CHAPITRE II -
DES POLITIQUES PUBLIQUES QUI NE
RÉPONDENT QUE PARTIELLEMENT AUX ATTENTES DES PROFESSIONNELS
I. UNE POLITIQUE NATIONALE SANS AMBITION
A. LES MESURES GOUVERNEMENTALES POUR VENIR EN AIDE AUX SECTEURS DE LA PECHE ET DES CULTURES MARINES
1. Le plan gouvernemental en faveur de conchyliculteurs et des pêcheurs victimes des tempêtes et du naufrage de " l'Erika "
Dans le cadre du plan gouvernemental arrêté le 12 janvier 2000 pour venir en aide aux victimes des tempêtes et du naufrage de l'Erika, des mesures spécifiques ont été prises en faveur des conchyliculteurs et des pêcheurs. Le Gouvernement a décidé de traiter de la même manière les victimes des deux sinistres.
Les dommages non assurables subis par les conchyliculteurs lors des tempêtes , tels que les pertes de fonds et pertes des récoltes, sont indemnisés au titre des calamités agricoles dans le cadre d'une procédure accélérée, de façon à ce que les premiers versements soient effectués dans les deux mois suivant la déclaration. Il est précisé que les coquillages en cours d'élevage seront considérés comme pertes de fonds et indemnisés en tant que tels. Au titre de cette procédure, les conchyliculteurs ont accès aux prêts bonifiés au taux de 1,5 %.
Au-delà de ces dispositions, des mesures exceptionnelles ont été arrêtées : une aide à la reconstitution des matériels et des stocks conchylicoles pourra être versée pour faciliter le redémarrage des exploitations, au vu d'une déclaration des préjudices subis et après vérification par les services déconcentrés, dans la limite de 200.000 francs par exploitation.
Pour les navires de pêche endommagés par la tempête , et en complément des interventions des assurances, une aide de même nature et de même montant pourra être versée.
Les entreprises dont l'activité est spécifiquement affectée par la marée noire auront accès à des avances de trésorerie à taux nul et garanties par l'Etat dans l'attente de l'indemnisation du fonds d'indemnisation de la pollution (FIPOL). Cette disposition concerne toute particulièrement les établissements conchylicoles situés dans une zone fermée à la suite de la pollution.
Un dispositif d'allégement des charges sociales a été mis en place pour les conchyliculteurs affectés par la tempête ou la marée noire après un examen au cours par cas.
Une aide forfaitaire pour perte de revenu pourra être consentie au bénéfice des marins dont le navire est rendu navigable du fait des dommages causés par la tempête.
Les conchyliculteurs sinistrés pourront bénéficier de reports d'annuités, ainsi que de l'exemption du versement de la redevance domaniale sur le domaine public maritime concédé.
Des campagnes de communication devraient être réalisées en vue de conforter l'image des produits de la mer.
Enfin, les instruments communautaires devraient être sollicités pour la restauration des outils de travail endommagés.
Ces mesures traduisent l'importance de la solidarité nationale pour ce secteur durement éprouvé puisqu'elles représentent un effort budgétaire global de 300 millions de francs.
2. Les résultats du Conseil interministériel d'aménagement et de développement du territoire et du conseil interministériel de la mer
A l'issue du Conseil interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire et du Conseil interministériel de la Mer qui se sont tenus lundi 28 février, à Nantes, le Premier ministre a annoncé que le Gouvernement avait décidé de débloquer cinq milliards de francs supplémentaires (dont quatre milliards de l'Etat) jusqu'en 2003 pour faire face aux conséquences de la marée noire et des tempêtes, dont 939,5 millions de francs en 2000. Cette enveloppe a été inscrite au collectif budgétaire du printemps :
- les crédits du plan Polmar ont été portés à 560 millions de francs, pour financer notamment l'emploi de 900 contrats à durée déterminée pour le soin des oiseaux et le nettoyage des côtes ;
- 100 millions de francs sont destinés à la restauration écologique ;
- 350 millions de francs devraient être consacrés au tourisme ;
- 90 millions de francs ont été alloués à l'indemnisation exceptionnelle des préjudices non assurables des professionnels. De plus, l'Etat s'est engagé à accorder 60 millions de francs de prêts sans intérêts ;
- 10 millions de francs devraient être alloués chaque année au Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux ;
- 40 millions de francs sur deux ans sont destinés à intensifier la recherche ;
- 20 millions de francs de nouveaux crédits ont été dégagés pour faire face à l'abandon des navires et prendre en charge les marins en cas de danger avéré.
En outre, des mesures sont destinées à renforcer les défenses du littoral : 25 millions de francs pour les digues de l'estuaire de la Gironde, 20 millions de francs pour l'estuaire de la Loire et 7 millions de francs pour les petits ports de Charente-Maritime.
Sur trois ans, 30 millions de francs devraient être consacrés à la réhabilitation de la diversité biologique et au suivi des milieux et espèces.
Sur cinq ans, 60 millions de francs devraient permettre de réaliser des travaux de restauration des écosystèmes marins et côtiers.
3. Les mesures spécifiques annoncées au conseil supérieur d'orientation des politiques halieutiques, aquacoles et halioalimentaires (CSO)
Au CSO du 7 mars dernier, le ministre de l'agriculture a précisé les mesures supplémentaires annoncées par le Premier ministre le 3 mars au Salon international de l'agriculture, en faveur du secteur de la pêche et de la conchyliculture. Ces mesures complètent le dispositif gouvernemental arrêté le 12 janvier 2000 et tiennent compte des difficultés de ce secteur, confronté aux conséquences cumulées de la tempête et de la marée noire.
