Question de M. FAVIER Christian (Val-de-Marne - CRC) publiée le 12/07/2012
M. Christian Favier attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur la situation du réseau des caisses d'allocations familiales qui connaît, depuis plusieurs mois, une nette dégradation des conditions d'accueil des allocataires.
Dans de nombreuses caisses, des permanences, des annexes et parfois l'ensemble des structures n'assurent plus l'accueil du public, ni la réception des appels téléphoniques, ni celle du courrier, afin d'assurer le traitement prioritaire du paiement du RSA et des allocations. Loin d'être isolée cette situation s'étend et devient récurrente. Ces derniers mois les caisses de la Loire, de l'Essonne et du Val-de-Marne ont, à nouveau, interrompu l'accueil des allocataires.
Les conseils d'administration font état de difficultés chroniques liées à la diminution des effectifs imposée par la convention d'objectifs et de gestion (COG) signée avec l'État en 2009, alors que la charge de travail s'est considérablement alourdie. Cette situation engendre de nombreuses tensions dans les caisses : d'une part, pour les personnels ayant l'obligation d'effectuer des heures supplémentaires et d'assumer parfois des charges de travail insupportables, et d'autre part, pour les usagers qui voient l'instruction de leurs dossiers et les temps d'attente aux guichets s'allonger. Aussi, la fermeture des accueils entraîne des sentiments de colère et d'exaspération.
Dans ces conditions, il lui demande les dispositions d'urgence qu'elle compte prendre pour attribuer au réseau des CAF les moyens d'assurer la continuité du service public, aujourd'hui mis à mal.
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Réponse du Ministère chargé de la famille publiée le 25/07/2012
Réponse apportée en séance publique le 24/07/2012
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la situation très dégradée du fonctionnement de plusieurs caisses d'allocations familiales.
Cette question, madame la ministre, je l'ai déjà posée au gouvernement précédent, qui n'a pas daigné me répondre. Je sais que vous n'êtes nullement responsable de cette situation. Cependant, vous êtes aujourd'hui en charge de ces politiques publiques et c'est donc naturellement que j'attire votre attention sur la dégradation des conditions d'accueil des allocataires de la branche famille de la sécurité sociale.
En effet, dans de nombreuses caisses, l'ensemble des structures n'assurent plus tous les jours l'accueil du public, ni la réception des appels téléphoniques, ni celle du courrier, au prétexte d'assurer prioritairement le traitement du paiement du revenu de solidarité active, le RSA, et des allocations.
Loin d'être isolée, cette situation semble s'être étendue et devient récurrente. Ainsi, ces derniers mois, les caisses de la Loire, de l'Essonne et du Val-de-Marne ont interrompu l'accueil des allocataires pendant de longues périodes pour résorber le retard pris dans le traitement des dossiers, sans d'ailleurs y parvenir complètement.
Les conseils d'administration des caisses font état de difficultés chroniques liées à la diminution des effectifs imposée par la convention d'objectifs et de gestion signée avec l'État en 2009, alors que la charge de travail s'est considérablement alourdie du fait de la crise.
En effet, il semble que pour faire face à la mise en place du RSA, s'il avait été convenu de recruter 1 200 agents supplémentaires, il était aussi prévu de les supprimer après l'afflux des premiers dossiers d'inscription, comme si, cette période passée, il n'y aurait plus besoin de moyens supplémentaires pour gérer ces nouvelles missions.
D'ores et déjà, il semblerait que 1 000 emplois aient été supprimés.
Cette situation engendre, vous vous en doutez, de nombreuses tensions dans les caisses et le développement d'un sentiment d'exaspération et de colère : d'une part chez les personnels, qui ont l'obligation, dans ces circonstances, d'effectuer des heures supplémentaires et d'assumer parfois de lourdes charges de travail dans un climat de tension ; d'autre part chez les usagers, qui voient l'instruction de leurs dossiers retardée et les temps d'attente aux guichets s'allonger, sans compter les erreurs et les contentieux qui risquent de se multiplier.
Dans ces conditions, je vous demande, madame la ministre, quelles dispositions d'urgence vous comptez prendre pour attribuer au réseau des caisses d'allocations familiales les moyens d'assurer la continuité du service public aujourd'hui mise à mal et d'inscrire dans le cadre de la future convention d'objectifs les moyens nécessaires pour répondre à cet objectif de qualité, au plus près des besoins et des attentes des allocataires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur Favier, vous faites état des problèmes rencontrés par certaines caisses d'allocations familiales et des conséquences qu'ils peuvent avoir sur l'accueil du public.
