B. LES RETARDS EN MATIÈRE D'ACCRÉDITATION ET DE RESTRUCTURATION DE L'OFFRE HOSPITALIÈRE

1. Le lent démarrage de l'accréditation

L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) a été créée par l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée. Il s'agit d'un établissement public de l'Etat à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Le décret n° 97-311 du 7 avril 1997 a précisé l'organisation, ainsi que le rôle de cette agence. L'ANAES reprend, en les élargissant, les missions de l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM).

Au titre de sa mission d'évaluation, qui concerne les domaines ambulatoire et hospitalier, elle est chargée notamment d'élaborer ou de valider des recommandations de bonne pratique clinique et des références médicales ou professionnelles en matière de prévention, de diagnostic ou de thérapeutique, d'élaborer ou de valider des méthodes d'évaluation, de réaliser ou de valider des études d'évaluation technologique.

Elle peut également être chargée de l'évaluation d'actions et de programmes de santé publique. L'agence donne un avis sur les actes, prestations, fournitures avant leur prise en charge ou leur remboursement par l'assurance maladie, à l'exception du médicament.

Au titre de sa mission d'accréditation, elle est chargée de l'élaboration et de la validation des référentiels de qualité des soins et des pratiques professionnelles ainsi que de la mise en oeuvre de la procédure d'accréditation des établissements de santé publics et privés et des organismes mentionnés à l'article L. 710-5 du code de la santé publique (réseaux de soins et groupements de coopération sanitaire).

La procédure de l'accréditation

Afin de promouvoir la qualité et la sécurité des soins et une politique de progrès continu au sein des établissements de santé, l'article L. 6113-3 du code de la santé publique prévoit que tous les établissements de santé s'engagent dans la procédure d'accréditation, mise en place par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), à partir d'une appréciation portée, à la demande de l'établissement de santé, par des professionnels indépendants de l'établissement et de ses organismes de tutelle.

Le Gouvernement s'est attaché, pendant la phase préparatoire à la mise en oeuvre de l'accréditation, à ce que les textes d'application de la loi et l'ANAES respectent des principes forts permettant de garantir le succès de la démarche. Il s'agit, en particulier, de l'indépendance de l'ANAES, de l'association des professionnels à la mise en place de la démarche, du caractère incitatif et pédagogique de la procédure et de la transparence de la démarche et de ses résultats.

Après une phase préalable de réflexion au sein de l'établissement, une demande d'engagement dans la procédure d'accréditation est effectuée par le chef d'établissement, après consultation de ses structures délibérantes et consultatives. Cette demande est accompagnée d'un dossier dont la composition est fixée par arrêté ministériel du 6 mai 1999. Un contrat d'engagement dans la procédure est alors établi par l'ANAES, en concertation avec l'établissement. A cette étape est déterminé le calendrier de la procédure. La signature du contrat d'engagement a pour effet la transmission à l'établissement de santé, par l'ANAES, de la version la plus récente des documents d'analyse permettant la mise en oeuvre de l'auto-évaluation (et notamment du manuel d'accréditation, du Guide pratique " Préparer et conduire votre démarche d'accréditation " et de grilles de recueil).

Une phase d'auto-évaluation, interne à l'établissement, associe ensuite l'ensemble des professionnels de santé volontaires au recueil de données nécessaire pour réaliser son diagnostic qualité. L'auto-évaluation porte sur l'ensemble des activités de l'établissement de santé, en se fondant sur les référentiels d'accréditation élaborés par l'ANAES avec des professionnels de santé. Chaque équipe d'auto-évaluation est pluridisciplinaire, et s'efforce de formuler des réponses objectives, d'apprécier le niveau de conformité au travers d'une cotation (A B, C, D) et de fournir des documents à l'appui de ses réponses.

Une synthèse de ces informations est réalisée, et présentée pour information aux structures institutionnelles de l'établissement, avant transmission à l'ANAES, au moins 6 semaines avant la visite.

La visite, préparée conjointement par l'ANAES et l'établissement, porte sur l'ensemble des activités. Elle est effectuée par des " experts-visiteurs ", qui sont des professionnels de santé ayant au moins 10 ans d'expérience et formés par l'ANAES. L'équipe d'experts-visiteurs est multiprofessionnelle : médecins, soignants non médecins et gestionnaires. La taille et la composition de l'équipe sont modulées par l'ANAES en fonction de la taille, du type d'activité et des spécificités de l'établissement. Le premier objectif de la visite est d'apprécier l'auto-évaluation et la méthodologie employée.

La visite commence par la rencontre avec le groupe de pilotage et une visite du (ou des) site(s). Après une prise de connaissance des documents rassemblés par l'établissement, en complément des documents d'auto-évaluation, les experts-visiteurs rencontrent les équipes d'auto-évaluation et les représentants des différentes instances. Des rencontres individuelles avec des professionnels de santé ou des patients complètent la visite.

