CHAPITRE II -
LE
COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN ET L'ÉVALUATION DES
POLITIQUES PUBLIQUES
Le Commissariat général du Plan intervient à un double titre dans l'évaluation des politiques publiques puisqu'il tient le secrétariat du Conseil national de l'évaluation et qu'il contribue à l'évaluation des contrats de plan Etat-régions.
I. LE COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN ET L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
A. LES MISSIONS
1. Des principes souples
Dans son rapport pour avis sur projet de loi de finances 1999, la Commission des affaires économiques s'était réjouie de l'abrogation du décret de 1992 qui, en instituant des procédures trop pesantes, empêchait, en pratique, de réaliser des évaluations dans un délai raisonnable. Elle craint, à présent, que les nouvelles dispositions instituées en 1998 ne permettent de réaliser que de faibles progrès en la matière.
Le rôle du Commissariat général du Plan en matière d'évaluation a été confirmé par le décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 et la circulaire du 28 décembre 1998 relatifs à l'évaluation des politiques publiques.
Ces deux textes ont, en effet, prévu que le secrétariat du Conseil national de l'évaluation (CNE) serait tenu par le Commissariat général qui pourrait, en outre, proposer les suites à donner aux évaluations relatives à des politiques de l'Etat. Désormais, sur le fondement de ces dispositions, le CGP élabore les projets d'évaluation avec les administrations concernées et relance, le cas échéant, les ministères qui n'auraient pas transmis de projets d'évaluation au CNE. Il est, en effet, indispensable que le CNE reçoive des propositions des ministres puisqu'il élabore le programme d'évaluation destiné à être mis en oeuvre un an plus tard sur cette base.
Le Conseil intervient ensuite tout au long du processus d'évaluation en :
- aidant à la rédaction des projets ;
- examinant leur faisabilité technique et administrative ;
- participant à la création des instances d'évaluation ;
- assurant la publication de leurs travaux après leur achèvement.
En pratique, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis : " dans un premier temps, le Commissariat général du Plan recueille les intentions d'évaluation des différents ministères et aide ceux-ci à formaliser leurs projets. Parmi ces projets, le Conseil national de l'évaluation retient ceux qui lui semblent arrivés à maturité et propose un programme d'évaluation annuel au Premier ministre. Celui-ci arrête son choix et le rend public (parution au Journal Officiel). Les travaux d'évaluation sont conduits par des instances indépendantes. Le Conseil national de l'évaluation se prononce ensuite sur la qualité de travaux achevés. Toute évaluation faite dans le cadre de cette procédure est rendue publique, assortie des réponses des administrations et collectivités territoriales concernées ".
Ainsi, la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation est-elle, en théorie, relativement souple, conformément à l'esprit du décret n° 98-1048 précité qui tendait à alléger des procédures d'un formalisme trop pesant.
Il est à noter que, bien que le décret n° 98-1048 précité ait accordé aux collectivités locales la faculté de saisir le Commissariat général d'une demande d'évaluation aucune n'y a, pour le moment, eu recours. Elles pourraient cependant utilement le faire, d'autant que les crédits destinés à financer ces évaluations ne sont pas tous consommés. En effet, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les crédits inscrits au fond national de l'évaluation (FNE) permettaient d'engager des travaux en ce sens, pour autant que les collectivités locales le souhaitent.
Votre Commission des Affaires économiques souhaite que l'Etat informe les collectivités locales de la possibilité qui leur est ouverte de recourir aux services du Commissariat général du Plan pour mettre en oeuvre des évaluations et pour bénéficier, à cette occasion, des crédits du FNE.
2. Une mise en oeuvre lente et difficile
Comme on l'a vu ci-dessus, le Conseil national de l'évaluation est censé établir un programme de travail annuel selon une procédure qui, si l'on en croit la circulaire du 28 décembre 1998 relative à l'évaluation des politiques publiques, est destinée à être " plus simple, plus efficace et plus rapide que le dispositif précédent " 1 ( * ) .
Or, depuis la fixation, le 13 juillet 1999, d'une liste de cinq thèmes d'évaluation qui figure dans le tableau ci-dessous, force est de constater que les retards et les délais se sont accumulés. Alors que, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, la durée des travaux ne devait, en théorie, pas dépasser un an, sauf cas exceptionnel, aucune évaluation n'a été réalisée avant le 13 juillet 2000 ! Pire : l'installation des instances d'évaluation s'est échelonnée entre décembre 1999 et mai 2000, tandis que la publication - prévue - de ces travaux s'échelonne entre mars 2001 et le deuxième trimestre 2001.
