CONCLUSION
Votre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées avait émis un avis défavorable en 2000 et
2001 à l'adoption d'un projet de budget qui ne permettait pas de
répondre aux engagements pris par la loi de programmation 1997-2002,
même revus à la baisse en 1998.
Ce dernier projet de budget pour 2002, correspondant à la
dernière annuité de la programmation ne compense pas les
contradictions répétées subies en matière de
crédits d'équipements au cours des dernières
années. Il rend plus qu'aléatoire la possibilité d'une
jonction souple avec la première annuité de la prochaine loi de
programmation 2003-2008, qui sera, pour l'armée de l'air en particulier,
particulièrement exigeante : entrée en phase de fabrication
des principaux programmes (Rafale et A 400 M). A terme, c'est la
réalisation même du modèle d'armée 2015, à
l'échéance prévue, qui pourrait se trouver remise en
cause.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent avis au cours de sa
réunion du 14 novembre 2001.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est
alors instauré entre les commissaires.
M. André Boyer a exprimé son inquiétude sur la position du
gouvernement italien en faveur de l'A 400 M.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a relayé cette inquiétude
à propos de la position de l'Allemagne.
M. Philippe de Gaulle a interrogé le rapporteur pour avis sur
l'état de livraison des Mirage 2000-5.
M. Michel Caldaguès a fait valoir que, même si l'Airbus A 400 M
était réalisé, ce qui lui semblait improbable, il ne
serait livré au mieux qu'à trois exemplaires en 2007 ; il
s'est donc interrogé sur la nature des décisions à prendre
pour relayer d'ici là les Transall qui arrivent au terme de leur
utilisation.
Le président Xavier de Villepin a évoqué également
les nombreuses incertitudes pesant sur la réalisation future de l'A 400
M, tenant notamment aux tergiversations des gouvernements italien et allemand.
Il a interrogé le rapporteur pour avis sur la nature des
différents standards du Rafale, selon qu'ils sont destinés
à l'armée de l'air de notre pays ou à l'exportation, ainsi
que sur le pays producteur des drones Hunter. Il a également
souhaité savoir si la France songeait à s'équiper,
à l'avenir, de drones dotés d'armements, sur le modèle de
ceux actuellement utilisés par les Etats-Unis. Puis il a
évoqué le prochain lancement, par les Etats-Unis, de la
construction de l'avion de combat Joint Strike Fighter (JSF) dont il est
envisagé de produire 6.000 exemplaires, dont la moitié serait
destinée à l'exportation, et a émis la crainte que cet
avion ne supplante, sur le marché mondial, tant le Rafale que
l'Eurofighter et compromette, à terme, la capacité industrielle
européenne dans ce secteur.
En réponse, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a apporté les
précisions suivantes :
- des incertitudes pèsent effectivement sur les décisions finales
des pays européens engagés dans le projet A 400 M, mais les
décisions sur ce projet seront, en tout état de cause, connues
d'ici la fin de l'année en cours ;
- s'agissant du Mirage 2000-5, 37 exemplaires en ont été
livrés à l'armée de l'air, et il avait été
effectivement envisagé d'en livrer 14 autres, mais cette perspective n'a
pas été reprise dans le projet de loi de programmation militaire
2003-2008 ;
- les différents standards du Rafale sont les F1, dévolus au
combat air-air, les F2 qui peuvent également accomplir des missions
air-sol, et les F3, qui seront destinés à l'emport de l'arme
nucléaire. Les Rafale destinés à l'exportation sont d'un
autre type, car plus puissants, ce qui implique que leurs moteurs et leurs
carlingues soient reconfigurés ; de ce fait, ils sont
également plus coûteux pour leurs acheteurs potentiels ;
- s'agissant des drones Hunter, ils sont produits par Israël ; quant
aux futurs drones MALE, ils seront affectés à l'observation, mais
ne seront pas dotés d'armements.
*
* *
Au cours
de sa séance du 22 novembre, la commission a examiné l'ensemble
des crédits du ministère de la défense.
M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le projet de
budget de la défense pour 2002 prend en compte, au titre III et de
façon positive, les exigences de la professionnalisation. Il
prévoit à cet effet un abondement substantiel des crédits
liés à la condition militaire, ainsi qu'à
l'entraînement des forces. Cependant, a-t-il déploré, le
projet n'apporte aucune marge de manoeuvre pour tout ce qui relève des
crédits d'équipement.
La condition militaire, et notamment les mesures catégorielles en faveur
des sous-officiers, sont un des aspects positifs des crédits du titre
III. Ils permettent également d'améliorer les normes
d'entraînement des trois armées, qui constituaient un sujet de
préoccupation depuis plusieurs années.
Le titre V, en revanche, n'est plus à la hauteur des besoins. Si l'on
excepte le nucléaire, judicieusement préservé et
renforcé, ce titre, pour ce qui est des forces classiques, s'inscrit
dans la logique des diverses encoches qui ont affecté plusieurs
annuités de l'actuelle programmation. Il rend par ailleurs
irréaliste la transition avec le niveau de la première
annuité telle que définie dans le projet de loi de programmation
2003-2008.
Enfin, le niveau des crédits de paiement du projet 2002 n'est
guère compatible avec l'état des engagements
réalisés depuis 1998 qui auraient justifié, au contraire,
a souligné M. Xavier de Villepin, président, d'écarter
l'octroi d'une marge de gestion accrue pour les armées. Les
autorisations de programmes, pour leur part, n'augmentent pas de façon
suffisante. Pour l'armée de terre, notamment, certaines commandes ne
pourront être passées au moment prévu, entraînant de
nouveaux retards.
