C. L'AIDE À L'EXPORTATION DES CHAÎNES FRANÇAISES
1. L'aide à la diffusion satellitaire
a) Orientations générales
Dans la communication sur l'évolution de l'action audiovisuelle extérieure de la France présentée au conseil des ministres du 30 avril 1998, le ministre des affaires étrangères estimait que l'une de nos priorités était de favoriser la diffusion satellitaire des chaînes françaises en dehors du territoire national. Dans un secteur où les réseaux de distribution jouent un rôle essentiel, il apparaissait que la création de " marques audiovisuelles " mondialement connues et la présence d'opérateurs français au niveau mondial étaient à moyen et long terme un vecteur d'influence puissant. Il fallait donc encourager les chaînes françaises, trop concentrées jusque là sur le marché national, à tenter d'imposer leur savoir-faire sur les marchés étrangers.
Si le dynamisme des bouquets numériques français fait en effet de notre pays le premier marché européen dans le secteur de la télévision numérique, ce dynamisme ne s'est pas encore porté vers la diffusion de chaînes françaises sur les bouquets numériques internationaux. De même, les bouquets français, centrés sur le marché intérieur, n'ont pas eu jusqu'ici une véritable projection internationale, alors que des équipements de réception de taille variable permettent leur réception sur l'ensemble du continent européen et en Afrique du nord. La politique du gouvernement vise en conséquence à encourager les chaînes françaises à rechercher une dimension internationale et à prendre position sur des marchés en cours de structuration rapide du fait de l'introduction généralisée de la diffusion numérique.
Dans le contexte d'un enrichissement permanent de l'offre aux téléspectateurs, la présence simultanée de plusieurs chaînes d'origine française, par delà TV5, est en effet devenue un objectif stratégique. Dès lors, les pouvoirs publics ont estimé justifié d'inciter les opérateurs privés et publics à être plus présents sur les principaux marchés étrangers, notamment par le biais de la diffusion satellitaire.
b) Mise en oeuvre
L'Etat a donc décidé de prendre à sa charge une partie des frais de diffusion ou de " localisation " (doublage ou sous-titrage) de certaines chaînes françaises désireuses de conquérir une audience internationale, à charge pour les entreprises intéressées d'acquérir les droits de diffusion. Dans ce cadre, la mise en place d'incitations financières a été décidée à partir de 1999. La loi de finances 2000, comme le projet de budget de 2001, ont reconduit la ligne " appui aux bouquets satellitaires ", support budgétaire de cette politique.
Ces aides financières ont permis depuis 1998 d'aider les diffuseurs suivants : Canal+ Horizons, filiale de Canal+ (Afrique, bassin méditerranéen, Océan indien) ; les chaînes musicales MCM et Muzzik (Europe, Maghreb, Asie, Amérique latine) ; certaines chaînes de la société Multithématiques (Planète, Seasons, Ciné Classics, Ciné Cinémas), pour leur diffusion en Pologne, Allemagne, Espagne, et Italie ; la société Média Overseas, pour l'internationalisation des bouquets Canal Satellite dans les Caraïbes, l'Océan indien et le Pacifique ; la société TPS, pour une meilleure diffusion de certaines chaînes du bouquet dans les zones Maghreb, Proche-Orient, Europe centrale et orientale ; Canal+ et ses chaînes thématiques Minimax et Alekino, en Pologne et en Hongrie. Cette aide a enfin appuyé le lancement d'une déclinaison internationale de Paris Première et de Canal J.
Pour la sélection, ouverte aux opérateurs publics et privés de toutes tailles, le ministère des affaires étrangères s'est entouré de nombreuses garanties :
- les appels à projets sont adressé à l'ensemble des opérateurs publics et privés de télévision par l'intermédiaire de l'association des chaînes du câble et du satellite (ACCES) pour les chaînes thématiques, et directement pour les chaînes nationales hertziennes ;
- recours à une expertise extérieure indépendante pour l'examen des dossiers ;
- les décisions d'attribution de subvention sont prises au plus haut niveau du ministère des affaires étrangères.
