N° 276
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 18 avril 2001 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, de modernisation sociale,
Par M. Jacques LEGENDRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Pierre Guichard, Marcel Henry, Roger Hesling, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal, Henri Weber.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2415 rect. , 2809 et T.A. 608
Sénat : 185 , 258 et 275 (2000-2001)
Politique sociale. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Dans un entretien accordé le 21 janvier dernier à un hebdomadaire dominical, M. Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d'Etat, estimait que la loi, au lieu d'être " solennelle, brève et permanente ", était " aujourd'hui bavarde, précaire et banalisée " et jugeait " dommageable (que) l'action politique (ait) pris la forme d'une gesticulation législative ".
Une telle déclaration lapidaire, qui rejoint d'ailleurs des commentaires désormais traditionnels du Conseil d'Etat sur certaines dispositions de projets de loi à portée faiblement normative (le droit à l' " état gazeux "), a provoqué le juste " étonnement " de M. Raymond Forni, président de l'Assemblée nationale.
Sans évidemment souscrire totalement aux appréciations du Conseil d'Etat, qui est présidé, il convient de le rappeler, par le Premier ministre, votre commission des affaires culturelles ne peut cependant que constater que le présent projet de loi, dit de modernisation sociale, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, qui s'apparente à bien des égards à un véritable " fourre-tout " de circonstance, porte témoignage, par l'extrême diversité de ses dispositions, d'une certaine dérive législative.
Qu'on en juge : prise en charge médicale des personnes en rétention administrative ( article 2 bis nouveau ) et des personnes en garde à vue ( article 6 bis nouveau ), établissement " Domaine de Pompadour " ( article 10 bis nouveau ), pensions de retraite et d'invalidité des conjoints et orphelins des sapeurs pompiers militaires ( article 10 octies nouveau ), application aux militaires du congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ( article 14 bis nouveau ), agrément des loueurs ou revendeurs de matériel de maintien à domicile ( article 14 quinquies nouveau ), régime légal de domiciliation des gens du voyage pour le bénéfice des prestations sociales ( article 24 ), régularisation de la situation de certaines secrétaires médico-sociales ( article 26 bis nouveau ), stationnement réservé pour les titulaires de la carte " Station debout pénible " ( article 28 ter nouveau ), appartement de coordination thérapeutique ( article 28 quinquies nouveau ), poursuites disciplinaires contre un médecin ayant dénoncé des sévices contre des enfants ( article 28 sexies nouveau ), validation des acquis dans la coiffure ( article 66 ), application du code du travail maritime aux personnels scientifiques et techniques non marins embarqués sur des navires de recherche océanographique ou halieutique ( article 70 ) et aux personnels non marins embarqués sur des navires câbliers ( article 75 nouveau )...
Votre commission des affaires culturelles laissera à la commission des affaires sociales, saisie au fond, le soin d'examiner la pertinence, l'unité et le caractère véritablement législatif de ces diverses dispositions qui sont susceptibles de concourir, à des titres très divers, à un objectif de modernisation de la société française.
Elle se gardera de mettre en cause le seul gouvernement pour avoir présenté un tel patchwork législatif, et aussi les services pour avoir profité de cette occasion pour vider leurs tiroirs, observant que nos collègues députés ont également contribué à enrichir la diversité du projet de loi soumis à l'examen du Sénat.
Votre commission, qui a exprimé le souhait de se saisir pour avis de ce texte, en raison notamment de l'importance de deux volets qui relèvent directement de sa compétence (réforme partielle des études médicales, validation des acquis de l'expérience professionnelle) tient aussi à noter que le gouvernement a été souvent à l'origine des articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale dans ces deux domaines.