A la fin de la visite, les experts-visiteurs présentent oralement leurs principales conclusions, qui seront reprises et développées dans le rapport des experts-visiteurs. Ce rapport comporte une appréciation des modalités de la démarche, une synthèse des appréciations par référentiel et des propositions de recommandations. Le rapport des experts-visiteurs est transmis à l'établissement par l'ANAES au plus tard deux mois après la visite.

A compter de la réception, l'établissement dispose d'un mois pour formuler ses observations et les transmettre à l'ANAES.

Le Collège de l'accréditation, prend connaissance du rapport des experts-visteurs et des observations de l'établissement. Au vu de ces éléments, il détermine s'il a été satisfait à la procédure d'accréditation, auquel cas, il procède à la validation du rapport d'accréditation. Ce dernier comporte l'ensemble des conclusions pertinentes du rapport des experts-visiteurs et l'intégralité des observations de l'établissement et des informations complémentaires. Le Collège de l'accréditation décide ainsi d'une accréditation sans ou avec recommandations, avec réserves ou avec réserves majeures, et détermine le délai d'accréditation et les modalités de suivi.

Le rapport d'accréditation est transmis à l'établissement de santé et au directeur de l'agence régionale d'hospitalisation concerné. L'établissement dispose d'un mois à compter de cette réception pour exercer un recours, qui peut conduire à une deuxième délibération du Collège d'accréditation. Passé ce délai (ou après cette deuxième délibération) le rapport d'accréditation est définitif. Il est accompagné d'un " compte rendu d'accréditation " plus succinct, qui est accessible au public et aux professionnels de santé, et consultable sur le site Internet de l'ANAES.

L'objectif de l'accréditation est d'inciter les établissements de santé à intégrer une dynamique permanente de recherche de la qualité. Le résultat de l'accréditation, c'est-à-dire le rapport d'accréditation, n'a donc pas pour objet de sanctionner, mais d'apprécier la situation d'un établissement, à un moment donné, par rapport aux référentiels du manuel d'accréditation, qui indiquent quels sont les objectifs à atteindre.

Compte tenu du faible niveau de développement de la culture des établissements de santé dans le domaine de la démarche qualité et de l'évaluation, le législateur a souhaité, en 1996, rendre obligatoire l'entrée dans la procédure d'accréditation, tout en laissant à l'initiative du responsable légal de l'établissement le choix de la date effective d'engagement dans la procédure, dans la limite du respect d'un délai de 5 ans, le cas échéant en relation avec l'agence régionale de l'hospitalisation, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens.

Le démarrage de la procédure d'accréditation s'est avéré particulièrement lent.

L'ANAES a lancé le programme d'accréditation au début de l'été 1999 et a formé à ce jour 317 professionnels de santé (appelés " experts-visiteurs ") pour réaliser les visites.

Au 19 septembre 2000, 198 établissements se sont engagés dans la procédure d'accréditation. Au total, 400 établissements de santé devraient s'être engagés fin 2000.

45 visites ont eu lieu, conduisant à la rédaction de 42 rapports de visite. La visite d'accréditation donne lieu à un rapport de visite, sur lequel l'établissement peut formuler des observations avant qu'il soit examiné par le Collège d'accréditation.

18 rapports d'accréditation ont été rédigés par le Collège d'accréditation. Le rapport d'accréditation comporte les conclusions pertinentes du rapport de visite et l'ensemble des observations de l'établissement. Il peut donner lieu à contestation dans un délai d'un mois et, le cas échéant, conduire à une nouvelle délibération du Collège. Le compte rendu d'accréditation est délivré à l'issue de ce délai de contestation.

10 comptes-rendus d'accréditation ont été transmis aux établissements concernés et aux Agences régionales d'hospitalisation dont ils relèvent. Ces comptes-rendus sont consultables sur le site Internet de l'ANAES et sur simple demande dans les établissements de santé.

Votre rapporteur regrette, à l'occasion de la présentation de ce rapport, le retard pris pour le démarrage des procédures d'accréditation des établissements de santé.

Certes, l'agence, dont le travail d'évaluation avait été apprécié, s'est vu confier, au fil des ans, des missions de plus en plus nombreuses qu'il lui semble difficile d'assumer.

L'ordonnance de 1996 a prévu que tous les établissements de santé devront être entrés dans la procédure d'accréditation avant la fin de l'année 2000. Ce calendrier ne pourra être respecté. Il reste à ce jour 3.700 établissements de santé à accréditer...

