III. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS PROPRES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE SUR LE PLAN NORMATIF

Votre commission des Lois procède traditionnellement à un examen détaillé de l'application des lois concernant les territoires d'outre-mer relevant de sa compétence au fond.

Elle estime en outre opportun de faire le point sur les réformes législatives en cours ou à venir et sur les évolutions du cadre juridique de l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) à l'Union européenne.

A. L'APPLICATION DES LOIS RELATIVES AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE AINSI QUE LES RÉFORMES EN COURS OU À VENIR

1. L'application des lois relatives aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie

Après la loi du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer et les vingt ordonnances prises sur le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998 et ayant donné lieu à quatre projets de loi de ratification définitivement adoptés au mois de décembre 1999, une nouvelle loi d'habilitation n° 99-899 du 25 octobre 1999 est venue autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Un nouveau train de dix-huit ordonnances a ainsi été publié dans les délais requis par l'habilitation au début de l'année et au printemps 2000 :

- trois ordonnances du 13 janvier 2000, l'une n° 2000-27 relative à la contribution de l'État aux ressources des communes de la Polynésie française, l'autre n° 2000-28 relative à la santé publique à Mayotte et portant modification des ordonnances n° 92-1070 du 1 er octobre 1992 et n° 96-1122 du 20 décembre 1996 modifiée, la troisième n° 2000-29 portant création d'une agence de santé et extension ou adaptation de certaines dispositions du code de la santé publique aux îles Wallis-et-Futuna ;

- une ordonnance n° 2000-99 du 3 février 2000 relative au statut des agences d'insertion dans les départements d'outre-mer et modifiant la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion ;

- deux ordonnances du 2 mars 2000, l'une n° 2000-189 du 2 mars 2000 portant extension et adaptation du titre Ier du livre IV du code de la santé publique relatif aux professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme aux départements d'outre-mer, aux collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte et aux territoires d'outre-mer des îles Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises, l'autre n° 2000-190 relative aux chambres de discipline des ordres des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ;

- deux ordonnances du 8 mars 2000, l'une n° 2000-218 relative aux règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte, l'autre n° 2000-219 relative à l'état civil à Mayotte ;

- une ordonnance n° 2000-285 du 30 mars 2000 portant actualisation et adaptation du droit du travail de l'outre-mer ;

- quatre ordonnances du 19 avril 2000, la première n° 2000-347 modifiant l'ordonnance n° 59-74 du 7 janvier 1959 portant réforme du régime de l'émission dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, la deuxième n° 2000-350 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer, la troisième n° 2000-351 portant prolongation de la scolarité obligatoire dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, la dernière n° 2000-352 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles dans les îles Wallis-et-Futuna ;

- cinq ordonnances du 26 avril 2000, la première n° 2000-370 relative au droit d'asile en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises, les quatre suivantes n° s 2000-371 à 2000-374 relatives respectivement aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Trois projets de loi de ratification de ces ordonnances ont été déposés sur le bureau du Sénat les 13 et 19 juillet 2000, mais n'ont pas encore été inscrits à l'ordre du jour . Or, cet examen des dispositions prises par ordonnances à l'occasion du débat sur les projets de loi de ratification est éminemment souhaitable et faisait partie du contrat moral passé avec le Gouvernement pour admettre le recours désormais quasi-systématique à la procédure des ordonnances en matière d'actualisation du droit applicable outre-mer. Comme l'a souligné votre commission des Lois dans son rapport sur la loi d'habilitation 3 ( * ) , " si le Conseil constitutionnel admet le procédé de la ratification tacite qui résulte de la manifestation de volonté implicitement, mais clairement exprimée du Parlement lors du vote d'une loi ultérieure modifiant les mesures prises par ordonnance (décision n° 72-73 DC du 29 février 1972), une ratification expresse semble de loin préférable : elle constitue l'occasion pour le Parlement jusque-là dessaisi d'exercer un contrôle sur le contenu des ordonnances ; elle permet par ailleurs de conférer valeur législative à l'ensemble des mesures prises sans attendre que cette onction résulte au cas par cas de modifications ultérieures et constitue un gage de cohérence et de sécurité juridique pour l'ordonnancement juridique ".

Outre ces mesures d'actualisation du droit applicable outre-mer, les deux lois n° 99-209 et 99-210 du 19 mars 1999 , l'une organique l'autre ordinaire, qui définissent le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie , sont aujourd'hui très largement applicables .

Concernant la loi organique, après les treize décrets intervenus en 1999, neuf nouveaux décrets ont été pris en 2000 pour son application.

