3. Une baisse motivée par la lutte contre l'inactivité
Le gouvernement justifie cette mesure, élément essentiel de son programme de réduction d'impôts, par plusieurs raisons.
La première raison, la plus avouée, est le besoin de diminuer les effets de trappe à inactivité. Les études ne manquent pas pour souligner les conséquences du cumul d'allocations et minima sociaux sur l'attractivité de la reprise d'emploi surtout si ce dernier est rémunéré aux alentours du SMIC, a fortiori s'il est occupé à temps partiel. Certes, en théorie, le niveau des minima sociaux devrait empêcher que ce type de situation se produise, notamment pour un célibataire payé au SMIC.
Transitions sur le marché de l'emploi
(gain monétaire mensuel en francs)
du RMI vers... |
½ SMIC |
1 SMIC |
Célibataire |
- 88 |
1.658 |
Isolé 1 enfant |
- 345 |
1.671 |
Isolé 2 enfants |
253 |
2.310 |
Isolé 3 enfants |
1.559 |
3.731 |
Isolé 4 enfants |
1.467 |
3.672 |
Isolé 5 enfants |
1.383 |
3.602 |
Couple sans enfant |
0 |
987 |
Couple 1 enfant |
0 |
583 |
Couple 2 enfants |
0 |
597 |
Couple 3 enfants |
0 |
1.539 |
Couple 4 enfants |
0 |
1.479 |
Couple 5 enfants |
0 |
1.410 |
Source : Conseil des impôts
Cependant, l'effet cumulé de la mise sous condition de ressources, des liens entre allocations, de la familiarisation de nombre d'entre elles fait que dans bien des cas occuper un emploi risque de se traduire par une perte de revenus. Retrouver un emploi signifiera perdre des exonérations de taxe d'habitation, perdre le bénéfice de la suspension de dettes, perdre la réduction ou la gratuité de certains services publics (transports, crèches, cantines, etc), perdre le bénéfice de la couverture maladie universelle. Ainsi le prouve cette situation concrète à laquelle s'est livrée une habitante de La Rochelle.
Exemple de situation concrète
CHOMAGE |
TRAVAIL (SMIC) |
||
Assedic (3020 x 12) |
36.240 F |
Salaire 35 h (5.064 x 12) |
60.768 F |
APL (1350 x 12) |
16.200 F |
APL (1.132 x 12) |
13.584 F |
Taxe d'habitation |
0 |
Taxe d'habitation |
- 1.500 F |
Redevance TV |
0 |
Redevance TV |
- 735 F |
Cantine |
0 |
Cantine |
- 2.040 F |
Bus scolaire |
0 |
Bus scolaire (77 x 12) |
- 924 F |
Bus adulte |
0 |
Bus adulte |
- 2.340 F |
Aide médicale |
0 |
Mutuelle (195 x 12) |
- 2.820 F |
EDF comprise aide sociale |
1.500 F |
EDF comprise aide sociale |
0 |
Garde d'enfant |
Garde d'enfant |
- 10.000 F |
|
Aide financière alimentaire |
3.600 F |
||
Total |
57.540 F |
Total |
53.993 F |
Situation concrète citée par Horizons politiques, n° 65, février 2000, page 2.
Bien sûr, les calculs financiers ne tiennent pas toujours devant les avantages moraux liés au retour à l'emploi : le travail n'est pas qu'une question financière et recouvre une dimension sociale essentielle aux yeux de beaucoup. Il n'en reste pas moins que dans bien des cas ce retour au travail devrait pouvoir être mieux récompensé d'un point de vue financier. L'intérêt de la ristourne de CSG et de l'exonération de CRDS est alors d'augmenter le revenu net des actifs à faibles ressources, et donc de réduire la trappe à inactivité.
La seconde raison est la volonté qu'ont beaucoup de transformer la CSG en un nouvel impôt sur le revenu, en tout cas en un impôt progressif. Cette revendication n'est pas nouvelle. Elle était au coeur de l'argumentaire communiste dans son refus de la CSG lors de sa création en 1990. En effet, la CSG a été conçue comme un prélèvement proportionnel, à l'origine à faible taux et large assiette. Le taux a augmenté, l'assiette s'est à la fois élargie et complexifiée, mais le principe a demeuré jusqu'à l'année dernière. En effet, au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, les députés ont relancé le débat de l'absence de progressivité de la CSG. Avaient alors été émises deux idées : la création d'un seuil minimum de 500 francs au titre des 5% d'abattement pour frais professionnels réalisé sur la CSG et le relèvement de 160 à 400 francs du seuil de perception. Cette dernière proposition a été retenue. A l'occasion de l'examen de l'article, votre rapporteur pour avis avait fait part de son inquiétude devant " le spectre de la progressivité de la CSG " .
Cette progressivité est donc aujourd'hui d'actualité avec l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, révélant que les craintes de votre commission des finances étaient fondées. Cette progressivité, si elle venait à être établie comme proposée, serait une mesure dangereuse et perverse, la CSG n'étant pas le support fiscal de la progressivité, rôle qui revient à l'impôt sur le revenu (voir infra ).
La troisième raison, la moins avouable pour le gouvernement, est la nécessité qu'il y a à calmer les tensions qui se font jour pour demander une hausse des salaires.
En effet, effet pervers ou contrepartie des 35 heures, la hausse des coûts salariaux pour les entreprises ne s'accompagne pas d'une amélioration des revenus des salariés à la hauteur de leurs espérances et de la croissance économique. La réduction et l'aménagement du temps de travail ont pour contrepartie un moindre volume d'heures travaillées qui se traduit pour ceux qui sont rémunérés à un salaire horaire, et même avec la hausse de ce dernier, par un revenu global stagnant voire baissant. Quant aux salaires mensuels, ils ne connaissent qu'une hausse modérée.
La majorité plurielle se retrouve ainsi confrontée à ses propres ambiguïtés et aux effets pervers de la mesure phare et coûteuse des 35 heures.
Or, il y a un vrai danger inflationniste à lâcher la bride sur les salaires. La seule solution pour apaiser les tensions revenait alors à améliorer le revenu net des salariés en jouant sur les prélèvements obligatoires et donc les prélèvements sociaux puisque pour nombre d'entre eux ils constituent la quasi totalité des prélèvements directs qu'ils acquittent.
L'exonération de CSG n'est alors plus une baisse globale et une réforme des prélèvements obligatoires. Elle est faite pour le gouvernement avec comme objectifs d'accentuer l'écart entre travail et minima sociaux, d'ajouter une dose de progressivité et de redonner du pouvoir d'achat aux salariés lésés par les 35 heures.
Votre commission estime quant à elle que ces raisons d'affichage sont soit de mauvaises raisons soit la face émergée d'un iceberg bien plus pervers et dangereux qu'il n'y paraît.