Le ministre des affaires étrangères a pris l'engagement politique d'inscrire ce soutien public dans un certaine durée, sans préjudice du respect des règles de l'annualité budgétaire. Cet engagement est assorti de deux principes :
- le soutien est dégressif ;
- il doit jouer un rôle déterminant pour la décision de l'opérateur considéré, qu'il s'agisse de lancer un nouveau projet, de poursuivre une expérience déficitaire, ou pour celle de proposer une programmation à contenu français significatif.
Sur ce dernier point, les différents dossiers retenus en 1999 et 2000 présentent des profils divers, liés à la taille des entreprises considérées et à l'ampleur du risque afférent à leurs projets. Trois cas de figure peuvent être distingués :
- certains projets n'auraient pas vu le jour sans l'impulsion publique : Paris Première International, Canal J Junior International, extension de la zone de diffusion de TPS ;
- des projets plus anciens, à fort impact culturel, sont extrêmement lourds et n'ont pas encore atteint la rentabilité, ils risquaient donc d'être remis en cause par leurs actionnaires : MCM international, Canal+ Horizons ;
- pour certains projets lancés sans soutien public, un tel soutien favorise une programmation minimale de contenus français : Canal+ Pologne, chaînes éditées par Multithématiques.
On notera enfin que depuis plusieurs années les chaînes publiques Arte et la Cinquième bénéficient d'une contribution publique pour leur diffusion en Europe sur le satellite Hot Bird 4.
2. L'exportation des chaînes publiques
• Un objectif du plan de 1998
L'action du ministère des affaires étrangères en faveur de l'exportation des chaînes publiques, marquée depuis une dizaine d'années par des actions ponctuelles telles que le financement de la diffusion hertzienne de France 2 en Tunisie ou la diffusion du journal de 20 heures de France 2 aux Etats-Unis, s'inscrit désormais dans le cadre des orientations de 1998 sur la relance de l'action audiovisuelle extérieure, dont un des objectifs est, on vient de le voir, d'encourager l'internationalisation des entreprises audiovisuelles françaises et la présence de chaînes sur les réseaux câblés et les bouquets satellitaires étrangers, ainsi que le développement international de bouquets d'origine française.
Il est utile de présenter quelques observations à cet égard.
La mise en oeuvre des orientations de 1998 doit être réfléchie et concertée afin d'éviter les effets pervers qui s'attachent inéluctablement à l'absence de coopération entre les organismes publics. Si la visibilité internationale des programmes audiovisuels français implique bien évidemment la plus forte présence possible de nos chaînes publiques à l'étranger, il convient de ne pas oublier pour autant les raisons pour lesquelles les missions des organismes de l'audiovisuel extérieur ont été redéfinies il y a près de trois ans. Il s'agissait de mettre fin à une concurrence génératrice de gaspillage quand elle a lieu dans le cadre d'objectifs non concertés et de missions insuffisamment définies, comme l'expérience l'a amplement démontré. Il importe en particulier que les ambitions internationales de France Télévision ne conduisent pas à rééditer avec TV5 les désastreux doubles emplois que connurent TV5 et CFI. Il serait sans doute opportun que France Télévision, qui dispose au demeurant rarement des droits mondiaux sur ses programmes, ne tente pas de diffuser à l'étranger les programmes actuels des deux chaînes généralistes, mais envisage le lancement de ses futurs programmes numériques dans une perspective internationale, en faisant dès l'abord l'acquisition des droits internationaux. En tout état de cause, il importe aussi que France Télévision cherche à collaborer avec TV5 et avec Arte, ainsi qu'avec les autres télévisions publiques européennes, beaucoup restant à faire sur ce plan.