Pour les conchyliculteurs, il a été décidé d'étendre la procédure d'avance sur l'indemnisation du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) à l'ensemble des exploitations des quatre départements sinistrés (Vendée, Loire-Atlantique, Morbihan, Finistère). En outre, la prise en charge des cotisations sociales a été élargie aux entreprises situées dans des régions non touchées par la marée noire, mais qui subissent un préjudice réel du fait de la dégradation générale du marché des coquillages. L'enveloppe affectée à cette mesure représente un mois de cotisations sociales, mais sa répartition pourra être modulée en concertation avec la profession.
Le dispositif d'avance sur indemnisation FIPOL a également été étendu aux pêcheurs pour les retraits et destructions de capture de crustacés pollués.
Par ailleurs, l'assiette pour l'indemnisation des navires et engins de pêche dégradés par la tempête a été relevée de 60 à 75 %, comme cela a été fait pour les conchyliculteurs.
Pour prendre en compte les conséquences de la marée noire sur les conditions d'exploitation des navires de pêche et de commercialisation des produits, le Gouvernement a décidé d'affecter une enveloppe de 75 millions de francs à un dispositif d'allégement de charges. Les modalités adaptées aux différentes situations ont été définies en concertation avec les professionnels, sous l'égide du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPM).
4. Des mesures renforcées pour limiter les conséquences de l'augmentation du prix du gazole
Les mesures adoptées au cours du premier trimestre ont été amplifiées pour limiter les conséquences de l'augmentation du prix du gazole. C'est ainsi que les mesures d'allégement temporaire des charges sociales ont été prolongées jusqu'à la fin de l'année.
A la mi-août 2000, le bilan des aides mises en place s'établit ainsi :
Dans le secteur des cultures marines, afin que les conchyliculteurs, mais aussi les pêcheurs à pied, bénéficient rapidement d'un concours financier, l'Etat a consenti une avance de la moitié de l'indemnisation à recevoir au titre du FIPOL du fait des dommages aux biens mais également du préjudice économique causé par la marée noire. Cette avance est plafonnée à 200.000 francs. Au 15 août 2000, sur les 778 dossiers déposés, 710 avaient été examinés par les cellules départementales pour un montant de 13,6 millions de francs. Du fait de l'adoption d'un taux provisoire d'indemnisation à 50 % par le FIPOL lors de la réunion du 5 juillet 2000 de son comité exécutif, le Gouvernement a décidé que de transformer cette avance en complément d'indemnisation.
En matière d'allégement de charges financières, l'Etat peut prendre en charge une partie des intérêts des prêts professionnels échus ou à échoir en 2000, 2001 et 2002. Le montant ne peut pas excéder 48.000 francs, sauf situation particulièrement critique, auquel cas il peut être porté à 62.000 francs. Il est modulé en fonction de la situation globale de l'entreprise.
En matière d'allégement de charges sociales, les mesures ciblées sont destinées aux aquaculteurs et pêcheurs à pied des six départements directement touchés par la tempête ou la marée noire. Elles sont décidées au cas par cas, en fonction de la situation du redevable, par le préfet sur proposition de la cellule départementale d'indemnisation. Elles sont calculées sur la base du salaire forfaitaire de la 4 ème catégorie. Elles portent sur un ou deux mois, pour les cotisations dues au régime social des agriculteurs (MSA : Mutualité sociale agricole) ou à celui des marins (ENIM : Etablissement national des Invalides de la Marine) ainsi qu'à la CNAFPM (Caisse nationale d'allocations familiales des pêches maritimes). Cette caisse prélève les cotisations d'allocations familiales pour les assujettis à l'ENIM. La mesure générale d'allégement des charges sociales a également été décidée pour l'ensemble des aquaculteurs de France pour les cotisations dues à la MSA.
Pour la même raison de dégradation du marché des produits de la mer, les concessions de cultures marines sur le domaine public maritime ainsi que les autorisations de prise d'eau pour l'alimentation de parcelles privées situées dans les départements concernés sont exonérées du paiement de la redevance domaniale en 2000. Le coût de cette mesure est d'environ 15 millions de francs.
Dans le secteur de la pêche, afin que les pêcheurs bénéficient rapidement d'un concours financier, l'Etat consent une avance de la moitié de l'indemnisation à recevoir au titre du FIPOL du fait des dommages aux biens (engins de pêche) ainsi que des pertes de chiffre d'affaires pour les captures, essentiellement de crustacés, retirées du marché pour raison sanitaire. Cette avance est plafonnée à 200.000 francs. 75 dossiers ont été déposés et, au 18 août 2000, 60 ont été examinés par les cellules départementales. De même que pour les aquaculteurs, les avances vont être transformées en complément d'indemnisation.
Une mesure générale d'allégement des charges sociales dues à l'ENIM a été décidée pour l'ensemble des pêcheurs de France. Elle porte sur la moitié de trois appels trimestriels successifs de cotisation, son coût est de 180 millions de francs.
Votre rapporteur pour avis se félicite de ces mesures qui, à défaut de s'attaquer aux problèmes structurels du secteur, devraient néanmoins permettre de réduire les difficultés financières des entreprises de pêche. Il souhaite que ces mesures puissent être acceptées par les autorités communautaires. Il veut croire que le Gouvernement a pris toutes les assurances pour qu'elles soient compatibles avec le droit communautaire. Il serait, en effet, inadmissible que les entreprises de pêche aient à rembourser les aides que l'Etat leur a consenties pour faire face à cette situation de crise.