II. LE PROJET DE LOI : CRÉER LA MÉDIATION
A. LA CRÉATION D'UNE INSTANCE DE MÉDIATION
1. Une procédure nouvelle...
Le projet de loi ne remet pas en cause la possibilité ouverte à une femme de donner la vie en maintenant le secret de cette filiation. Le Gouvernement a confirmé cet objectif, le dossier législatif précisant que le projet de loi « permet la coexistence des droits à la liberté et à la vérité, la garantie du droit de l'enfant au respect de son histoire tout en assurant la sécurité de la mère et de l'enfant lors de la naissance ».
Néanmoins, ce projet organise une nouvelle procédure.
La femme qui souhaite préserver le secret de son accouchement est invitée à consigner son identité dans une enveloppe cachetée. Cette enveloppe est conservée au niveau du conseil général.
Dans le même temps, un Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP) est créé. La personne en recherche d'origine formule sa demande auprès de ce Conseil, qui obtient du conseil général communication de l'enveloppe contenant les références de la mère.
Sur la base de cette identité, le Conseil procède à des recherches afin de localiser la mère et lui demande, solennellement, si celle-ci accepte que le secret des origines soit levé.
En cas de refus, il n'est pas donné suite à la demande du requérant. En cas d'acceptation, l'identité lui est communiquée.
Cette procédure nouvelle, entourée par ailleurs de garanties, notamment de suivi psychologique, est claire en ce qui concerne les naissances nouvelles, pour lesquelles une enveloppe sera remplie.
Elle semble à votre rapporteur beaucoup plus incertaine en ce qui concerne les « stocks ». Les personnes nées avant l'entrée en vigueur de la loi ne sont pas, a priori , exclues du bénéfice des services du CNAOP, mais sur quelles bases celui-ci travaillera-t-il ?
Le projet de loi dispose que le Conseil est habilité à se faire communiquer tous documents relatifs à la naissance du requérant. C'est donc sur la base de bulletins d'admissions ou de procès-verbaux d'accouchements et d'abandons que celui-ci est appelé à travailler, c'est-à-dire retrouver la mère et procéder à la demande.
2. ...ayant pour objet de faciliter la rencontre des volontés
a) Une procédure a priori plus lisible et plus efficace
L'avantage d'une telle procédure est avant tout la lisibilité. Comme dans l'ensemble de ses rapports avec l'administration, le citoyen ne sait pas a priori à quels services s'adresser.
Ce jugement est particulièrement justifié dans le cas des recherches en origines. Les demandeurs s'adressaient bien souvent aux services hospitaliers et aux services sociaux départementaux avant, éventuellement, de formuler des recours pré-contentieux ou contentieux.
Le sentiment d'être « promené » entre plusieurs administrations engendre toujours une frustration et un sentiment d'incompréhension.
La nouvelle procédure a l'avantage d'être plus lisible. L'organisme est national, tout en disposant de relais locaux. L'usager sait à qui il doit s'adresser. Sa demande est formulée par écrit puis il laisse le Conseil agir. Votre rapporteur espère à ce titre que les délais nécessaires au Conseil pour mener à bien sa mission seront raisonnables.
Sous le bénéfice de cette réserve, la nouvelle procédure devrait logiquement se révéler plus efficace. Disposant d'une assise nationale, et du concours des administrations, le Conseil devrait retrouver les personnes plus rapidement. Lorsqu'une personne en recherche d'origine obtenait communication de l'identité de sa mère de naissance, il lui fallait procéder encore à la recherche géographique de celle-ci et, éventuellement, à l'approcher.
Le Conseil devrait, dans le cas d'une réponse positive, épargner cet ultime effort aux enfants -et parents- qui souhaiteraient in fine se rencontrer.
b) La fin de « l'alibi administratif »
Un autre avantage mis en avant serait que le projet de loi mettra fin à l'arbitraire administratif.
La ministre déléguée à la famille a pu parler, lors du débat à l'Assemblée nationale, de « vraie réticence administrative à la levée du secret » .
En dehors de la non-parution des décrets d'application de la loi précédente, cette réticence administrative réside dans la perception qu'ont les usagers d'un refus qui leur est opposé.
Pour plusieurs raisons, certains services vont communiquer une information, identifiante ou non. D'autres pas. Cette disparité de pratique fonctionnelle est également territoriale. Certains départements communiquent plus facilement que d'autres.
La mise en place du CNAOP devrait changer beaucoup en ce domaine, et unifier les pratiques. Mais l'important n'est pas là.
En effet, dans la nouvelle procédure, ce n'est plus l'administration qui opposerait un refus mais la mère. Et ce refus sera certainement perçu, après l'abandon, comme un second rejet.
Votre rapporteur ne peut juger en lieu et place des personnes en quête de leur identité si la dissipation de l'écran posé par l'administration est préférable au risque d'encourir un refus explicite de la mère elle-même, qui sera toujours durement vécu.
A partir du moment où ces personnes sont en recherche d'identité, il semble à votre rapporteur que leur démarche a pour but la recherche d'une vérité, le refus d'un statu quo et de l'incertitude, et qu'en conséquence la fin programmée de cet écran constitue plutôt un progrès.