4. La suspension des vols du Concorde après le tragique accident du 25 juillet
Les enquêtes technique et judiciaire suivant leur cours, votre commission ne s'exprimera pas sur les circonstances ni les conséquences du tragique accident du vol AF 4590 survenu le 25 juillet 2000, qui a malheureusement conduit au décès de 113 personnes et a entraîné le retrait du certificat de navigabilité du Concorde.
Ce terrible accident appelle toutefois de la part de votre rapporteur pour avis deux observations et un rapide rappel.
La première observation porte sur l'application, pour la première fois depuis son adoption, de la loi n° 99-243 du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile . Les circonstances ont -hélas- démontré l'opportunité de l'intervention de ce texte, dont votre commission avait instruit l'examen.
Le système mis en place par la loi, qui intervient, par nature, dans le contexte dramatique d'un accident ou d'un incident aérien, semble avoir, jusqu'à présent, fonctionné correctement, tant en matière d'information du public et des familles endeuillées qu'en termes d'articulation entre enquêteurs techniques et judiciaires. Votre rapporteur tient à rendre hommage au bureau enquête-accidents (BEA), qui remplit sa mission avec sérieux et responsabilité .
Un premier rapport préliminaire 11 ( * ) du BEA a été publié le 1 er septembre dernier, qui retrace les premiers éléments obtenus sur les circonstances de l'accident. Mais la plupart des analyses restent à faire pour établir formellement la ou les causes de l'accident et notamment le rôle exact de la lamelle métallique de 43 centimètres retrouvée à 1.050 mètres du seuil d'entrée de la piste 26.
La deuxième observation porte sur la pertinence des politiques de maîtrise de l'urbanisation au voisinage des aéroports . Votre rapporteur en est depuis longtemps convaincu. Il avait d'ailleurs déposé une proposition de loi tendant à frapper de nullité les actes de vente ou de location de biens immobiliers situés dans les zones concernées par les nuisances aériennes dont l'acquéreur n'avait pas été préalablement averti de la situation du bien dans ces zones. Ces dispositions, modifiées, avaient été introduites par amendements présentés par votre rapporteur au projet de loi portant création de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. A l'initiative du Sénat, une nouvelle zone des plans d'exposition au bruit avait été créée à cette occasion. Votre commission estime plus nécessaire que jamais de ne pas relâcher la vigilance en matière de maîtrise de l'urbanisation au voisinage des aéroports. Certaines tentations qui se font jour, ici ou là, pour relancer les programmes de construction doivent être fermement repoussées.
Un bref rappel s'impose, en outre, sur l'histoire du Concorde et sur les enjeux de l'exploitation de cet appareil par Air France, exploitation suspendue jusqu'à nouvel ordre.
CONCORDE : UNE ÉPOPÉE TECHNOLOGIQUE Concorde est né de la collaboration entre les industries aéronautiques française (Aérospatiale) et britannique (British aircraft corporation) pour le plus vaste programme de développement jamais réalisé par un avion commercial. Révolutionnaire à l'époque de son lancement, Concorde, mi-avion mi-fusée, avion d'avant-garde, demeure le plus rapide des avions commerciaux. Cet appareil est capable d'effectuer, dans la stratosphère, à une altitude de plus de 15 000 mètres, la distance séparant Paris de New-York en 3 heures 45 à l'aller -contre 7 heures 45 pour un vol subsonique- et 3 heures 35 au retour (cette différence est liée à la direction des vents). Le lancement commercial de cet avion supersonique a eu lieu le 21 janvier 1976, avec l'ouverture par Air-France d'une ligne Paris-Dakar-Rio de Janeiro et par British Airways d'une ligne Londres-Bahrein. La desserte de New-York fut enfin ouverte en novembre 1977. Le 12 octobre 1992, Concorde a battu en 33 heures et 1 minute le record du tour du monde effectué par un appareil commercial dans le sens Est-Ouest. Le 16 août 1995, Concorde a battu en 31 heures et 27 minutes le record du tour du monde effectué par un appareil commercial dans le sens Ouest-Est. Concorde est un avion supersonique à aile en delta à la gothique et dérive centrale. De ligne générale effilée et élégante, il est propulsé par quatre réacteurs Rolls Royce installés dans deux paires de nacelles accouplées sous les ailes. Son fuselage presque aussi long (62,10 m) que celui des gros porteurs (70,51 m pour le boeing 747) est beaucoup moins large (2,87 m contre 5,80 m). Disposant d'un rayon d'action de 6.500 km, Concorde vole à une vitesse de croisière de 2.200 km/heure environ (Mach 2,02), à une altitude d'environ 15.000 à 18.000 mètres. |
Rappelons en préambule que le Concorde pèse, commercialement et financièrement, plus lourd pour British Airways que pour Air France. En effet, la compagnie anglaise a exploité, durant l'exercice 1999-2000, sept appareils de type Concorde reliant Londres (Heathrow) à New York (JFK) matin et soir, auxquels s'ajoutent les affrètements de Concorde à la demande, contre six appareils (aujourd'hui cinq seulement) et un seul aller-retour quotidien entre Paris (Charles de Gaulle) et New York (JFK) pour Air France, auxquels s'ajoutent également les vols à la demande.
