D. UNE POLICE DE PROXIMITÉ REPOSANT SUR DES EMPLOIS JEUNES
Étaient en fonction au mois d'août 2000, 14 231 adjoints de sécurité , pour un effectif budgétaire de 20 000 et environ 7 000 agents locaux de médiation sociale sur les 15 000 prévus. Le recours à ces agents, opéré dans le cadre des dispositions de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, suscite de nombreuses inquiétudes alors même que les adjoints de sécurité sont appelés à représenter un cinquième de l'effectif du corps de maîtrise et d'application.
Les adjoints de sécurité sont des " emplois-jeunes " dont le statut relève du décret n°2000-800 du 24 août 2000 6 ( * ) .
D'après la réglementation, ils doivent être âgés de 18 à 25 ans et sont engagés pour cinq ans sur la base d'un contrat de droit public . Ils doivent permettre de faire face à des besoins non satisfaits en matière de prévention, d'assistance et de soutien, particulièrement dans les quartiers les plus sensibles.
Leurs missions sont très variées mais ils ne peuvent pas participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre . Ils portent une arme quand leurs missions le justifient.
Les candidats sont recrutés dans le cadre départemental sur la base d'une sélection reposant sur des tests psychologiques et un entretien. Aucun diplôme n'est exigé.
Les adjoints bénéficient d'une formation initiale d'une durée de 10 semaines , au lieu de 8 semaines initialement, comprenant une partie théorique en école de huit semaines et un stage de deux semaines dans un service. Un tuteur leur est affecté dans des conditions précisées par la circulaire du 16 août 1999.
Ils sont rémunérés au SMIC sur la base de 169 heures de travail mensuelles.
Leur prise en charge financière est répartie entre le budget du ministère de l'intérieur qui assure 20 % des rémunérations, charges sociales comprises, et la totalité des frais de fonctionnement, et celui du ministère de l'emploi qui assure les 80 % restant des rémunérations.
Comme l'a souligné notre excellent collègue M. Alain Gournac, dans son rapport d'information établi au nom de la commission des affaires sociales sur les emplois jeunes 7 ( * ) , de nombreuses difficultés sont apparues dans les faits.
Les adjoints de sécurité ont été affectés majoritairement à des tâches d'îlotage et d'accueil dans les commissariats et sont le plus souvent dotés d'une arme .
Mais, en pratique, les missions qui leur sont confiées s'écartent souvent de la lettre et de l'esprit de la réglementation . Faute d'un encadrement suffisant , il est fréquent de rencontrer sur le terrain des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou simplement confiés à un jeune stagiaire, le problème étant plus aigu en région Ile-de-France où sont affectés beaucoup de gardiens de la paix stagiaires.
En outre, leur présence en priorité dans les zones sensibles, les conduit fréquemment dans les faits à participer à des opérations de maintien de l'ordre. Il est tout à fait anormal d'exposer aux risques les plus élevés des jeunes qui n'y sont pas préparés.
Le tutorat s'est révélé un échec . Nombre d'adjoints de sécurité ne connaissent pas leur tuteur après plusieurs mois de présence dans leur service, du fait du manque de disponibilité des tuteurs et de l'absence de reconnaissance de leur rôle par la hiérarchie. Une indemnité de tutorat avait été instituée mais les fonds correspondants ont été utilisés pour revaloriser la fin de carrière des agents.
En outre, des difficultés de recrutement sont apparues, tirant vers le bas le niveau des personnels .
La présentation des tests psychologiques s'est révélée trop sélective pour les jeunes issus de quartiers sensibles ou de communautés étrangères. Un déficit de candidatures a de plus été constaté en région parisienne, contrairement au reste de la France.
Cette situation risque de s'aggraver avec le retour de la croissance économique. Des emplois risqués et mal rémunérés ne sont pas de nature à attirer les jeunes.
Ces difficultés expliquent en grande part le déficit d'adjoints de sécurité constaté par rapport à l'objectif de 20 000 recrutements fixé par la loi de finances pour 2000, qui sera vraisemblablement atteint en 2001.