Concluant une programmation 1997-2002 qui aura, au fil des encoches et des
annulations, manqué de l'équivalent budgétaire d'une
annuité, ce projet de budget de la défense pour 2002, a
estimé M. Xavier de Villepin, président, est d'autant plus
critiquable -en dépit des efforts importants consentis sur le titre III-
qu'il intervient à un moment où la situation internationale
requiert une disponibilité accrue de nos forces dont on sait qu'elles
seront, à moyen terme, confrontées à des lacunes
capacitaires importantes comme, notamment, le transport aérien ou les
hélicoptères de transport de troupe.
Autant de raisons qui, a conclu M. Xavier de Villepin, président, le
conduisaient à émettre un avis défavorable à
l'adoption de ces crédits.
M. Jean-Pierre Masseret n'a pas contesté les préoccupations
exprimées dans le constat formulé par M. Xavier de Villepin,
président. Il a toutefois estimé, d'une part, qu'une
appréciation rigoureuse des crédits devait tenir compte des
conséquences de la décision de professionnaliser nos forces et
que, d'autre part, l'actuelle loi de programmation militaire avait
-après certes une revue de programmes- à peu près atteint
ses objectifs, ce qui ne s'était pas produit souvent dans le
passé.
Pour M. Jean-Pierre Masseret, c'est la décision, qu'il a jugée
improvisée, de professionnaliser les forces qui affectait aujourd'hui
les crédits d'équipement. Chacun savait le surcoût que ne
manquerait pas d'entraîner cette réforme qui a quand même
été menée à bien. Dans un cadre budgétaire
global nécessairement contraint, l'incidence de la professionnalisation
ne pouvait que peser sur le titre V.
Cela étant, a poursuivi M. Jean-Pierre Masseret, ce constat ne devait
pas empêcher d'identifier les difficultés capacitaires qui
pouvaient affecter le rôle de nos forces dans le monde ou dans le cadre
d'une défense européenne que la France, à son avis,
était bien seule à vouloir réellement promouvoir.
Prenant ainsi en compte que les objectifs majeurs de la programmation avaient
été atteints en dépit du coût de la
professionnalisation et rendant hommage aux personnels des forces
armées, M. Jean-Pierre Masseret a indiqué que le groupe
socialiste voterait les crédits de défense pour 2002.
M. Michel Caldaguès s'est élevé contre une forme de
chantage moral selon lequel un rejet des crédits de défense
porterait atteinte au moral des armées. C'était bien
plutôt, selon lui, si le Parlement se montrait aveugle et
négligent dans ses analyses que ce moral pouvait être
légitimement atteint. Pour M. Michel Caldaguès, un mauvais budget
légitimait un vote négatif.
M. Michel Caldaguès s'est déclaré inquiet de ce que la loi
de programmation militaire, en s'assignant un modèle d'armée, au
demeurant cohérent, à l'horizon 2015, avait sacrifié le
moyen terme, renvoyant à plus tard les exigences capacitaires
indispensables à bref délai. Ainsi, à l'horizon 2008, ce
constat capacitaire lui apparaissait consternant et directement lié,
notamment, au non-respect de l'engagement, inclus dans la loi de programmation
militaire, de crédits d'équipement constants, alors même
que la plus grande partie de la période couverte par la loi avait
coïncidé avec une relative embellie budgétaire. M. Michel
Caldaguès a estimé que nos forces se trouvaient cruellement
démunies dans de trop nombreux domaines : risque de non-permanence
de notre composante nucléaire navale, de défaut de permanence
dans le transport stratégique -dont la capacité future
dépendait d'une décision allemande- enfin non-permanence du
groupe aéronaval. Que restait-il sinon une situation dramatique, du fait
du non-respect d'une loi de programmation pourtant votée par la
représentation nationale ?
Enfin, M. Michel Caldaguès a contesté le raisonnement tendant
à faire porter à la professionnalisation la responsabilité
de la situation. Elle était la seule réussite de cette
programmation et ce n'est pas elle qui avait conduit à l'état
actuel des crédits d'équipement.
M. Michel Caldaguès a alors indiqué qu'il se joindrait à
l'avis défavorable proposé par M. Xavier de Villepin,
président.
M. Jean-Yves Autexier a relevé l'effort consenti sur l'espace, la
communication, le renseignement ainsi que la réaffirmation d'une
dissuasion indépendante. Il a cependant souligné les
conséquences négatives de la décision, prise, a-t-il
estimé, dans l'improvisation, de mettre un terme au service national. On
recueillait à présent, a-t-il poursuivi, les fruits amers de la
programmation. Celle-ci avait eu deux objectifs : la professionnalisation
tout d'abord, qui dans un contexte de diminution de la croissance ne pouvait
que peser sur les crédits d'équipement. Ensuite, la configuration
de nos forces en vue de leur projection pour des opérations
extérieures : or, celles-ci ne relevaient pas toujours de
l'intérêt national et s'avéraient par ailleurs
excessivement coûteuses. Relevant cependant que malgré une marge
de manoeuvre réduite les objectifs essentiels avaient été
préservés, M. Jean-Yves Autexier a indiqué que le groupe
communiste républicain et citoyen s'abstiendrait sur les crédits
de la défense pour 2002.
M. Jean-Guy Branger a rappelé qu'il y a plus de vingt ans, les
crédits de défense correspondaient à 3,5 % du PIB. A
l'époque, chacun estimait qu'un taux de 4 % était
nécessaire pour le bon fonctionnement et un équipement
adapté des forces armées. Aujourd'hui la part de la
défense dans le PIB était ramenée à moins de
2 % . Cela illustrait, a estimé M. Jean-Guy Branger, un manque
de volonté politique et il relevait de la responsabilité de la
représentation nationale d'expliquer à l'opinion les
conséquences très négatives de cette insuffisance.
La commission a alors émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits de défense figurant dans le projet de loi
de finances pour 2002.