B. L'INTRODUCTION DE LA TGAP ÉNERGIE EN 2001
1. Présentation du dispositif annoncé dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000
Dès 1999, le Gouvernement a annoncé sa décision d'étendre la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises à compter du 1 er janvier 2001. L'objectif affiché est de renforcer la lutte contre l'effet de serre et de mieux maîtriser la consommation d'énergie du secteur industriel, en faisant économiser à ce dernier et au secteur tertiaire 2,4 millions de tonnes de carbone par an en 2010, si on se réfère au plan national de lutte contre l'effet de serre.
Le dispositif proposé consiste à taxer les entreprises selon leur intensité énergétique, c'est-à-dire selon le nombre de tonnes équivalent pétrole consommées rapportées à leur chiffre d'affaires.
Les consommations des entreprises représentant plus de 100 tonnes d'équivalent pétrole par an seront soumises à la taxe, mais les activités agricoles, sylvicoles, piscicoles et halieutiques seront exonérées, ainsi que le secteur des transports. Au total, environ 40.000 entreprises seront donc concernées par la taxation, sur un total (hors agriculture) de 2.800.000 entreprises.
Les énergies seront taxées à la consommation sur la base d'une déclaration des entreprises. La taxe sera une charge déductible. Les énergies fossiles (produits pétroliers, gaz naturel, charbon) seront taxées en fonction de leur contenu en carbone, sur la base d'un taux de 260 francs par tonne d'équivalent carbone. L'électricité sera taxé forfaitairement.
Les taux de taxe retenus sont les suivants :
Taux en francs |
Taux en euros |
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Fioul HTS |
22 centimes/litre |
33,54 euros/1 000 l |
Fioul BTS |
22 centimes/litre |
33,54 euros/1 000 l |
Fioul domestique |
18,9 centime/litre |
28,81 euros/1 000 l |
Charbon |
174 francs/tonne |
26,53 euros/t |
GPL chauffage |
208 francs/tonne |
31,71 euros/t |
Gaz naturel industriel |
1,3 centime/kWh PCS |
1,98 euros/MWh PCS |
Electricité industrielle |
1,3 centime/kWh |
1,98 euros/MWh |
Pour éviter une double taxation, la production d'énergie ne sera pas taxée. En outre, la production et la consommation de chaleur ne seront également pas taxées, ainsi que l'énergie utilisée pour la traction. Enfin, compte tenu de leur spécificité, les consommations de produits énergétiques en tant que matière première (présents principalement dans le secteur de la chimie de base) seront également exonérées.
Pour les entreprises dont les procédés industriels sont fortement consommateurs d'énergie et pour préserver la compétitivité de l'industrie française, un dispositif d'abattements accompagne la mise en place de cette taxe, qui privilégie -paradoxalement, d'un strict point de vue environnemental- les entreprises fortement consommatrices d'énergie, c'est-à-dire celles consommant plus de 50 tep par million de francs de valeur ajoutée.
Le Gouvernement a décidé que les entreprises fortement consommatrices, c'est-à-dire celles consommant plus de 50 tep par million de francs de valeur ajoutée, seraient traitées dans le cadre d'un dispositif spécifique. Elles seront incitées, dès 2001, à contracter avec l'administration des engagements de réduction quantifiés et contrôlables conclus pour une période de cinq ans. Les objectifs de réduction seront fixés en tenant compte de ceux arrêtés par le Gouvernement dans le programme national de lutte contre le changement climatique, sur la base des meilleures technologies disponibles à des coûts acceptables et des performances déjà réalisées par l'entreprise. Ultérieurement, ils pourront intégrer la faculté pour les industries concernées de participer à des échanges de crédits d'émission.
Pour les entreprises qui auront contracté de tels engagements en 2001, la taxe portera à partir de 2002 sur les consommations qui dépasseraient les objectifs fixés. En attendant que de tels engagements soient contractés, dès 2001, les entreprises seront taxées sur l'écart entre leur consommation annuelle et une part forfaitaire de leur consommation de l'année 2000. Cette part forfaitaire, correspondant à un abattement à la base, sera la suivante, en fonction du ratio de consommation des entreprises, exprimé en tep par million de francs de valeur ajoutée :
- entre 50 et 100 tep/MF 50 %
- entre 100 et 200 tep/MF 80 %
- entre 200 et 400 tep/MF 90 %
- au-delà de 400 tep/MF 95 %
La recette attendue de cette TGAP-énergie est estimée à 3,8 milliards de francs en 2001 et 7 milliards en 2002 et elle sera affectée au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).