Ont également contribué à creuser l'écart entre le nombre de postes budgétaires et le nombre des effectifs sur le terrain, les départs en cours de contrats . 3 000 adjoints de sécurité auraient ainsi réussi un concours de la police nationale, alors que 45 auraient été licenciés pour indiscipline ou atteinte à la déontologie et que 624 seraient partis pour d'autres causes. Le ministre de l'intérieur souhaiterait pouvoir, après la rupture d'un contrat, réembaucher un remplaçant pour une durée de cinq ans et non seulement pour la durée du contrat restant à courir.
S'agissant de la qualité des personnels, la nécessité de recrutement en masse a parfois conduit à éluder les vérifications nécessaires sur les antécédents judiciaires des jeunes. Ont ainsi pu être embauchés des jeunes dotés d'un casier judiciaire.
Le niveau d'études initial des adjoints de sécurité est très inférieur à celui des gardiens de la paix, 40% ayant un niveau égal ou inférieur au BEP-CAP. A l'heure actuelle, un cinquième des adjoints de sécurité sont originaires des quartiers sensibles , et la féminisation (30%) est supérieure à celle de la police, sans toutefois que des quotas aient été imposés. La circulaire du 16 août 1999 a incité à ce qu'interviennent des recrutements de jeunes " ayant un profil moins traditionnel, jusque-là écartés d'un recrutement dans la police nationale, notamment en raison de leur niveau d'études ", de façon à ce que la police de demain " reflète toute la diversité de la population française ".
La formation initiale des adjoints de sécurité se révèle inadaptée . Elle ne comporte que 145 heures de formation générale et 86 heures de formation aux techniques professionnelles (premiers secours, formation au tir). En outre, compte tenu de la faiblesse du niveau de recrutement, elle tend souvent à se limiter à une simple remise à niveau scolaire.
Nombre d'adjoints de sécurité se révèlent ainsi incapables d'accomplir la moindre tâche administrative .
S'agissant de leur avenir, compte tenu du grand nombre de départs à la retraite et des recrutements attendus dans le corps de maîtrise et d'application dans les années à venir (environ 25 000 en cinq ans), les jeunes embauchés auront toute facilité pour passer les concours de recrutement et être à terme intégrés dans la police. Le décret n° 99-904 du 19 octobre 1999 leur réserve ainsi 40% des postes ouverts aux concours de recrutement de gardiens de la paix , à condition qu'ils aient trois ans d'ancienneté. Le premier concours pourra donc intervenir en 2001. Une formation spécifique sera proposée aux agents.
Le ministère envisage en outre une validation de l'acquis professionnel des jeunes qui ne pourront pas entrer dans la police par la création d'une certification reconnue par les professionnels de la sécurité privée.
Le ministre de l'intérieur souhaiterait pérenniser le dispositif, considérant que les adjoints de sécurité constituent " un excellent vivier de pré-recrutement pour la police nationale ".
Les difficultés rencontrées invitent cependant à ne pas pérenniser l'existence d'un corps de supplétifs à moindre coût dans la police nationale. Les citoyens n'ont pas à faire les frais d'un recrutement au rabais, pour une période de trois à cinq ans pouvant être considérée comme une période d'essai avant une intégration dans la police.
La commission des Lois insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la sélection des candidats , d'autant plus qu'ils auront vocation à rentrer en nombre par concours spéciaux dans la police . Or, il semble que les recrutements massifs actuellement opérés soient peu propices à assurer la qualité des personnels concernés, principalement en région parisienne, du fait du déficit de candidatures.
Votre commission estime enfin indispensable que soit assurée la qualité de la formation et de l'encadrement de ces jeunes peu expérimentés, à qui sont confiées des missions parfois dangereuses et qui sont le plus souvent dotés d'une arme .
* 6 Ce décret remplace, pour des raisons de procédure, le décret n° 97-1007 du 30 octobre 1997, dont il reprend l'essentiel des dispositions.
* 7 Pour une sortie en bon ordre - bilan à mi-parcours des emplois jeunes, rapport n° 25 (2000-2001)