Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - UMP) publiée le 14/02/2013
M. Christian Cambon attire l'attention de Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme sur les dérives des préparations des plats dans les cuisines des restaurants.
En 2011, le « repas gastronomique français » a été classé au patrimoine mondial immatériel de l'UNESCO. Malheureusement, de nombreux restaurateurs proposent des catégories de cuisine très différentes qui ne respectent pas ces valeurs de la gastronomie française. Il existe donc trois modes de cuisine. Le réchauffage, l'assemblage et la cuisine maison. Le réchauffage consiste à décongeler des produits surgelés, à réchauffer des plats sous vide ou des boites de conserve. L'assemblage permet de servir dans une même assiette des produits qui n'ont pas été cuisinés ou un minimum. Enfin, la cuisine maison respecte les valeurs de repas entièrement confectionnés sur place et basés sur des produits frais. Il est également observé qu'un même restaurant peut utiliser ces différentes catégories selon les plats.
La crise du secteur, avec une baisse des dépenses de 2 % en volume en 2012, ne risque pas de s'améliorer en 2013. De plus, la restauration commerciale devra composer avec un relèvement de sa taxe sur la valeur ajoutée de 7 % à 10 % en 2014. Par conséquent, les difficultés des restaurateurs pourraient profiter aux industriels de l'agroalimentaire puisque la cuisine d'assemblage assure des performances économiques plus élevées.
Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour permettre de valoriser la cuisine faite sur place et le travail des restaurateurs qui s'attachent à maintenir les valeurs de la gastronomie française.
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Réponse du Ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme publiée le 13/03/2013
Réponse apportée en séance publique le 12/03/2013
M. Christian Cambon. Madame la ministre, ma question recoupe en partie celle de mon collègue Alain Gournac : si elle concerne un autre secteur, elle porte sur le même sujet.
Les crises successives que vient de connaître le secteur agroalimentaire incitent de plus en plus les consommateurs à rechercher la transparence sur l'origine, la composition et la qualité gustative des produits qu'ils achètent et consomment, notamment dans les restaurants.
Or, en ces temps de crise économique, nous devons tout faire pour promouvoir la qualité de nos productions alimentaires. L'agroalimentaire représente en effet un secteur de l'économie nationale source d'emplois, de formations pour nos jeunes et de débouchés à l'export.
Dans le département dont je suis l'élu, le marché d'intérêt national de Rungis est la vitrine par excellence de ce savoir-faire français. Cette qualité vient d'être récompensée, puisque le « repas gastronomique des Français » a été classé au patrimoine mondial immatériel de l'humanité par l'UNESCO en 2011.
Néanmoins, ce secteur subit une évolution inquiétante. En effet, pour des raisons pratiques, économiques ou financières, de plus en plus de restaurants proposent des modes de cuisine très différents, qui ne respectent pas totalement les valeurs de la gastronomie française.
En fait, trois modes de cuisine sont pratiqués dans nos restaurants : le réchauffage, l'assemblage et la cuisine « maison ».
Le réchauffage consiste, comme son nom l'indique, à décongeler des produits surgelés, à réchauffer des plats sous vide ou le contenu de boîtes de conserve. Ainsi, sans le savoir, on peut déguster, dans certains restaurants situés sur les bords de la Méditerranée, une soupe de poissons qui n'a rien à voir avec la pêche du jour, mais provient de boîtes de conserve. De même, la traditionnelle tarte des demoiselles Tatin peut avoir été fraîchement décongelée et provenir d'un établissement industriel qui semble détenir une forme de monopole de la fabrication en masse de cette pâtisserie, magnifique lorsqu'elle est bien travaillée.
L'assemblage est une pratique permettant de présenter sur une même assiette des produits qui n'ont pas été élaborés sur place, ou seulement en partie.
Enfin, la cuisine « maison », pour laquelle nombre de nos artisans restaurateurs se battent avec courage, respecte les savoir-faire traditionnels et propose des repas préparés entièrement sur place, à base de produits frais.
Malheureusement, faute de label précis, le consommateur ne s'y retrouve pas et risque de finir par perdre confiance, comme pour le pain.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Christian Cambon. De surcroît, le secteur est en crise : les recettes ont connu une baisse de 2 % en volume en 2012, et la situation ne devrait pas s'améliorer en 2013. En outre, la restauration commerciale devra composer avec un relèvement du taux de la taxe sur la valeur ajoutée de 7 % aujourd'hui à 10 % en 2014. Ces évolutions pourraient profiter aux industriels de l'agroalimentaire et nuire aux restaurateurs pratiquant la cuisine « maison », l'assemblage assurant des performances économiques beaucoup plus élevées.
Pour lutter contre cette tendance, des restaurateurs se mobilisent, à l'instar des artisans boulangers, pour valoriser leurs savoir-faire et leur travail grâce à différents labels.
