DCN |
90,2 |
88,5 |
Maintien des rémunérations (charges DFP) |
7,6 |
7,6 |
Total des charges |
97,8 |
96,1 |
Le
déficit prévisible en 2002 entre les charges et les
crédits dégagés par le projet de loi de finances devrait
être compensé par les reports dus au solde excédentaire de
2001. La baisse des ressources s'explique par les conséquences
financières de l'arrêt en 2000 des mesures de dégagement
des cadres.
Or, le FAI, qui devait disparaître avec la fin de la loi de programmation
1997-2002, pourrait être reconduit dans la LPM 2003-2008 pour un montant
d'environ 60 millions d'euros. Il servirait notamment à financer le
recrutement de cadres de tout niveau dont manque cruellement la DCN.
2. Le changement de statut de DCN s'accompagne pour la Marine d'un risque financier très important.
Le
changement de statut suscite une forte inquiétude car le passage du
statut d'administration ou de service à compétence nationale
à celui de société provoquera mécaniquement la
soumission de DCN à la TVA et aux impôts locaux .
Or, la Marine qui est le client presque unique de DCN craint qu'elle ne doive
brutalement faire face à une augmentation de près de 20 % des
prix de DCN, diminuant d'autant son pouvoir d'achat.
Par ailleurs, l'augmentation de la productivité de DCN se fait attendre.
DCN promettait que la réduction de ses effectifs s'accompagnerait de 20
% de gains de productivité, qui bénéficieraient à
la Marine. Mais, le ralentissement de la déflation des effectifs,
pourtant indispensable compte tenu de la réduction du chiffre
d'affaires, les éventuels recrutement et le passage au 35h font craindre
une nouvelle hausse des coûts.
Au total, ces coûts supplémentaires sont évalués
à 122 M € par la Marine. Il ne semble pas possible qu'elle ait
à les supporter seule et sans transition. L'exemple de GIAT devrait
inciter au contraire à ne faire supporter que progressivement ce
surcoût à la Marine, à rythme proches des réductions
de prix qui seraient obtenues grâce aux réformes engagées.
Sans préjuger du rapport de M. Jean Faure qui sera le rapporteur pour
avis de votre commission des affaires étrangères et de la
défense sur l'article du projet de loi de finances rectificative, qui
prévoit la transformation de DCN en société d'ici 2003.
Votre rapporteur, estime cette transformation indispensable à la
pérennité de l'entreprise et du savoir faire français en
matière de construction navale militaire. Le changement de statut
devrait permettre à DCN de s'allier avec des partenaires français
et étrangers, les négociations avec les partenaires
français (Thales et Technicatome) étant pour l'instant
très lentes.
Par ailleurs, de nombreux problèmes restent en suspend :
- le financement de la capitalisation de l'entreprise,
- la pérennité du statut des ouvriers d'Etat en raison du poids
financier et donc du problème de compétitivité qu'il
provoque,
- la négociation d'un contrat d'entreprise avec l'Etat : DCN doit
il avoir le monopole de la construction navale militaire ? si oui, pour
combien de temps ?
- la transition vers une culture d'entreprise.
3. La réorganisation de l'entretien de la flotte : la création du SSF
L'objectif de disponibilité des bâtiments de
combat est
normalement de 80 %. Il est aujourd'hui aux environs de 70 %. Plus d'un tiers
des indisponibilités sont liées à des difficultés
d'approvisionnement de rechanges et à des délais excessifs de
passation de marchés. Cette situation est en partie la
conséquence du vieillissement de la flotte dont l'âge moyen
atteindra 21 ans en 2008 et est aggravée par la situation de
DCN qui a enregistré d'importants retards (5 mois de retard pour
l'IPER du Rubis, 7 mois pour le BCR Somme).
Face à la gravité de ce constat et à son impact
négatif sur la capacité opérationnelle de la Marine et le
moral des équipages, la reprise en main par la Marine de l'entretien des
bâtiments et de la gestion des rechanges a été
décidée. Un service nouveau, le service de soutien de la flotte
(SSF) a été créé par un décret du 28 juin
2000.
Il a pour mission de fédérer, sous l'autorité du chef
d'état-major de la Marine, l'ensemble des moyens et des acteurs
concourant à l'entretien de la flotte de surface et sous-marine. Sa
création vise à simplifier l'organisation du soutien,
d'éviter toute duplication de responsabilité et de moyens et
faciliter la gestion de l'ensemble des problèmes.
Le SSF est constitué d'une direction centrale à Paris et de deux
directions locales à Brest et Toulon. C'est un service mixte Marine/DGA.
L'objectif essentiel du SSF est d'améliorer la disponibilité des
bâtiments grâce au développement d'une relation
contractuelle avec DCN et une meilleure gestion des stocks de pièces de
rechange. La détention et la comptabilité des rechanges ont ainsi
été confiées au Commissariat de la Marine, le SSF gardant
les fonctions d'achat, de gestion et de délivrance.
Le SSF doit en outre superviser la totalité de la maintenance quel que
soit l'acteur qui l'effectue (DCN, ateliers militaires de la flotte,
bâtiments de soutien, industriels privés).
Pour accroître la disponibilité des bâtiments, l'axe
principal d'effort résulte de la mise en place d'une gestion par flotte
ou type de bateau ce qui permet aux commandants de n'avoir qu'un seul
interlocuteur et aux équipes de gestion de mieux anticiper les besoins
et de capitaliser l'expérience acquise. A terme, le SSF souhaite mettre
en place un système logistique intégré permettant
d'effectuer très tôt les commandes et d'optimiser les rythmes
d'entretien des différents bâtiments.
Créé il y a encore peu de temps, le SSF n'a encore eu beaucoup de
résultats concrets mais a entrepris des « opérations
coup de poing » dans des domaines précis comme les petites
rechanges.
Enfin, on peut s'interroger sur la pertinence de la reprise par la Marine de la
gestion des rechanges et de l'entretien alors qu'elle est soumise aux
mêmes lourdeurs juridiques que DCN et que cette fonction industrielle ne
fait pas partie de son coeur de métier.