B. LES CRÉDITS DU PATRIMOINE VICTIMES DE LEUR PROGRESSION ?
1. L'évolution générale des crédits
Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits consacrés au patrimoine entre la loi de finances pour 2001 et le projet de loi de finances pour 2002 en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'ENTRETIEN ET
D'INVESTISSEMENTS
CONSACRÉS AUX MONUMENTS HISTORIQUES
(en milliers )
|
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Évolution en % |
|||
Crédits d'entretien |
francs |
euros |
francs |
euros |
|
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Chapitre
35-20 article 20
|
66 179 |
10 089 |
68 813 |
10 490 |
3,98 |
|
Chapitre
43-30 article 40
|
69 065 |
10 529 |
72 515 |
11 055 |
5,00 |
|
Total crédits d'entretien |
135 244 |
20 618 |
141 328 |
21 545 |
4,50 |
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Chapitre
56-20 Patrimoine monumental
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Chapitre
66-20 Patrimoine monumental
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Total
crédits d'investissements
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Total dépenses ordinaires + crédits de paiement |
1 691 066 |
257 801 |
1 543 566 |
235 082 |
- 8,70 |
|
(Source
ministère de la culture)
On relèvera qu'une modification de la nomenclature complique l'analyse
des crédits pour 2002. Les opérations
déconcentrées inscrites sur les chapitres 56-20
et 66-20 ont été individualisées: ainsi, ont
été créés au sein du chapitre 56-20 un
article 20 et sur le chapitre 66-20 un article 60 regroupant les
opérations déconcentrées. En conséquence, le
libellé des autres articles des deux chapitres a été
modifié afin d'indiquer qu'ils ne contiennent que des opérations
d'intérêt national.
En raison de cette modification, les comparaisons article par article qui
peuvent être faites à partir de ce tableau n'ont qu'une valeur
indicative.
On relèvera que la nouvelle nomenclature ne facilite pas le
contrôle du Parlement car elle ne permet pas d'identifier au sein des
opérations déconcentrées, les crédits
respectivement attribués aux monuments appartenant à l'Etat et
à ceux ne lui appartenant pas.
a) Les crédits d'entretien : un effort encore insuffisant ?
Rompant
avec les exercices budgétaires antérieurs, le projet de loi de
finances pour 2002 prévoit une augmentation bienvenue des
crédits d'entretien.
En 2002, les crédits d'entretien des monuments historiques
appartenant à l'Etat progressent de 3,98 % pour
s'établir à 10,49 millions d'euros (68,81 millions
de francs).
Une évolution comparable est constatée pour les crédits
d'entretien des monuments n'appartenant pas à l'Etat qui passent
de 10,52 millions d'euros (69 millions de francs) à
11,05 millions d'euros (72,15 millions de francs), en augmentation de
5 ,03%.
Cet effort devra être poursuivi dans les années à
venir : compte tenu de l'insuffisance chronique de ces crédits, il
ne s'agit là que d'une première étape.
En effet, l'accroissement de ces crédits est nécessaire pour
éviter la dégradation des monuments, dégradation qui,
faute de travaux d'entretien régulier, nécessite des
restaurations de plus grande ampleur, d'un coût élevé et,
par ailleurs, obéissant à des procédures administratives
plus lourdes. Pour ces deux raisons, il est souhaitable que se réduise
l'écart entre le montant des crédits d'entretien et celui des
crédits d'investissement.
b) Les crédits d'investissement : une augmentation en trompe l'oeil ?
Les
crédits d'investissement consacrés au patrimoine monumental
progressent en 2002 de 4,28 % en autorisations de programme, passant
de 245,34 millions d'euros (1 609,2 millions de francs) à
255,92 millions d'euros (1 678,1 millions de francs).
Cette progression globale recouvre des évolutions contrastées,
qui pour certaines suscitent des inquiétudes.
A la différence de l'exercice 2001 où ils avaient connu des
évolutions comparables, les monuments historiques appartenant à
l'Etat et ceux appartenant à des propriétaires privés ou
à des collectivités territoriales ne sont pas traités de
la même manière, les premiers connaissant un sort plus favorable
que les seconds.
