Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Val-de-Marne - SER) publiée le 28/11/2024
Question posée en séance publique le 27/11/2024
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, chaque année, entre 120 et 130 femmes sont tuées par l'homme avec qui elles partagent ou partageaient leur vie. Ce chiffre, qui est tristement stable, est déjà révoltant en tant que tel, mais savez-vous, mes chers collègues, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, qu'il est, en réalité, bien loin de la vérité ?
À ces féminicides recensés, il faut en effet ajouter les 800 tentatives de suicide annuelles de femmes victimes de harcèlement moral, de violences psychologiques ou de violences répétées. Ces chiffres ne sont pas les miens : ce sont ceux du ministère de l'intérieur et de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof). Et un tiers de ces 800 femmes meurent !
Contrairement à ce que l'on dit souvent, ce n'est donc pas une femme tous les trois jours qui meurt sous les coups de son compagnon : c'est, en réalité, une femme par jour qui meurt des violences d'un homme.
Depuis 2020, le harcèlement moral est une infraction criminelle. Mais qu'avons-nous fait depuis cette date ? Rien, ou pas grand-chose : il n'y a pas eu de circulaire pénale spécifique d'application de cette loi ; il n'y a pas eu de formation des professionnels concernés ; il n'y a pas eu d'enquête systématique.
Pour les quelques cas qui ont conduit à des condamnations, ce sont le plus souvent les familles qui ont porté plainte.
Et que fait-on pour le demi-millier de femmes qui ont survécu à ces tentatives de suicide ? Les sauve-t-on, ou attend-on une autre tentative de suicide qui, cette fois, sera fatale ? Sauver ces femmes, cela signifie enquêter sur leurs tentatives de suicide, sur l'existence de violences et d'un contrôle coercitif, entendre les proches et les voisins.
Monsieur le Premier ministre, nous pouvons sauver ces femmes. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes publiée le 28/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 27/11/2024
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Salima Saa, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je tiens tout d'abord à rappeler l'engagement qu'a pris le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale : il n'y aura aucune tolérance à l'égard des violences faites aux femmes.
Avec l'ensemble du Gouvernement, le ministre Paul Christophe et moi-même sommes engagés dans la lutte contre ces violences.
À cet égard, les annonces qui ont été faites ce lundi renforcent notre action, avec des mesures concrètes et ambitieuses. Je pense notamment aux moyens alloués au dispositif d'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. De manière générale, le montant des crédits consacrés à cette politique a crû de 10 %, alors que le contexte budgétaire actuel est quelque peu difficile. Ce sujet reste donc bien une priorité pour le Gouvernement !
Le renforcement de la formation des forces de l'ordre, la simplification des démarches des victimes témoignent de notre détermination à protéger chaque femme, partout sur le territoire, et à garantir que justice soit faite.
Pour ce qui concerne ce que vous appelez le « suicide forcé », ce sont 250 femmes qui auraient été poussées au suicide par leur conjoint en 2023.
Depuis quelques années, des voix s'élèvent pour inclure ces suicides dans le calcul du nombre de féminicides. Ce combat est notamment mené par Yael Mellul, ancienne avocate spécialiste des violences conjugales, qui est venue au ministère ce lundi 25 novembre pour travailler sur le sujet.
Selon les derniers chiffres de la Miprof, 773 femmes ont été victimes, l'an dernier, d'actes de harcèlement de leur ex-conjoint, qui les a conduites au suicide ou à une tentative de suicide.
La notion de « suicide forcé » a été introduite dans le code pénal en 2020. Cette nouvelle incrimination vient reconnaître le lien entre violences conjugales et suicide.
Les suicides forcés concernent quasi exclusivement des femmes. L'intégration de ces suicides dans le décompte des féminicides est une requête qui fait sens, de même que le travail sur ce sujet, du fait de l'ampleur des violences physiques et psychologiques dans le couple, qui poussent la femme à se suicider.
Certaines voix accusent l'État de nier volontairement ces violences, afin de faire baisser le nombre des féminicides. De fait, en 2023, il y a eu 94 féminicides sans suicide forcé, mais 344 avec !
Ce lundi 25 novembre,...
Mme la présidente. Veuillez conclure.
Mme Salima Saa, secrétaire d'État. ... nous avons annoncé une évolution de la grille d'évaluation du danger et du masque de plainte, afin de mieux prendre en compte toutes les formes de violences : suicide forcé, soumission chimique, cyberviolence, contrôle coercitif. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Salima Saa, secrétaire d'État. Nous réalisons également un effort massif sur la formation à l'accueil des victimes et sur le soutien psychologique. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, j'espère que j'aurai moi aussi droit à un peu plus de temps pour ma réplique...
Madame la secrétaire d'État, je veux d'abord vous dire que je ne connais aucun Premier ministre qui, ces vingt-cinq dernières années, n'aurait pas manifesté sa détermination à lutter contre les violences faites aux femmes. Pour autant, malgré cette détermination, les chiffres restent affreusement stables.
Je vous ai posé une question précise sur la prévention des suicides des femmes qui ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours. Vous nous avez répondu en reprenant les chiffres que j'ai donnés et en répétant à peu près ce que j'ai dit. Je dois dire que ce n'est pas la réponse que j'attendais ! (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous voulons des actes. Comment prévenir d'autres suicides ?
M. Philippe Tabarot. C'est fini !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. Je n'ai pas pris plus de temps que Mme la secrétaire d'État, madame la présidente. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
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