Ainsi, depuis le mois de février dernier, en région d'Île-de-France, le Centre régional de valorisation et d'innovation agricole et alimentaire a lancé le label « des produits d'ici, cuisinés ici ». Les professionnels signataires de la charte doivent utiliser en priorité des matières premières issues de l'agriculture francilienne, appartenir au secteur de la restauration commerciale traditionnelle et transformer eux-mêmes les produits frais dans la cuisine de leur restaurant. Ce nouveau label régional vient s'ajouter à ceux qui ont déjà été mis en place dans différentes régions par les restaurateurs.
Toutefois, cela n'est guère lisible pour les consommateurs. Par conséquent, ne faudrait-il pas instituer, à l'exemple de la classification hôtelière, un label national validé par l'État pour aider les consommateurs à mieux comprendre la nature des produits qu'ils vont trouver dans leur assiette ?
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour valoriser la cuisine « maison » et le travail des restaurateurs - ce ne sont pas forcément les plus grands -...
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Christian Cambon. ... qui s'attachent à maintenir les valeurs de la gastronomie française ? (M. Alain Gournac applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, valoriser la qualité dans la restauration est l'une de mes priorités.
Dans cet esprit, conformément aux engagements du Président de la République, j'ai établi, avec les organisations représentatives des professionnels du secteur, un bilan de la mise en place du contrat d'avenir dans la restauration. Nous avons constaté que ce dispositif n'avait pas permis de répondre à l'ensemble des attentes.
J'ai donc décidé de définir, en lien avec les organisations professionnelles, une méthode de travail. J'aurai le plaisir d'installer prochainement un comité stratégique de filière pour la restauration. Il travaillera sur les sujets que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, ainsi que sur le dialogue social, les conditions de travail, la modernisation de nos restaurants, la création d'emplois. Nous devons notamment accompagner les professionnels de la restauration dans la réflexion sur la qualité et la transformation des produits.
Une première réponse à vos préoccupations a déjà été apportée par l'État avec la création du titre de maître-restaurateur, qui vise à distinguer les professionnels de la restauration traditionnelle, sur la base d'une qualification professionnelle et du respect d'un cahier des charges très précis, fondé sur une forte exigence de qualité. Ce dernier impose en particulier que la cuisine soit faite sur place, à partir de produits majoritairement frais, sans recourir à des plats préparés. En matière d'accueil des clients, il prévoit la présence d'au moins un personnel de salle titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle « restaurant », d'un titre homologué ou de deux ans d'expérience. Le niveau d'exigence est également élevé pour les aménagements intérieurs, qui doivent être soignés, l'environnement et, bien sûr, l'hygiène.
Malheureusement, nous constatons aujourd'hui que le titre de maître-restaurateur n'a pas rencontré le succès escompté : le 12 novembre dernier, j'ai remis le 2 000ème. Ce chiffre est insuffisant, c'est pourquoi je souhaite que nous puissions travailler à la rénovation de ce titre dans le cadre du comité stratégique de filière, en vue non pas d'abaisser l'exigence de qualité, mais plutôt de simplifier le cahier des charges pour le rendre plus accessible aux professionnels, en particulier aux petits restaurateurs. En effet, ceux-ci peuvent être effrayés par le volume du dossier administratif à compléter pour l'obtention du titre de maître-restaurateur.
C'est là une première piste de travail pour à la fois valoriser le travail des professionnels et rassurer les clients, qui ont évidemment le droit de savoir si les plats qui leur sont servis ont été ou non préparés sur place et d'être informés sur la provenance des produits.
Il s'agit donc d'une problématique globale. La fête de la gastronomie, au mois de septembre prochain, devra permettre aux professionnels de présenter leur savoir-faire, leur excellence et, surtout, leur passion.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Madame la ministre, je vous remercie des informations précises que vous venez de nous apporter sur ce sujet consensuel, notamment au Sénat, qui, en tant qu'assemblée des territoires, entend porter haut les couleurs de notre gastronomie.
M. Jean-Claude Lenoir. Comme au restaurant du Sénat ! (Sourires.)
M. Christian Cambon. Le président Carle nous conseillera peut-être de ne manger que de la raclette : avec ce plat, impossible de tricher ! (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, j'approuve votre approche concernant l'évolution du titre de maître-restaurateur, madame la ministre. Mais si la qualité de la formation des professionnels est une question essentielle, je voudrais surtout insister ici sur l'importance de travailler des produits frais. Trop souvent, il est recouru à l'assemblage d'éléments préconfectionnés, et cela vaut aussi pour des établissements prestigieux ! On constate des choses très surprenantes à cet égard ! A contrario, certains petits restaurants consentent beaucoup d'efforts pour défendre les valeurs de notre gastronomie en cuisinant des produits frais. (M. Alain Gournac acquiesce.)
Sachez, madame la ministre, que toutes les initiatives du Gouvernement visant à promouvoir la gastronomie de notre pays recevront notre assentiment et notre soutien.
M. le président. Mon cher collègue, je vous remercie de cette défense et illustration de la raclette, mais n'oubliez pas la fondue ! (Sourires.)
M. Christian Cambon. On ne peut pas tricher avec la fondue !
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