3. Les problèmes

La première difficulté, récurrente, réside bien entendu dans l'articulation formelle des deux textes. Le discours du gouvernement sur les finances publiques est brouillé : comment apprécier l'évolution des dépenses et recettes de l'Etat quand il procède à d'aussi massifs mouvements de débudgétisation vers le champ, bien plus flou et plus souple, de la loi de financement de la sécurité sociale ?

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis demeure réservé à l'égard des engagements que prend l'Etat mais qu'il fait supporter à des organismes publics situés hors du champ des lois de finances : ainsi de la prise en charge par le FSV des cotisations retraites des chômeurs et préretraités indemnisés par l'Etat. Il ne s'agit pas d'en contester le principe -l'Etat avait une dette, il doit l'apurer-, mais la méthode : il est bien difficile de se rendre compte à la lecture du budget que l'Etat a souscrit un engagement supplémentaire qui se traduira par des charges publiques de près de 3 milliards de francs. Peu importe ensuite de savoir s'il sera financé par l'utilisation, pourtant déjà prévue en faveur du fonds de réserve, du solde du FSV ou bien par des hausses de prélèvements.

Et puis comment ne pas mentionner le scandale absolu que représente le silence complet et sidérant du gouvernement sur les sommes dont il bénéficiera en provenance de l'Unedic aux termes des accords en cours de conclusion. La représentation nationale comprend aisément que faute de statut juridique encore précis, le gouvernement ne procède pas encore, à la date de parution de cet avis, à des coordinations par amendements au cours de la discussion parlementaire. Mais il n'est pas admissible qu'il taise complètement ses intentions en la matière : qui bénéficiera de ces sommes, le budget de l'Etat ? le fonds de réserve pour les retraites ? un autre organisme ? Ce silence ne saurait se prolonger. Il est éloquent sur la manière dont le gouvernement traite la représentation nationale quand il s'agit de discuter de l'affectation de ressources. Votre rapporteur pour avis avait pourtant cru que les conséquences déplorables du feuilleton de l'année dernière au sujet des réévaluations de recettes auraient suffi au gouvernement pour comprendre que l'époque n'est plus au silence et à la dissimulation.

Cette année encore, le projet de loi de finances ne tient pas compte de dépenses pourtant certaines, figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est à se demander s'il existe une bonne coordination des administrations centrales et des membres du gouvernement sur ces questions. A moins que la parole de l'Etat n'engage que ceux qui l'écoutent. Alors que le fonds de prise en charge des victimes de l'amiante doit recevoir 500 millions de francs de subvention du budget de l'Etat, les bleus sont muets sur ce point. Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une revalorisation des pensions de 2,2 % à laquelle s'ajouterait une suppression de la CRDS sur les pensions les plus modestes, le projet de loi de finances ne tient compte ni de l'une ni de l'autre pour le BAPSA.

Votre rapporteur pour avis n'ose pourtant pas penser qu'il n'existe pas de réunion de coordination entre la direction du budget et celle de la sécurité sociale qui permettrait d'harmoniser les textes. Pour quelles raisons alors, le Parlement doit-il chaque année dénoncer ces incohérences, ces atteintes au principe d'universalité de la loi de finances ? Tant que de telles erreurs inadmissibles subsisteront, chaque année les parlementaires pourront s'étonner d'un BAPSA qui ne respecte pas en exécution les prévisions d'équilibre, ou bien des charges de trésorerie supportées par les caisses, dans l'attente du remboursement par l'Etat des dettes correspondant à ses engagements. Si la décision est annoncée, c'est qu'elle est prise : la future loi de finances rectificative de 2001 ne doit pas servir à des ouvertures de crédits pourtant décidées avant même le dépôt du projet de loi de finances initial. Faudra-t-il chaque année une commission d'enquête pour dénoncer ces pratiques qui devraient relever d'un autre temps ?

L'ensemble de ces remarques souligne, si besoin en était, la nécessité d'une clarification et d'une démarche plus transparente. Chacun reconnaît aisément que les différences de nature et d'objet des deux textes rendent les choses délicates. Mais des efforts pourraient être faits par chacun, en coordonnant mieux le travail gouvernemental de préparation, en informant mieux le Parlement 10 ( * ) , en intégrant, comme souhaite le faire votre commission, cet aspect dans la future réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.

*

Au total, l'on sent bien que la situation n'est pas satisfaisante. Les lois de financement sont soit très lentement appliquées, soit franchement vidées de leur sens par le gouvernement. Dans le même temps, la lecture croisée des deux textes financiers majeurs dont le Parlement a à connaître révèle incohérences et imperfections.

L'outil des lois de financement représente certainement un progrès sur la voie de la clarification des liens entre l'Etat et la sécurité sociale, de la compréhension par les différents acteurs, de la responsabilisation du Parlement en matière sociale. Mais ce progrès se paie encore de lourds dysfonctionnements. Beaucoup sont imputables au gouvernement, et la réforme de l'ordonnance organique devrait apporter un peu de clarté. D'autres viennent des acteurs du système de santé. D'autres enfin, sont à mettre sur le compte du Parlement. Il ne s'agit pas de revoir complètement les procédures instaurées en 1995 et 1996. En revanche, il faut changer les comportements, les méthodes comptables, les façons de travailler, améliorer l'information, pratiquer les comparaisons, ne pas hésiter à revenir devant le législateur, réfléchir à l'avenir des modes de régulation. Ce sont ces inflexions, plus qu'une réforme globale, qui sont urgentes si on veut donner aux lois de financement tout leur sens et leur permettre de jouer pleinement le rôle qui leur a été assigné de pilotage de la sécurité sociale et de recherche de l'adéquation entre les besoins des Français et les possibilités financières.

* 10 De ce point de vue, votre rapporteur pour avis salue l'avancée que représente le nouveau " jaune " budgétaire " Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale " , distribué assez tôt pour permettre de mieux apprécier l'articulation des deux textes.

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