EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent rapport pour avis lors
de sa réunion du 22 novembre 2001.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Xavier de Villepin,
président, a souhaité savoir quelles décisions la marine
avait décidé de prendre pour assurer le contrôle des
approches maritimes après l'échouage de l'East Sea sur les
côtes méditerranéennes.
M. André Boyer, rapporteur pour avis, a précisé que,
seuls, les sémaphores qui n'étaient pas situés à
proximité de zones portuaires ou militaires importantes ne
fonctionnaient que durant la journée. Depuis cet
événement, le chef d'état-major de la marine a
ordonné le réarmement, de jour comme de nuit, de tous les
sémaphores, qui assurent ainsi en permanence une veille visuelle et
radio de nos côtes. D'autres moyens ont été mis en alerte
pour assurer la surveillance au large.
M. Xavier de Villepin, président, a ensuite souhaité obtenir des
précisions sur les modalités de l'appareillage du porte-avions
Charles-de-Gaulle, annoncé par le Premier ministre, et notamment sur la
présence à bord d'avions Rafale.
M. André Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que le
déploiement du Charles-de-Gaulle s'inscrivait dans le cadre de la
deuxième phase de la guerre menée contre Al Qaida en Afghanistan.
Cette phase risque d'être de longue haleine et de porter sur de vastes
espaces. Le groupe aéronaval sera composé d'une frégate
anti-aérienne, de deux frégates anti-sous-marines, d'un
sous-marin nucléaire d'attaque et d'un pétrolier ravitailleur.
Ces bâtiments rejoindront les forces déjà
déployées dans l'Océan indien, notamment le bâtiment
de commandement et de ravitaillement (BCR) Var, dont l'apport logistique a
été très apprécié par les Américains,
et l'avion de patrouille maritime Atlantique, basé à Djibouti. A
son bord, le porte-avions embarquera des avions Super-Etendard, des Hawkeye,
des Rafale et des hélicoptères. Les Rafale effectueront à
cette occasion leur évaluation opérationnelle. Ils ne seront
normalement pas employés pour des missions de combat.
Le groupe aéronaval aura notamment pour mission d'empêcher toute
exfiltration des terroristes par la mer ou par aéronef au-dessus de la
mer. Il s'agit d'une mission de surveillance maritime qui nécessite des
moyens très importants compte tenu de l'immensité des zones
à couvrir. Elle requiert des moyens aériens et de surface et des
moyens de commandement et de transmission des données. Le groupe
aéronaval sera à même de répondre à ces
besoins grâce aux Hawkeye dont la portée de détection radar
est de 800 km, aux Super-Etendard capables de faire des reconnaissances
optiques rapides à grande distance sur des échos suspects, au
système de combat du porte-avions pour gérer et transmettre
toutes les informations. Enfin, les hélicoptères et les
bâtiments d'escorte pourront assurer l'inspection des navires.
Répondant à M. Christian de La Malène, M. André
Boyer, rapporteur pour avis, a expliqué que le groupe aéronaval
pourrait effectuer ces missions pendant six mois environ et qu'il aurait
également pour rôle de soutenir les forces françaises et
alliées à terre. Le groupe aérien du portes-avions
permettra d'effectuer des missions de reconnaissance, de surveillance de
l'espace aérien, d'appui-feu et de protection aérienne,
essentiellement dans la partie sud de l'Afghanistan.
La commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du
ministère de la défense pour 2002.
Avant que la commision ne se prononce sur l'ensemble des crédits de la
défense pour 2002, M. Xavier de Villepin, président, a
rappelé que le projet de budget de la défense pour 2002 prend en
compte, au titre III et de façon positive, les exigences de la
professionnalisation. Il prévoit à cet effet un abondement
substantiel des crédits liés à la condition militaire,
ainsi qu'à l'entraînement des forces. Cependant, a-t-il
déploré, le projet n'apporte aucune marge de manoeuvre pour tout
ce qui relève des crédits d'équipement.
La condition militaire, et notamment les mesures catégorielles en faveur
des sous-officiers, sont un des aspects positifs des crédits du titre
III. Ils permettent également d'améliorer les normes
d'entraînement des trois armées, qui constituaient un sujet de
préoccupation depuis plusieurs années.
Le titre V, en revanche, n'est plus à la hauteur des besoins. Si l'on
excepte le nucléaire, judicieusement préservé et
renforcé, ce titre, pour ce qui est des forces classiques, s'inscrit
dans la logique des diverses encoches qui ont affecté plusieurs
annuités de l'actuelle programmation. Il rend par ailleurs
irréaliste la transition avec le niveau de la première
annuité telle que définie dans le projet de loi de programmation
2003-2008.
Enfin, le niveau des crédits de paiement du projet 2002 n'est
guère compatible avec l'état des engagements
réalisés depuis 1998 qui auraient justifié, au contraire,
a souligné M. Xavier de Villepin, président, de dégager
une marge de gestion accrue pour les armées. Les autorisations de
programmes, pour leur part, n'augmentent pas de façon suffisante. Pour
l'armée de terre, notamment, certaines commandes ne pourront être
passées au moment prévu, entraînant de nouveaux retards.
Concluant une programmation 1997-2002 qui aura, au fil des encoches et des
annulations, manqué de l'équivalent budgétaire d'une
annuité, ce projet de budget de la défense pour 2002, a
estimé M. Xavier de Villepin, président, est d'autant plus
critiquable -en dépit des efforts importants consentis sur le titre III-
qu'il intervient à un moment où la situation internationale
requiert une disponibilité accrue de nos forces dont on sait qu'elles
seront, à moyen terme, confrontées à des lacunes
capacitaires importantes comme, notamment, le transport aérien ou les
hélicoptères de transport de troupe.