Cette utilisation plus intensive des Concorde britanniques s'explique par la différence de potentiel des marchés français et britannique en direction des Etats-Unis : d'un côté, 3,6 millions de passagers annuels, de l'autre 18,2 millions (en 1999).
Pour Air France , les vols supersoniques Paris-New York ont connu une progression quasi constante depuis 1992, sauf sur les deux derniers exercices, où le trafic a néanmoins globalement crû, compte tenu des vols spéciaux affrétés.
Malgré une récente décroissance du nombre de passagers, le chiffre d'affaires des vols réguliers du Concorde a augmenté de 23 % entre la saison 1998/1999 et la saison 1999/2000, en raison d'une élévation de la recette unitaire liée à la hausse du cours du dollar.
Le tableau suivant synthétise les principales données relatives à l'exploitation du Concorde par Air France :
EXPLOITATION DU CONCORDE PAR AIR France
Trafic (1) |
Taux de remplissage |
Chiffre d'affaires hors taxe (2) |
||||
1998/1999 |
1999/2000 |
1998/1999 |
1999/2000 |
1998/1999 |
1999/2000 |
|
Vos réguliers |
222,3 |
218,8 |
53,0 % |
52,6 % |
547 |
673 |
Vols spéciaux |
29,3 |
40,5 |
72,1 % |
81,8 % |
nc |
nc |
TOTAL |
251,6 |
259,3 |
54,7 % |
55,6 % |
nc |
nc |
Source : DGAC
(1) Millions de passagers-kilomètres-transportés
(2) En millions de francs.
Si les enjeux techniques -pour un fleuron de notre technologie- et commerciaux sont importants, ils doivent, bien entendu, rester subordonnés à la garantie de la sécurité des personnes transportées. Aussi votre commission ne peut elle que souhaiter un aboutissement le plus rapide possible des investigations en cours.
Pendant ce temps, l'option de la remise en service éventuelle du Concorde, après modification de l'appareil, doit, en tout état de cause, être préservée . La constitution d'un groupe franco-britannique d'experts prend en compte cet objectif.
DERNIER COMMUNIQUÉ
DU GROUPE DE TRAVAIL SUR
LA NAVIGABILITE DU CONCORDE
Le groupe de travail franco-britannique a tenu le 12 octobre 2000 sa deuxième réunion à Londres et a confirmé l'objectif de trouver une solution pour la reprise des vols du Concorde. Le groupe de travail, qui se compose des représentants des autorités aéronautiques britannique et française, a été mis en place le 17 août en vue de coordonner les actions entreprises pour rétablir la navigabilité du Concorde. Le groupe de travail a rencontré les représentants d'Air France et de British Airways. Il a noté que les compagnies suivaient de près les travaux de l'enquête technique et des constructeurs et qu'elles examineraient toute modification ou mesure opérationnelle nécessaire à la reprise des vols du Concorde. Le groupe de travail a exprimé son souci de voir écarté tout retard ou difficulté dans le déroulement de l'enquête technique. Il a insisté sur l'urgence à procéder aux expertises techniques et à commencer la reconstruction d'une partie de l'avion, autant d'étapes importantes pour définir les modifications potentielles permettant de restaurer la navigabilité du Concorde. Le groupe de travail a rencontré les représentants des constructeurs du Concorde. Il a noté les progrès en cours dans chacun des axes d'action identifiés lors de sa première réunion : destruction des pneus, possibles explications quant à la rupture du réservoir, origine de l'incendie. La prochaine réunion se tiendra à Paris le 13 novembre prochain. Entre-temps, les investigations techniques se poursuivront dans le cadre d'un dialogue approfondi entre toutes les parties concernées. |
* 11 Disponible sur le site www.bea-fr.org