En effet, seuls les crédits consacrés aux monuments appartenant
à l'Etat progressent en 2002. Enregistrant une augmentation de
5,73 %, ils s'élèvent à 108,72 millions d'euros
(713,18 millions de francs). Au sein de ces crédits, il convient de
relever la forte progression de l'enveloppe des opérations nationales
(+ 14,06 %) afin de financer des chantiers tels que le Grand Palais
(+ 35,38 %), le palais de Chaillot (+ 55 %) ou encore
l'Opéra Garnier (+ 97,79 %).
En revanche, les crédits affectés au financement des travaux
effectués sur des monuments n'appartenant pas à l'Etat sont
reconduits en francs courants et s'établissent à
105,82 millions d'euros (694,15 millions de francs).
Par ailleurs, à la différence des autorisations de programme, les
crédits de paiement diminuent de 9,8 % passant de
237,18 millions d'euros (1 555,82 millions de francs) à
213,53 millions d'euros (1 402,49 millions de francs).
Ce recul des crédits de paiement est préoccupant à
plusieurs titres.
En premier lieu, il se double de la traditionnelle difficulté
qu'éprouve le ministère à consommer ces crédits,
difficulté qui va en s'accroissant. En effet, selon le rapport
précité de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi
de finances pour 2000, si en 2000, le taux de consommation des
crédits du chapitre 66-20 s'est maintenu autour de 77 %, entre
1998 et 2000, le taux de consommation des crédits du chapitre 56-20
est passé de 73 % à 49,9 %.
Cette situation est d'autant plus dommageable qu'elle s'accompagne d'une
insuffisance des crédits par rapport aux besoins, qu'a mise en
évidence le dernier bilan sanitaire du parc immobilier classé
monument historique établi en 1995 par la direction de
l'architecture et du patrimoine. Elle s'explique, certes, par la gestion
particulièrement lourde des chantiers de restauration des monuments
historiques, marquée par l'importance des contributions des tiers par le
biais des fonds de concours, la complexité des procédures et la
multiplicité des intervenants.
Mais on constate que ce handicap structurel n'a pu être surmonté
par les services du ministère de la culture. Il s'est à nouveau
manifesté dans le cadre de l'engagement des crédits
tempête. En dépit des instructions données par
l'administration centrale aux préfets de région afin de veiller
à la maîtrise des délais de mise en oeuvre de ces
crédits exceptionnels, les assouplissements significatifs des
procédures n'ont pu être acceptés que dans quelques
régions.
A cet égard, la Cour des comptes note que «
la
décision de ne pas reconduire pour la restauration du patrimoine
monumental, la formule de la loi de programme à l'issue de la
période couverte par la seconde de ces lois (1994-1997) paraît
révélatrice à la fois du refus de dégager les
moyens financiers nécessaires à la restauration des monuments
historiques et d'un certain scepticisme quant à la capacité du
ministère de la culture et de la communication de consommer des
crédits en augmentation.
»
Votre rapporteur souhaite que la diminution des crédits de paiement
prévue pour 2002 n'ait pas été guidée par ce
scepticisme.
A l'évidence, les services du ministère doivent faire face
à un engorgement ; le nombre d'opérations en stock pour les
seuls monuments de l'Etat s'élevaient à plus de 10 000 lots
en 2000 contre 8 000 lots en 1998.
Cependant, les opérations envisagées doivent être
réalisées, sauf à accepter le risque d'une
dégradation du patrimoine protégé. La diminution des
crédits de paiement, si elle n'aura pas vraisemblablement d'effets
immédiats, risque de constituer à terme une difficulté
supplémentaire en réduisant l'enveloppe disponible et à
accentuer encore le décalage, déjà excessif, entre les
autorisations de programme et les crédits de paiement.
Votre rapporteur souligne que l'accumulation de crédits de paiement non
consommés ne constitue en aucune manière une
« cagnotte » dont disposerait le ministère en ce
domaine. A cet égard, il ne peut que s'inquiéter du recyclage de
crédits de paiement en dépenses ordinaires auquel procède
le projet de budget. Cette manipulation constitue bien une forme d'annulation
déguisée. Certes les crédits de paiement concernés
ne pourront être engagés dans le cadre de
l'échéancier des autorisations de programme compte tenu des
délais de paiement ; cependant, les opérations auxquelles
ils correspondent ont été ou seront lancées, ce qui
signifie qu'il conviendra de rouvrir des crédits de paiement à
hauteur de ceux qui auront fait l'objet d'un redéploiement.