Autant de raisons qui, a conclu M. Xavier de Villepin, président, le
conduisaient à émettre un avis défavorable à
l'adoption de ces crédits.
M. Jean-Pierre Masseret n'a pas contesté les préoccupations
exprimées dans le constat formulé par M. Xavier de Villepin,
président. Il a toutefois estimé, d'une part, qu'une
appréciation rigoureuse des crédits devait tenir compte des
conséquences de la décision de professionnaliser nos forces et
que, d'autre part, l'actuelle loi de programmation militaire avait
-après certes une revue de programmes- à peu près atteint
ses objectifs, ce qui ne s'était pas produit souvent dans le
passé.
Pour M. Jean-Pierre Masseret, c'est la décision, qu'il a jugée
improvisée, de professionnaliser les forces qui affectait aujourd'hui
les crédits d'équipement. Chacun savait le surcoût que ne
manquerait pas d'entraîner cette réforme qui a quand même
été menée à bien. Dans un cadre budgétaire
global nécessairement contraint, l'incidence de la professionnalisation
ne pouvait que peser sur le titre V.
Cela étant, a poursuivi M. Jean-Pierre Masseret, ce constat ne devait
pas empêcher d'identifier les difficultés capacitaires qui
pouvaient affecter le rôle de nos forces dans le monde ou dans le cadre
d'une défense européenne que la France, à son avis,
était bien seule à vouloir réellement promouvoir.
Prenant ainsi en compte que les objectifs majeurs de la programmation avaient
été atteints en dépit du coût de la
professionnalisation et rendant hommage aux personnels des forces
armées, M. Jean-Pierre Masseret a indiqué que le groupe
socialiste voterait les crédits de défense pour 2002.
M. Michel Caldaguès s'est élevé contre une forme de
chantage moral selon lequel un rejet des crédits de défense
porterait atteinte au moral des armées. C'était bien
plutôt, selon lui, si le Parlement se montrait aveugle et
négligent dans ses analyses que ce moral pouvait être
légitimement atteint. Pour M. Michel Caldaguès, un mauvais budget
légitimait un vote négatif.
M. Michel Caldaguès s'est déclaré inquiet de ce que la loi
de programmation militaire, en s'assignant un modèle d'armée, au
demeurant cohérent, à l'horizon 2015, avait sacrifié le
moyen terme, renvoyant à plus tard les exigences capacitaires
indispensables à bref délai. Ainsi, à l'horizon 2008, ce
constat capacitaire lui apparaissait consternant et directement lié,
notamment, au non-respect de l'engagement, inclus dans la loi de programmation
militaire, de crédits d'équipement constants, alors même
que la plus grande partie de la période couverte par la loi avait
coïncidé avec une relative embellie budgétaire. M. Michel
Caldaguès a estimé que nos forces se trouvaient cruellement
démunies dans de trop nombreux domaines : risque de non-permanence
de notre composante nucléaire navale, de défaut de permanence
dans le transport stratégique -dont la capacité future
dépendait d'une décision allemande- enfin non-permanence du
groupe aéronaval. Que restait-il sinon une situation dramatique, du fait
du non-respect d'une loi de programmation pourtant votée par la
représentation nationale ?
Enfin, M. Michel Caldaguès a contesté le raisonnement tendant
à faire porter à la professionnalisation la responsabilité
de la situation. Elle était la seule réussite de cette
programmation et ce n'est pas elle qui avait conduit à l'état
actuel des crédits d'équipement.
M. Michel Caldaguès a alors indiqué qu'il se joindrait à
l'avis défavorable proposé par M. Xavier de Villepin,
président.
M. Jean-Yves Autexier a relevé l'effort consenti sur l'espace, la
communication, le renseignement ainsi que la réaffirmation d'une
dissuasion indépendante. Il a cependant souligné les
conséquences négatives de la décision, prise, a-t-il
estimé, dans l'improvisation, de mettre un terme au service national. On
recueillait à présent, a-t-il poursuivi, les fruits amers de la
programmation. Celle-ci avait eu deux objectifs : la professionnalisation
tout d'abord, qui dans un contexte de diminution de la croissance ne pouvait
que peser sur les crédits d'équipement. Ensuite, la configuration
de nos forces en vue de leur projection pour des opérations
extérieures : or, celles-ci ne relevaient pas toujours de
l'intérêt national et s'avéraient par ailleurs
excessivement coûteuses. Relevant cependant que malgré une marge
de manoeuvre réduite les objectifs essentiels avaient été
préservés, M. Jean-Yves Autexier a indiqué que le groupe
communiste républicain et citoyen s'abstiendrait sur les crédits
de la défense pour 2002.
M. Jean-Guy Branger a rappelé qu'il y a plus de vingt ans, les
crédits de défense correspondaient à 3,5 % du PIB. A
l'époque, chacun estimait qu'un taux de 4 % était
nécessaire pour le bon fonctionnement et un équipement
adapté des forces armées. Aujourd'hui la part de la
défense dans le PIB était ramenée à moins de
2 % . Cela illustrait, a estimé M. Jean-Guy Branger, un manque
de volonté politique et il relevait de la responsabilité de la
représentation nationale d'expliquer à l'opinion les
conséquences très négatives de cette insuffisance.
La commission a alors émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits de défense figurant dans le projet de loi
de finances pour 2002.