2. Les incohérences du dispositif et son impact négatif pour l'économie
Sur le plan de la forme et de la procédure, on ne peut que dénoncer l'incapacité du Gouvernement à définir une politique cohérente à moyen terme : depuis son instauration, la TGAP a été inscrite en loi de finances, puis dans la loi de financement de la sécurité sociale, et cette année, elle relève d'une loi de finances rectificative . L'absence totale de lisibilité de cette taxe doit être relevée car votre rapporteur a eu le plus grand mal à reconstituer, depuis 1999, le produit encaissé ou attendu pour chacun des compartiments successifs de la TGAP.
Dans sa conception même, outre la très grande complexité de sa définition et de sa mise en oeuvre, ce nouveau compartiment de la TGAP est gravement incohérent car il cherche à concilier deux objectifs totalement contradictoires.
En taxant la consommation d'énergie entrant dans les processus de fabrication des entreprises, l'objectif est d'inciter ces mêmes entreprises à consommer moins d'énergie, soit en produisant moins, soit en inventant de nouveaux procédés moins consommateurs mais très certainement plus coûteux. Dans l'un et l'autre cas, et surtout pour les entreprises les plus grosses consommatrices d'énergie, cette taxe conduit à une perte de compétitivité.
Pour éviter cet écueil, le dispositif, d'emblée, exonère très fortement ces entreprises, annulant partiellement l'impact positif attendu en matière de lutte contre l'effet de serre.
Il instaure, de fait, un dispositif à double vitesse qui rompt le principe d'égalité devant l'impôt et sans justification fondée sur l'objectif recherché par la taxe, à savoir la lutte contre la pollution.
Plus généralement, cette nouvelle taxe pénalise le secteur industriel alors même que sa contribution dans les émissions globales de gaz à effet de serre est en décroissance régulière, même si elle représente encore 23 % des émissions de CO 2 (dioxydes de carbone).
En revanche, la consommation énergétique et les émissions de CO 2 continuent à augmenter fortement dans le secteur résidentiel et tertiaire, surtout dans les transports. Mais politiquement, et sans doute techniquement, il était certainement plus difficile de rechercher une solution économiquement viable pour ces secteurs, tout en les incitant à un comportement plus " vertueux "...
La mise en oeuvre de cette taxe -malgré l'existence d'abattements importants- ne semble pas prendre en compte la spécificité de certaines industries. Ainsi, on peut considérer que l'industrie papetière contribue, par l'utilisation de sous-produits de la forêt, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les produits de l'industrie papetière, qui en sont issus, fixent du carbone, et celui-ci est également conservé à travers l'activité de recyclage. En conséquence, pour cette industrie, sera-t-il fait application du concept d'émissions nettes de CO 2 pour calculer le montant de la taxe due au titre de sa consommation intermédiaire d'énergie ?
Par ailleurs, le seuil général d'exonération fixé à 100 tep va concerner, dans certains secteurs comme les industries mécaniques, nombre de petites et moyennes entreprises qui sont très exposées à la concurrence , et ne bénéficient pas toujours de conditions préférentielles pour leur approvisionnement en gaz ou électricité.
De plus, cette mesure s'inscrit dans un contexte particulièrement défavorable pour les entreprises françaises compte tenu du renchérissement du coût des matières premières, notamment du pétrole, des surcoûts dus à la réduction du temps de travail et de l'évolution du taux de change euro/dollar. Il convient enfin de rappeler que la taxation de l'énergie consommée par les entreprises est d'ores et déjà plus forte en France que dans la plupart des autres pays européens, notamment l'Allemagne.
A tout le moins, une telle initiative en matière de taxation des consommations d'énergie devait se décider au niveau communautaire. A ce sujet, les délais d'élaboration de la directive en cours de préparation montrent bien toute la difficulté de l'exercice lorsqu'il s'agit d'éviter les trop fortes distorsions de concurrence.
Compte tenu de ces différentes observations, votre rapporteur pour avis se déclare très opposé aux nouvelles modalités de calcul de la TGAP ainsi qu'à son affectation au seul financement de la réduction du temps de travail .
Il partage entièrement les interrogations du nouveau rapporteur du Conseil économique et social chargé d'actualiser le rapport " Effet de serre et prospective industrielle française " réalisé il y a trois ans. S'agissant des taxations envisagées, M. Jean Gonnard met en cause la théorie du double dividende en soulignant que " la lutte contre l'effet de serre et la recherche du plein emploi sont deux problèmes distincts qui doivent être traités de façon indépendante ", car, juge-t-il " dans une économie où les salaires réels sont rigides, l'impact global sur l'emploi doit être relativisé ".
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Suivant la proposition de son rapporteur, la Commission des Affaires économiques a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'environnement, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. |