Cet aspect ne semble cependant pas véritablement préoccuper le Gouvernement qui a choisi de consacrer son énergie à une autre priorité : le désengagement de l'Etat du financement de l'ANAES.

Les ressources du budget de cette agence proviennent pour l'instant d'une subvention de l'Etat et d'une subvention de l'assurance maladie. En 2000, elles ont représenté respectivement 53,5 et 107 millions de francs.

Le II de l'article 55 du projet de loi, rattaché aux crédits de la santé, institue une contribution financière des établissements de santé versée pour la procédure d'accréditation à l'ANAES.

Le montant de cette contribution serait fixé par décret après avis du conseil d'administration de l'agence. Elle dépendrait du nombre de lits et places autorisés et du nombre de sites accrédités. Elle serait comprise entre 15.000 et 350.000 francs et exigible dès la notification de la date de la visite d'accréditation. Elle serait rétroactive pour les établissements accrédités en 2000.

La création de cette taxe a pour conséquence une diminution de la subvention inscrite au budget de l'Etat de 15,5 millions de francs et de celle versée par l'assurance maladie de 31 millions de francs.

Toutefois, dans la mesure où c'est l'assurance maladie qui finance l'essentiel des budgets hospitaliers, la création de cette taxe permet à l'Etat de diminuer sa contribution tout en faisant augmenter au final les sommes versées par l'assurance maladie à l'ANAES.

Votre commission considère que, compte tenu du très lent démarrage de l'agence, l'affectation d'une taxe paraît pour le moins prématurée.

2. Le bilan modeste du Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers

La loi de finances pour 1998 a créé un chapitre 66-12 comportant la dotation annuelle du Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO). Ce fonds est destiné à accorder des aides à l'investissement aux établissements de santé qui présentent des projets de restructuration. Les subventions ne couvrent jamais l'intégralité de l'opération : leur taux varie entre 20 et 50 %.

Le FIMHO avait été doté, en 1998, de 500 millions de francs d'autorisations de programme et de 150 millions de francs de crédits de paiement, en 1999, de 250 millions de francs d'autorisations de programme et 150 millions de francs de crédits de paiement, en 2000, de 200 millions de francs d'autorisations de programme et de 265 millions de francs en crédits de paiement.

Le protocole du 14 mars 2000 prévoit d'amplifier le soutien de l'Etat aux opérations d'investissement hospitalier. Le FIMHO a été augmenté de 600 millions de francs supplémentaires d'autorisations de programme, la dotation du fonds pour 2000 étant ainsi portée à 800 millions de francs d'autorisations de programme et 100 millions de francs de crédits de paiement dans le collectif de printemps.

Les critères d'éligibilité au FIMHO ont été élargis : le fonds pourra être utilisé non seulement pour des opérations de rapprochement entre établissements, mais également pour des opérations de modernisation propre à un établissement, dans lesquelles l'investissement est lié à des restructurations internes.

En 2001, le FIMHO est rebaptisé Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers et se voit doté de 500 millions de francs d'autorisations de programme (+ 150 %) et de 100 millions de francs de crédits de paiement (- 62 %).

Cette évolution contradictoire se justifie par les grandes difficultés rencontrées par le FIMHO pour utiliser les crédits mis à sa disposition.

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 1999, la Cour des comptes avait établi un bilan très critique du fonctionnement de ce fonds.

Elle critiquait notamment la procédure de sélection des dossiers. Ainsi, elle notait qu'en 1998, l'instruction des dossiers a pris un grand retard, qui s'est traduit par un faible taux de consommation des crédits. Elle soulignait qu'une forte proportion des dossiers sélectionnés par les Agences régionales de l'hospitalisation (ARH) n'étaient pas éligibles au FIMHO. C'était le cas, en 1998, de 40 % des dossiers présentés.

Il est à craindre, dans ces conditions, que le nouveau Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers connaisse un succès aussi mitigé que l'ancien FIHMO.

Le budget de la santé 2001 est ainsi à l'image des retards que connaît la politique d'accréditation et de restructuration de l'offre hospitalière.

On notera enfin, de manière plus anecdotique, que le projet de budget comporte un nouvel article 93 au sein du chapitre 36-81 " établissements nationaux à caractère sanitaire et social ", intitulé " Agence technique de l'information sur l'hospitalisation " et doté de 9,5 millions de francs.

Cette dotation est la traduction budgétaire de l'article 32 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui crée un établissement public administratif permettant de réunir l'ensemble des équipes (médecins, statisticiens, informaticiens) qui interviennent actuellement dans la mise en oeuvre du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).

Pour sa part, le Sénat a rejeté la création d'une telle agence au motif que l'Etat devait assumer clairement ses responsabilités et cesser de multiplier des structures parallèles à ses propres administrations.

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Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2001.

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