• L'arrêt de la diffusion de France 2 en Tunisie
France 2 était relayée en Tunisie depuis le 6 juin 1989 par le satellite Télécom 1C puis Télécom 2B en diffusion simultanée sur le second réseau tunisien qui couvre la quasi totalité du pays, sur un financement français, notamment du ministère des affaires étrangères qui prenait à sa charge les frais de fonctionnement du réseau hertzien et les suppléments de rémunération dus aux ayants-droit. France 2, qui touchait 900 000 foyers, faisait ainsi partie intégrante du paysage audiovisuel tunisien et rencontrait un indéniable succès auprès du public.
En octobre 1999, les autorités tunisiennes ont interrompu la diffusion de France 2, le traitement par les médias français des dernières élections présidentielles ayant été jugé inéquitable. Le canal hertzien de France 2 est désormais occupé par la deuxième chaîne tunisienne, Canal 21, avec laquelle France 2 partageait depuis novembre 1994 son temps d'antenne.
L'arrêt de la diffusion de France 2 en Tunisie a conduit le ministère des affaires étrangères à rechercher des solutions alternatives pour améliorer notre présence audiovisuelle au Maghreb à travers une action conjointe de Satellimages-TV5 et de France Télévision dans le cadre de leur partenariat visant à l'internationalisation des programmes et des chaînes de la nouvelle holding française. Ce projet, dont les contours ne sont pas encore définis, bénéficiera en 2001, comme on l'a vu, d'une mesure nouvelle de 10 MF, allouée à TV5, et d'un redéploiement des crédits jusqu'ici consacrés à la Tunisie (13 MF).
• La diffusion du journal de 20 heures de France 2 aux Etats-Unis
Depuis 1990, le ministère des affaires étrangères finance partiellement cette opération consistant à transmettre -en très léger différé- le journal sous-titré en anglais. Celui-ci est repris par un réseau de chaînes publiques et éducatives américaines, hertziennes et câblées, touchant environ 70 millions de foyers.
• Aide à la diffusion satellitaire des chaînes
Comme on a vu ci-dessus, le ministère des affaires étrangères a pris à sa charge, à partir de 1999, une partie des frais de diffusion ou de " localisation " de chaînes françaises désireuses de conquérir une audience internationale.
Régulièrement sollicitées dans les mêmes conditions que les opérateurs privés depuis 1999, les chaînes de service public, de même que leurs filiales thématiques, n'ont pas été en mesure jusqu'ici de présenter des dossiers crédibles à l'international, du fait essentiellement du problème des droits. Ce n'est donc qu'indirectement, à travers l'aide à l'extension internationale de bouquets satellitaires où elles figuraient, que certaines d'entre elles ont pu bénéficier d'un tel soutien :
- la subvention versée au bouquet numérique français TPS a permis la modification technique nécessaire à une extension géographique de la diffusion de certaines chaînes thématiques dont Histoire, Festival, Mezzo et Régions, filiales de France Télévision et d'Arte France, auxquelles s'ajouteront à partir de 2001 France 2 et France 3 ;
- les subventions versées à l'opérateur Média Overseas, au titre de l'internationalisation des bouquets Canal Satellite Antilles, Réunion et Nouvelle Calédonie, permettent notamment la réception hors des territoires français d'outre-mer des deux chaînes publiques RFO-Sat et Euronews, dans les Caraïbes, dans l'Océan indien, et prochainement en Australie.
• Aide à l'exportation des programmes des chaînes françaises
Certains programmes des chaînes publiques françaises sont diffusés par de nombreuses télévisions étrangères dans un cadre commercial. Il convient de noter à cet égard que les chaînes françaises publiques, comme les opérateurs privés, bénéficient indirectement de l'aide apportée par les pouvoirs publics à l'exportation des programmes de télévision, leurs filiales de distribution étant toutes membres de l'association professionnelle TVFI, dont la vocation est de favoriser ces exportations et qui est subventionnée depuis sa création par les pouvoirs publics et notamment le ministère des affaires étrangères.