b) Des changements de périmètre et de méthode affectent la pertinence de l'ONDAM voté par le Parlement
Les opérations de " rebasage " de l'ONDAM qui interviennent chaque année faussent la signification de certaines informations fournies au Parlement. Selon la Cour des comptes, " sous ce vocable, il faut distinguer plusieurs choses : des changements de contenu de l'ONDAM et des transferts entre enveloppes, des modifications de calculs des taux d'évolution (pour tenir compte des écarts entre estimations et objectifs), et enfin la prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique ".
(1) Les modifications dans le contenu de l'ONDAM et les transferts entre enveloppes
Chaque année, le contenu de l'ONDAM est modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués. Ces modifications découlent soit :
- de l'inclusion dans l'ONDAM de dépenses de l'Etat : pour 2000, inclusion des centres de diagnostics anonymes et gratuits, de la prise en charge des toxicomanes et des centres de planification et d'éducation familiale (soit un total de 102 millions de francs) ;
- de transferts de dépenses de certains fonds de l'assurance maladie vers l'ONDAM : transfert de certaines dépenses de fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires et transfert du coût des affectations de longue durée du fonds national d'action sanitaire et social (pour un total de 900 millions de francs).
Certains de ces transferts améliorent la cohérence de l'ONDAM mais d'autres en accroissent l'hétérogénéité.
Si l'on intègre les transferts, les taux d'évolution d'une année sur l'autre peuvent être modifiés : l'évolution prévue entre l'objectif de 1998 et celui de 1999 était de 2,73 % et, si l'on tient compte du rebasage de 2,66 %. Surtout, pour les soins de ville, l'évolution d'objectif à objectif était de 2,67 % contre 1,9 % seulement, si l'on tient compte du rebasage lié au transfert.
Il serait donc utile que le Parlement puisse mesurer l'effet du changement de périmètre de l'ONDAM et donc dispose d'éléments sur l'évolution de l'ONDAM, à périmètre constant d'une année sur l'autre.
(2) La modification du calcul du taux d'évolution
Les premières années, le taux d'évolution de l'ONDAM était fixé par référence au montant de l'ONDAM voté pour l'année précédente et non aux dépenses effectives pendant cette année. Cependant, l'objectif ayant été dépassé chaque année, et compte tenu de l'effet mécanique de l'accumulation des dépassements, le gouvernement a décidé de modifier la procédure de fixation de l'ONDAM pour 2000.
Ainsi, depuis la loi de financement pour 2000, le gouvernement propose un taux d'évolution déduit du montant des dépenses de l'année précédente, tel qu'il est évalué par la commission des comptes de la sécurité sociale.
Pour 2000, le " rebasage " s'effectue en trois temps :
- prévision d'exécution de l'objectif par la commission des comptes de la sécurité sociale, soit 671,5 milliards de francs ;
- déduction des effets sur 2000 de l'allongement des délais de liquidation et de paiement, doit 2,4 milliards de francs ;
- intégration de la marge de manoeuvre fixée pour 2000, soit 600 millions de francs.
L'ONDAM rebasé pour 2000 s'élève donc à 669,7 milliards de francs.
Dans ces conditions, le taux de progression s'élèvera bien à 3,5 % en 2001. Mais si l'on retient les modalités de calcul du taux appliquées jusqu'à l'année dernière, c'est-à-dire en rapportant l'objectif proposé à l'objectif voté l'année précédente, l'augmentation atteint 5,3 %.
Il s'agit donc purement et simplement pour le gouvernement, face à l'ampleur de la dérive des dépenses maladie, de " passer l'éponge ", c'est-à-dire de renoncer à rattraper en 2000 le dérapage observé en 1999, de même en 2001. En pratique, en effet, l'enveloppe de dépenses maladie qui sera soumise au Parlement sera assise non pas sur les 658,3 milliards votés l'an dernier mais sur les dépenses effectives de cette année soit 669,7 milliards de francs qui correspond à l'objectif rebasé.
Seul le montant de l'objectif figure dans la loi de financement, et c'est donc ce que vote le Parlement, et non un taux de croissance. Après coup, on constate les dépenses, et souvent un dépassement, en les rapprochant de l'exercice voté : dépassement de 11,3 milliards de francs en 1999 et de 13 milliards de francs en 2000.
Ce recours à la méthode du " rebasage " apparaît certes inévitable dans la mesure où les objectifs votés en début d'année se sont révélés inférieurs aux dépenses réelles. Il est difficile en effet d'ignorer les dépassements constatés et de fixer des objectifs qui chaque année s'éloigneraient davantage de la réalité. Pourtant, l'utilisation de cette méthode soulève des questions primordiales. Pourquoi l'objectif des dépenses serait-il davantage respecté ? Quel était alors le sens du vote du Parlement en 2000 ? Pourquoi n'avoir pas proposé de loi de financement rectificative ?
Objectif national de dépenses d'assurance maladie
(en milliards de francs)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
|
Objectif voté |
600,2 |
613,8 |
629,9 |
658,3 |
693,3 |
Objectif " rebasé " |
- |
613,3 |
639,8 |
669,7 |
- |
Objectif réalisé |
599,5 |
623,6 |
641,2 |
671,5* |
- |
Evolution votée (en %) |
+ 1,7 |
+ 2,3 |
+ 2,6 |
+ 4,5 |
+ 5,3* |
Evolution " rebasée " (en %) |
- |
+ 2,4 |
+ 1 |
+ 2,5 |
+ 3,5* |
Evolution réalisée (en %) |
+ 1,5 |
+ 4 |
+ 2,8 |
+ 4,7 |
- |
* Prévisions.
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Le graphique ci-après permet de se rendre compte des divergences entre les différents ONDAM (voté, réalisé, théorique non rebasé et théorique non dépassé).
ONDAM
(en milliards de francs)
(3) La prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique
A partir de celui voté en 1999, l'ONDAM 2000 est défini en retranchant des dépenses les remises conventionnelles versées par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au titre du dépassement de l'objectif conventionnel d'évolution de leur chiffre d'affaires (clause de sauvegarde), dans le cadre des accords signés avec le comité économique du médicament.
Cette diminution des dépenses est enregistrée sur l'enveloppe de soins de ville, qui comprend le poste médicaments. Mais le montant de la remise n'est fixée qu'après la fin de l'année. Au titre de 1998, il a été fixé en avril 1999 à 1,2 milliard de francs. Son versement a été constaté dans les comptes de l'ACOSS en 1999. Ainsi, le Parlement votant en décembre 1998 l'ONDAM pour 1999 l'a fixé à 629,9 milliards de francs, alors qu'un dépassement de la prévision lié à la progression des dépenses de médicaments était prévisible. En fait, l'objectif réel, déduction faite de la remise, était de 628,7 milliards de francs et ne pouvait être connu de la représentation nationale. Il en ira évidemment de même pour 2001.
ONDAM et " clause de sauvegarde "
2000* |
2001 |
Evolution (en %) |
|
Objectif fixé |
669,7 |
693,3 |
+ 3,5 |
Clause de sauvegarde |
0,9 |
2 à 2,8 |
- |
Objectif net |
670,6 |
695,3 à 696,1 |
+ 3,7 à 3,8 |
* Données " rebasées "
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.