En effet, si l'Assemblée nationale, le plus fréquemment sur proposition ou avec l'accord de sa commission, a adopté de sa propre initiative de nombreux articles additionnels tendant notamment à intégrer la pharmacie au CHU ( article 17 bis nouveau ), à reconnaître certains chirurgiens comme spécialistes ( article 17 ter nouveau ), à intégrer certains médecins titulaires d'un diplôme étranger ( article 17 quater nouveau ), à faire accéder des chirurgiens-dentistes au statut de praticien adjoint contractuel ( article 17 quinquies nouveau ), à étendre les missions des salariés intérimaires à certaines actions prévues par la négociation collective ( article 42 ter nouveau ), à prendre en compte les dépenses concourant à la validation des acquis de l'expérience dans l'obligation légale de financement de la formation ( article 42 septies nouveau ), à remplacer les actuels comités régionaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi ( article 45 bis nouveau )..., il n'en reste pas moins que le gouvernement a été directement à l'origine de nombreux autres articles additionnels, qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale après avis favorable de sa commission :
- assimilation des bilans de compétences et des actions de validation des acquis de l'expérience à des " missions " pour les salariés intérimaires ( article 42 bis nouveau ) ;
- inscription de la validation des acquis de l'expérience dans le champ des actions de formation professionnelle continue ( article 43 quater nouveau ) ;
- confidentialité applicable aux actions de validation des acquis de l'expérience ( article 42 quinquies nouveau ) ;
- extension de l'obligation quinquennale de négocier sur la formation professionnelle dans les branches à la validation des acquis de l'expérience ( article 42 sexies nouveau ) ;
- contrôle administratif et financier de l'Etat sur les organismes assistant les candidats à une validation des acquis de l'expérience ( article 42 octies nouveau ) ;
- autorisation d'absence pour les salariés appelés à participer à des jurys de validation des acquis de l'expérience ( article 42 nonies nouveau ) ;
- reconnaissance des formations à distance dans les conventions et contrats de formation ( article 45 ter nouveau ) ;
- mise en place d'un nouveau régime de déclaration d'activité pour les organismes de formation ( article 45 quater nouveau )...
Votre commission en restera là, observant en outre que le gouvernement a été naturellement tenté, alors que certaines réformes mises à l'étude depuis plusieurs années s'étaient enlisées dans les sables de la concertation et des intérêts contradictoires, de compléter son projet de loi de modernisation sociale par des mesures destinées à mettre en oeuvre sans délais des aménagements rendus nécessaires par l'urgence : c'est le cas en particulier pour la réforme des études médicales et pour la réforme de la validation des acquis qui auraient sans doute justifié le dépôt de deux projets de loi spécifiques.
Elle rappellera enfin que le présent projet de loi, initialement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 24 mai 2000 a été amputé par le gouvernement, avant son examen par nos collègues députés, de 29 articles qui ont été renvoyés à d'autres textes et adoptés.
A l'inverse, et comme il a été vu, le projet de loi ainsi amputé, qui ne comportait plus que 70 articles, a été enrichi de 35 articles additionnels à la suite de sa première lecture à l'Assemblée nationale.
Au total, votre commission considère que ce projet de loi, à géométrie variable, pompeusement et improprement qualifié de " modernisation sociale ", n'est en fait qu'un classique " DMOS " ou " DDOS ", que le Parlement est trop régulièrement conduit à examiner.
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En accord avec la commission des affaires sociales, votre commission saisie pour avis, se prononcera sur le fond sur les articles 22 (régularisation de la situation de certains agents contractuels de la Bibliothèque de France), 25 (avance par l'Etat des frais de construction de certains établissements d'enseignement), 28 bis nouveau (dépistage de la dyslexie et de la dysorthographie) et 28 quater nouveau (dispositions du code de la santé relative à la lutte contre le dopage) qui lui ont été délégués.
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I. UNE RÉFORME DES ÉTUDES MÉDICALES À PAS COMPTÉS
A. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE
1. Les aménagements de 1981
La dernière réforme d'importance des études médicales, intervenue en 1981, avait pour objet d'améliorer la formation pratique des généralistes et la formation théorique du troisième cycle. On rappellera brièvement qu'elle s'est traduite pour l'essentiel par la mise en place :
- d'une formation hospitalière pour tous les étudiants, mettant ainsi fin à un système où la plupart des médecins généralistes n'effectuaient qu'un stage interné de 6 à 12 mois dans des services souvent peu formateurs ;
- d'une formation théorique de troisième cycle pour tous les étudiants ;
- d'une spécialisation en médecine générale, c'est-à-dire le résidanat.