ÉVALUATIONS
INTERMINISTÉRIELLES
(procédure du décret du 18 novembre
1998)
Thème de l'évaluation |
Date de lancement |
Publication prévue |
TRAVAUX EN COURS |
||
Programme " nouveaux services emplois jeunes " dans le secteur de la jeunesse et des sports |
3 décembre 1999 |
mars 2001 |
Mesures d'aide aux emplois du secteur non marchand |
8 décembre 1999 |
2 e trimestre 2001 |
Politique de préservation de la ressource en eau destinée à la production d'eau potable |
9 décembre 1999 |
printemps 2001 |
Politique de prévention et de traitement du Sida |
13 janvier 2000 |
1 er trimestre 2001 |
Politique du logement social dans les départements d'outre-mer |
4 mai 2000 |
2 e trimestre 2001 |
Source : Commissariat général du Plan
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis : " Les délais de composition des instances, plus longs que prévus initialement, illustrent l'une des difficultés de relance du dispositif, par-delà la rénovation de la procédure. Constituer pour chaque instance une équipe composée d'un président et de rapporteurs ayant la disponibilité nécessaire pour conduire les travaux s'est révélé une tâche délicate. Afin de pallier ce défaut initial, dès la proposition du prochain programme du CNE au Premier ministre, une liste de personnalités susceptibles de présider l'instance correspondante sera annexée à chaque projet d'évaluation.
Chaque instance, dès son installation, a pris connaissance du cahier des charges -public- de l'évaluation qui lui était confiée et du Petit guide de l'évaluation des politiques publiques conçu par l'ancien Conseil scientifique de l'évaluation. Elle a fait procéder à la recension de la littérature existante, précisé son questionnement et établi l'appel d'offres précisant ses commandes d'études. Ces appels d'offres, largement diffusés, ont permis à chaque instance de sélectionner les équipes (publiques ou privées) auxquelles sont confiées les études financées par le FNDE.
Au 1 er août 2000, trois instances avaient été auditionnées par le Conseil national d'évaluation. Celui-ci souhaite instaurer un débat avec les responsables des instances, phase informelle destinée à faire le point sur les difficultés rencontrées comme sur les avancées méthodologiques. Ces auditions ont eu lieu après les choix opérés par les instances en matière d'études ".
B. LES MOYENS
Les services d'évaluation du Commissariat général du Plan, qui, ne comptent, en 1998, qu'un seul chargé de mission à tiers temps compte désormais deux chargés de mission à temps complet. L'une s'intéresse aux évaluations nationales, et l'autre à celles des contrats de plan Etat-région. Il serait, en outre, envisagé de procéder à un recrutement prochainement.
Comme le montre le tableau ci-dessous, du fait de l'accumulation des reports, les crédits disponibles au titre du fonds national de l'évaluation -soit 12 millions de francs- semblent suffisants pour réaliser les études en cours.
ÉVOLUTION DU FONDS NATIONAL DE
L'ÉVALUATION
" études "(*)
(en francs)
Année |
LFI |
Reports |
Crédits disponibles |
Crédits consommés |
1997 |
448 000 |
8 294 682 |
8 742 682 |
3 233 677 |
1998 |
448 000 |
6 121 805 |
6 569 805 |
1 563 234 |
1999 |
450 000 |
4 990 067 |
5 440 067 |
240 185 |
2000(*) |
5 950 000 |
6 699 882 |
12 649 882 |
239 465 |
(*) Chapitre 34-04 jusqu'au 31 décembre 1999 et chapitre 34-98 à compter du 1 er janvier 2000
(**) Situation au 30 juin 2000
Votre Commission des Affaires économiques s'étonne, en conséquence, de la lenteur avec laquelle est mis en oeuvre le décret du 18 novembre 1998 et constate que le nouveau programme d'évaluation n'a toujours pas été rendu public par le Premier ministre.
Aussi, votre rapporteur pour avis souhaite-t-il rappeler les termes mêmes de la circulaire du 28 décembre 1998 du Premier ministre selon laquelle : " l'un des dysfonctionnements manifestes du dispositif antérieur a été la durée excessive des travaux d'évaluation. L'accumulation des retards aux diverses étapes de la procédure a abouti à un délai moyen de trois ans et demi entre le début de la préparation du cahier des charges d'évaluation et la publication des résultats. Dans ces conditions, les conclusions des évaluations n'ont pu être que rarement utilisées dans les processus de décision.
Je demande en conséquence au Conseil national de l'évaluation d'élaborer son projet de programme annuel avant la fin du premier trimestre de chaque année. Les projets d'évaluation ayant été discutés au préalable de manière approfondie avec les administrations, j'arrêterai rapidement le programme définitif. Les instances d'évaluation devront être installées dans les semaines qui suivront.
La durée des évaluations, du lancement des travaux à l'achèvement du rapport, sera limitée à un an, sauf dans des cas exceptionnels où l'ampleur et la complexité du sujet traité l'exigent, cette durée pouvant alors être portée au plus à dix-huit mois.
Les rapports d'évaluation seront rendus publics dans un délai de cinq mois à compter de leur transmission par les instances d'évaluation.
La procédure devra se dérouler dans un délai maximum de dix-huit mois entre l'installation de l'instance d'évaluation et la publication de son rapport ".
Votre Commission des affaires économiques considère que la rapidité et l'efficacité du processus d'évaluation des politiques publiques sont seules garantes de sa crédibilité. Elle demande donc au Gouvernement de prendre des mesures afin que le nouveau programme d'évaluation soit établi dans les meilleurs délais.
* 1 JORF, 12 février 1999 - p. 2239.