II. DES INTERROGATIONS PERSISTANTES

Sans revenir trop longuement sur un sujet maintes fois exploré par votre commission, celui des charges d'intérêt général supportées, sans compensation intégrale, par La Poste, votre rapporteur estime toutefois utile, à la veille de la négociation du nouveau contrat de plan et de l'ouverture à la concurrence, de rappeler brièvement les masses financières en jeu.

A. LA « BOMBE À RETARDEMENT » DES CHARGES DE RETRAITES

1. Une évolution temporairement neutralisée

En vertu de la loi précitée de 1990, La Poste assure la prise en charge intégrale des dépenses de pensions de ses agents.

Compte tenu de la démographie de ses effectifs et du nombre de pensionnés, les prévisions réalisées dans le cadre des travaux préparatoires au contrat de plan pour la période 1998/2001 ont mis en évidence une tendance à un accroissement important des charges de retraite supportées par La Poste pour ses fonctionnaires (contribution complémentaire employeur au titre des pensions et charges de compensation). Le montant prévisionnel de l'accroissement annuel des charges que La Poste aurait eu à supporter sur la période a ainsi été estimé entre 53,3 et 76,2 millions d'euros par an.

Aussi, le contrat d'objectif et de progrès portant contrat de plan entre l'Etat et La Poste pour la période 1998/2001 a prévu de neutraliser cette dérive du coût des pensions et de stabiliser leur montant en francs constants au niveau de 1997.

Conformément à cette disposition, le montant des charges définitives de retraite supportées par La Poste au titre de 1997 a fait l'objet chaque année d'une actualisation prenant en compte l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle, soit :

- +0,6 % en 1998 (chiffre INSEE définitif) ;

- +0,5 % en 1999 (chiffre INSEE définitif) ;

- +1,6 % en 2000 (chiffre INSEE définitif) ;

- +1,2 % en 2001 (hypothèse d'inflation retenue par le projet de loi de finances pour 2001).

Le tableau ci-dessous détaille les flux financiers en résultant.

EVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE DES PENSIONS DES POSTIERS

 

1997

1998

1999

2000

Prévision pour 2001

(M€)

(M€)

(M€)

(M€)

(M€)

(1) Dépense prévisionnelle de pensions notifiée par le Ministère Economie, Finances, Industrie

2 064

2 163

2 236

2 334

2 394

(2) Solde de régularisation de l'exercice notifié par le Ministère Economie, Finances, Industrie

12,88

- 1,07

19,06

2,13

 

(3) Cotisations salariales pensions civiles

364

362

363

363

364

(4) Contribution complémentaire à la charge de

La Poste au titre des pensions= (1)+(2)-(3)

1 713

1 800

1 893

1 973

2 031

(5) Dépense prévisionnelle de compensation démographique vieillesse et de compensation spécifique vieillesse notifiée par le Ministère Economie, Finances, Industrie

247

165

112

13

- 9

(6) Solde de régularisation de l'exercice notifié par le Ministère Economie, Finances, Industrie

-15

-8

-39

-

-

(7) Solde de régularisation estimé par La Poste

-

-

-

12

-

(8) Charge de retraite employeur

= (4)+(5)+(6)+(7)

1 945

1 957

1 966

1 998

2 022

Evolution annuelle en %

-

0,60%

0,50%

1,60%

1,20%

Source : Secrétariat d'Etat à l'industrie

2. Une menace persistante pour le moyen terme

Mais les prévisions d'évolution des dépenses de pensions à horizon 2015 demeurent particulièrement préoccupantes :

CHARGES DE RETRAITES DE LA POSTE À L'HORIZON 2015

 

2000

2005

2010

2015

Nombre de retraités

164 381

189 516

220 597

244 998

Nombre de cotisants

242 763

232 763

222 763

212 763

Montant des prestations versées aux retraités (en millions d'euros constants).

2 248

2 577

3 020

3 392

Source : La Poste

A compter de 2010, le régime des retraites postal comptera plus de retraités que de cotisants . Soulignons que les engagements de retraite relatifs aux droits acquis par les agents fonctionnaires actifs et retraités ne font pas l'objet d'une comptabilisation au bilan de La Poste sous forme de provisions.

Pour ce qui est des perspectives jusqu'en 2005, même à ce terme rapproché, les ratios semblent peu soutenables pour les comptes postaux :

LA DÉFORMATION OU RATIO TRAITEMENTS/PENSIONS D'ICI À 2005

 

2000

2005

Nombre de retraités

164 381

189 516

Nombre de cotisants

242 763

232 763

Total des prestations versées

2 248 M€

2 577 M€

Masse des traitements

4 663 M€

4 509 M€

Ratio prestations/traitements

48,20%

57,10%

Source : La Poste

En 2000, La Poste a supporté au titre des charges de retraite un taux de contribution implicite employeur équivalent à 42,8 % de la masse des traitements versés à ses agents fonctionnaires: 1.998 millions d'euros, rapportés aux 4.598 millions d'euros de traitements versés aux agents fonctionnaires.

Pour la même année, les charges obligatoires supportées par les entreprises du secteur privé au titre des retraites se situent autour de 14,3 % de la totalité des salaires versés . Compte tenu des différences existant notamment en matière d'assiettes de cotisation et de modalités de répartition des charges entre employeurs et salariés dans le régime des pensions civiles et militaires dont relèvent les agents fonctionnaires de La Poste et dans les régimes obligatoires de retraite (régime général d'assurance vieillesse+régimes de retraite complémentaire) dont relèvent les salariés des autres entreprises du secteur postal, ces taux respectifs de contribution retraite ne peuvent pas toutefois faire l'objet d'une comparaison directe.

