Question de M. CHAILLOU Christophe (Loiret - SER) publiée le 17/10/2024

Question posée en séance publique le 16/10/2024

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christophe Chaillou. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

De votre propre aveu, monsieur le garde des sceaux, le projet de budget de votre ministère pour 2025 n'est pas satisfaisant, en ce qu'il prévoit une baisse des crédits de près de 500 millions d'euros par rapport à la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

Vous avez d'ailleurs été beaucoup plus précis au micro de RTL il y a deux jours, indiquant : « Si on en reste à la lettre plafond, je ne vois pas ce que je ferais encore au Gouvernement. » Cette déclaration est plus qu'étonnante de la part d'un ministre nommé voilà à peine trois semaines, dont on peut imaginer qu'il a pleine connaissance de la situation budgétaire de notre pays...

Mes chers collègues, nous sommes tous conscients de la situation de la justice en France.

Le rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice a été publié aujourd'hui. Il confirme que la France se situe, malgré les efforts, en dessous de la médiane des pays du Conseil de l'Europe concernant les effectifs de la justice.

Le coup d'arrêt à la programmation des crédits que porte le budget, c'est, concrètement, trois fois moins de postes de magistrats, de greffiers, d'agents pénitentiaires que ce que la trajectoire initialement prévue pour 2025 pouvait laisser espérer. Ce sont autant d'engagements et de promesses reniés !

Que dire aux professionnels du monde de la justice, confrontés, comme c'est le cas dans le département du Loiret, dont je suis élu, à des juridictions fortement sous-dotées ?

Que dire aux personnels des centres pénitentiaires, notamment au regard des engagements pris à la suite du drame d'Incarville ?

J'ai visité, lundi, le centre pénitentiaire d'Orléans-Saran. J'y ai observé l'engagement et le professionnalisme des agents, mais j'y ai aussi entendu leurs inquiétudes et leurs attentes, notamment face au constat que 35 % des détenus ont des pathologies mentales lourdes qui relèvent de la psychiatrie.

Monsieur le garde des sceaux, quel engagement précis pouvez-vous prendre ? Vous engagez-vous à ce que le budget soit rétabli ? Ou avez-vous d'ores et déjà rédigé votre lettre à l'attention du Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/10/2024

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2024

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je suis très sensible à votre question et à votre soutien.

M. Patrick Kanner. Parfait !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Je suis persuadé que je le retrouverai lors de la discussion budgétaire...

M. Patrick Kanner. Complètement !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Vous avez voté une loi d'orientation et de programmation à la suite du constat dressé par les états généraux de la justice, celui d'une justice sinistrée, résultat de trente ans d'abandon et de sous-investissements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est vrai !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Aujourd'hui, notre justice est complètement engorgée à la suite d'une multiplication des dossiers dont elle est saisie. Nos concitoyens expriment leur attente très forte d'une justice qui ait les moyens.

Comme vous l'avez vous-même déclaré, nous consacrons 2 % des dépenses de l'État à la justice. L'effort que nous faisons en direction de la justice est ainsi en deçà de celui de tous les pays qui nous sont comparables. La justice n'est pas encore réparée, et il faut poursuivre l'effort.

La lettre plafond n'était pas acceptable au regard justement des engagements qui avaient été pris en termes d'effectifs et en termes de moyens. Je l'ai dit, et le Premier ministre l'a reconnu, puisque le projet de loi de finances indique que ce budget fera l'objet d'un réajustement. Le Premier ministre s'y est engagé ; je lui fais, bien sûr, toute confiance.

Monsieur le sénateur, vous auriez dû lire la totalité de la phrase que j'ai prononcée : j'ai dit que c'était la lettre plafond qui n'était pas acceptable et qu'en rester à celle-ci me posait effectivement un problème.

Mais nous n'en sommes plus là. Il y a eu un engagement de réajustement à la hausse, ce qui est une bonne chose, et nous sommes en train de discuter avec M. le Premier ministre...

M. le président. Il faut conclure !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. ... pour que cet ajustement nous permette de respecter les engagements qui ont été pris en termes d'effectifs et en termes de moyens pour la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Cédric Chevalier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.

M. Christophe Chaillou. Vous comprendrez, monsieur le garde des sceaux, que notre responsabilité soit d'alerter.

C'est ce que nous avons fait lors de l'examen du budget pour 2024. C'est ce que nous avons fait pour la Nouvelle-Calédonie. C'est ce que nous avons fait lors de la discussion sur le projet de loi Immigration.

Nous serons vigilants quant au respect des propos que vous venez de tenir.

Monsieur le garde des sceaux, nous savons que votre situation est plus qu'inconfortable, y compris face aux surenchères sécuritaires et démagogiques venant de membres du Gouvernement. L'annonce récente d'une nouvelle loi Immigration confirme...

M. le président. Veuillez conclure !

M. Christophe Chaillou. ... que ce gouvernement court après l'extrême droite. (Exclamations et huées sur des travées du groupe Les Républicains.)

Pour notre part, vous comprendrez que nous nous efforcerons de rester fidèles...

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Chaillou. ... aux combats et aux engagements de l'un de vos illustres prédécesseurs, Robert Badinter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER. - Mme Mathilde Ollivier applaudit également.)

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