Trois d'entre eux tendent à organiser les modalités matérielles des transferts de compétences effectués de l'Etat vers la Nouvelle-Calédonie et les provinces :

- le décret n° 2000-365 du 26 avril 2000 relatif à la commission consultative d'évaluation des charges créée par l'article 55 de la même loi (charges nouvelles liées aux transferts de compétences ;

- le décret n° 2000-366 du 26 avril 2000 relatif aux modalités d'évaluation des charges transférées par l'Etat à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces ;

- le décret n° 2000-804 du 24 août 2000 relatif à la date et aux modalités de transfert à la Nouvelle-Calédonie des services de l'Etat chargés de la mise en oeuvre des compétences transférées.

Trois autres concernent l'organisation des élections au congrès et aux assemblées de province :

- le décret n° 2000-255 du 20 mars 2000 relatif à la liste électorale spéciale pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ;

- le décret n° 2000-430 du 25 mai 2000 relatif à l'organisation des élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ;

- le décret en Conseil d'Etat n° 2000-446 du 25 mai 2000 relatif au traitement automatisé nécessaire à la tenue du fichier général des électeurs inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, trois autres encore ont concerné :

- la dotation globale de construction et d'équipement des collèges : décret en Conseil d'Etat n° 2000-578 du 22 juillet 2000 ;

- le comité de gestion du fonds intercommunal de péréquation (FIP) pour le fonctionnement et pour l'équipement des communes de Nouvelle-Calédonie : décrets en Conseil d'État n° 2000-822 et 2000-823 du 28 août 2000.

La plupart des décrets prévus par la loi organique pour la mise en oeuvre du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie ont ainsi désormais été pris.

En ce qui concerne la loi ordinaire complétant la loi organique, n'a pas encore été pris le décret en Conseil d'État prévu par l'article 4 pour la publication de la partie législative du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, alors même qu'il était prévu que cette publication intervienne avant le 31 décembre 1999.

2. Les réformes législatives en cours ou en suspens

Les réformes législatives en cours ou en suspens concernent essentiellement la Polynésie française.

Rappelons que la Polynésie française était sur le point de devenir un " pays d'outre-mer " au début de l'année 2000, un projet de loi constitutionnelle ayant été adopté en termes conformes par l'Assemblée nationale le 10 juin 1999 et par le Sénat le 12 octobre 1999. Cette réforme devait permettre la mise en oeuvre de nouveaux transferts de compétences de l'État à la Polynésie française et l'institution d'une citoyenneté polynésienne offrant des avantages spécifiques aux populations autochtones en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière. La réunion du Congrès du Parlement à Versailles le 24 janvier 2000 ayant été annulée, la mise en oeuvre de ce nouveau statut est suspendue.

Cette réforme constitutionnelle comprenait un second volet tendant à préciser la définition du corps électoral admis à participer aux élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, lui aussi mis en veille.

Une proposition de loi organique est par ailleurs en cours d'examen devant le Parlement pour procéder à un rééquilibrage de la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions électorales de la Polynésie française au sein de l'assemblée locale , afin de tenir compte des évolutions démographiques intervenues depuis 1985, date de la dernière révision effectuée. La procédure d'adoption devrait pouvoir aboutir avant la fin de l'année et il faut souhaiter qu'une solution consensuelle puisse être définie dans la mesure où cette modification substantielle des règles électorales interviendrait moins de six mois avant le prochain renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française, fixé à mai 2001.

Enfin, rappelons que le programme législatif pour 1999 concernant les territoires d'outre-mer devait intégrer l'examen du projet de loi organique et du projet de loi simple le complétant relatifs au régime communal applicable dans le territoire de la Polynésie française . Ces deux textes, répondant à la nécessité de moderniser l'institution communale, furent déposés au Sénat le 26 mai 1998 mais n'ont jamais été inscrits à l'ordre du jour . Cette réforme demeure cependant prioritaire dans la mesure où, comme l'avait souligné nos excellents collègues MM. Lucien Lanier et Guy Allouche dans leur rapport d'information établi au nom de votre commission des Lois à la suite de la mission effectuée en Polynésie française du 14 au 28 janvier 1996, les communes sont appelées à jouer un rôle essentiel dans la perspective d'un développement équilibré du territoire. Or, les communes polynésiennes font exception aujourd'hui dans la mesure où elles ne bénéficient pas encore du régime de la décentralisation.

* 3 Rapport n° 3 (1999-2000), page 10.

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