En revanche, le taux de contribution implicite employeur de 42,8% supporté en 1999 par La Poste au titre des retraites peut être utilement rapproché du taux de la contribution employeur retraite à caractère libératoire mis à la charge de France Télécom en vertu de la loi portant création de l'entreprise nationale France Télécom de juillet 1996, et qui est précisément calculé de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises relevant du droit commun des prestations sociales pour les risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'Etat.

Pour 1999, ce taux a été fixé à 36,7 %. La contribution exigée de La Poste au titre des retraites se situe donc 6 points au-dessus de la cotisation libératoire appliquée à France Télécom .

B. LE TRANSPORT POSTAL DE LA PRESSE : DES ACCORDS À RENÉGOCIER

Le transport et la distribution de la presse constituent en application de l'article 2 de la loi précitée du 2 juillet 1990 un service obligatoire, que La Poste exerce dans le respect des dispositions des articles 2, 3 et 6 de son cahier des charges.

Depuis 1991 et conformément à l'article 38 du cahier des charges de la Poste, l'Etat participe à la prise en charge du coût du service obligatoire du transport et de l'acheminement de la presse. Le cahier des charges précise notamment que « les sujétions particulières, supportées par La Poste à raison du régime d'acheminement et de distribution de la presse mentionné à l'article 6 du présent cahier des charges font l'objet d'une juste compensation financière ».

Malgré cette disposition, une contribution importante reste, in fine, à la charge de La Poste. Aussi, le contrat d'objectif et de progrès valable de 1991 à 2001 a précisé que l'Etat améliorait sa participation à la couverture du coût de cette activité pour La Poste. La contribution annuelle de l'Etat au titre de l'aide au transport postal de presse, qui avait été réduite à 1.850 millions de francs (282,03 millions d'euros) pour 1998 et 1999 (contre 1.900 millions de francs en 1997) a été rétablie à 1.900 millions de francs (289,65 millions d'euros) en 2000, 2001 et 2002.

Les accords dit « Galmot » conclus le 4 juillet 1996 ont permis de fixer un nouveau cadre relationnel entre l'Etat, La Poste et la presse jusqu'à la fin 2001. Ces accords « donnant-donnant » avaient notamment pour objectif d'assurer un financement plus équilibré du transport postal de presse, alors qu'une mission des inspections générales avait évalué à 28% le taux de couverture par La Poste de ses coûts en 1993, et d'offrir à la presse un cadre favorable à son développement, grâce à une souplesse accrue du cadre réglementaire fixé pour l'accès aux tarifs du transport postal de presse et à un meilleur contrôle de la qualité de ce transport.

Le tableau ci-après donne l'évaluation du partage du coût du transport postal de la presse entre l'Etat, la Poste et la presse depuis 1998 :

PARTAGE DU COÛT DU SERVICE OBLIGATOIRE
DU TRANSPORT POSTAL DE PRESSE
(ÉVALUATIONS PROVISOIRES) :

(millions d'euros)

1998

1999

2000

Coût global

1 132

1 137

1 143

Recettes (presse)

372

396

419

Contribution de l'Etat

282

282

290

Contribution de La Poste
(en % du total)

478
(42 %)

459
(40 %)

434
(38 %)

Source : La Poste. Chiffres excluant la presse administrative et internationale.

Votre commission déplore que la lenteur de mise en oeuvre de la comptabilité analytique de La Poste ne permette pas de disposer de chiffres incontestables pour le bilan de la mise en oeuvre des accords Galmot et leur renégociation.

En effet, 2001 étant la dernière année d'application du contrat de plan ainsi que des accords « Galmot », leur renégociation doit s'ouvrir. Il s'agit d'un autre chantier important pour La Poste.

C. L'INSUFFISANTE COMPENSATION DU COÛT DE L'AMÉNAGEMENT POSTAL DU TERRITOIRE

Faute d'une compensation suffisante, par l'Etat, des missions d'aménagement postal du territoire, les transferts de charge vers les collectivités locales du coût du maintien de la présence postale sont de plus en plus fréquents.

Votre rapporteur ne s'étendra pas sur ce sujet central, souvent approfondi par notre Commission des Affaires économiques, pour lequel il renvoie aux constats et propositions des rapports de votre commission ces quatre dernières années sur les sujets postaux 12( * ) .

Le chiffre de 3,5 milliards de francs (534 millions d'euros) de « non optimisation économique » du réseau postal pour des motifs d'animation territoriale n'est plus guère contesté.

En face, l'abattement de 85 % consenti, en contrepartie, à La Poste sur la taxe professionnelle ne représente plus guère que 271 millions d'euros en 2001 , contre 281 millions en 1999, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle.

Rappelons en la matière que la taxe professionnelle de La Poste, dans une moindre mesure, et, surtout, de France Télécom, demeure affectée à l'Etat, et non aux collectivités locales. S'agissant d'un impôt local, votre commission s'est déjà maintes fois insurgée contre cet état de fait, que le Gouvernement s'est engagé, année après année, pour France Télécom à modifier, sans que des mesures concrètes ne viennent appliquer cette « bonne volonté » maintes fois affichée.

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