Je tiens tout d'abord à rappeler la vocation de ces caisses d'allocations familiales, qui ont un rôle essentiel dans l'accueil des allocataires, souvent en grande difficulté. Je suis d'accord avec vous, nous devons permettre à ces structures et aux agents qui les animent d'accomplir leur mission, qui est, comme vous l'avez souligné, une mission de service public.
Depuis 2009, les CAF doivent faire face à une charge de travail accrue, parce qu'elles prennent en charge des missions nouvelles, comme le RSA ou le RSA jeunes, et parce que la crise a accru mécaniquement le volume de demandes qui leur sont adressées. Chaque année, les CAF traitent plus de 80 millions de pièces administratives, reçoivent près de 20 millions de visites et répondent à des millions d'appels téléphoniques.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour rendre hommage aux agents, qui font preuve d'un grand sens du service public pour faire face aux demandes qui leur sont adressées en grand nombre.
Cette charge de travail a contraint certaines CAF à prendre des mesures comme la fermeture temporaire des points d'accueil ou des lignes téléphoniques. Ces mesures, qui ne devaient être qu'exceptionnelles, se sont réitérées depuis 2009, même si, en 2011, elles ont été moins fréquentes que lors des deux années précédentes.
Ces situations ne peuvent nous satisfaire. Elles ne sont pas acceptables pour les usagers qui, le cas échéant, ne peuvent pas accéder à leurs droits dans de bonnes conditions. Elles ne sont pas non plus acceptables pour les agents dont les conditions de travail sont dégradées et qui souffrent de ne pouvoir apporter aux familles l'accompagnement dont elles ont besoin.
Il nous faut trouver des solutions. Pour cela, nous fixerons des exigences et des objectifs, en étroite collaboration avec les acteurs, dont l'expérience est reconnue. C'est tout le sens de la future convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, que nous négocierons dès la rentrée et qui déterminera les moyens mis à la disposition des CAF. Parmi les objectifs que nous fixerons, soyez assuré, monsieur le sénateur, que figureront l'accès aux droits et la qualité du service.
Sans attendre la future convention d'objectifs et de gestion, des mesures ont déjà été mises en uvre pour lutter contre la dégradation des conditions d'accueil dans les CAF.
Tout d'abord, les gestionnaires et le conseil d'administration de la CNAF, où siègent notamment les partenaires sociaux et les associations familiales, ont cherché à apporter des solutions. En particulier, ils ont décidé de mutualiser les plateaux téléphoniques. Cela semble envisageable dans la mesure où, en 2011, les fermetures d'accueils téléphoniques ont baissé, en nombre d'heures, de 70 % par rapport à 2010.
Ensuite, le rapport de l'IGAS sur la convention d'objectifs et de gestion de la période 2009-2012 fera sans nul doute le bilan de l'atelier de régulation des charges, qui permet qu'une CAF puisse aider une autre CAF à traiter ses dossiers. En fonction de ce qu'indiquera ce bilan, nous déciderons s'il faut ou non renforcer cette mesure.
Enfin, ne nous leurrons pas, dans un contexte budgétaire contraint, les solutions sont aussi à chercher du côté de la mutualisation des moyens mis à la disposition des CAF. Elles sont également à rechercher du côté de la simplification des procédures administratives. Un énorme chantier est à mener pour simplifier ces procédures administratives.
J'y tiens tout particulièrement. En effet, c'est non seulement une mesure de bonne gestion, car les agents de la branche famille doivent pouvoir se concentrer sur leur mission d'accueil et d'accompagnement sans avoir à porter la charge de procédures aujourd'hui bien trop lourdes, mais c'est aussi et surtout une mesure d'égalité, dans la mesure où il n'est pas acceptable que certaines familles vulnérables soient découragées d'accéder à leurs droits par une complexité excessive des démarches.
Travailler ensemble, associer les intelligences, promouvoir les bonnes pratiques : c'est ainsi que l'on garantira le bon accueil du public et les bonnes conditions de travail des agents, dans une logique de responsabilité budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, de votre reconnaissance des difficultés rencontrées par les caisses d'allocations familiales et des premières mesures d'urgence que vous entendez prendre pour essayer d'y remédier.
Je voudrais insister sur le fait que la politique de réduction des moyens qui a été systématiquement poursuivie au cours des dernières années a abouti à la dégradation continue du service rendu aux usagers. Ce n'est évidemment pas acceptable. Les fermetures à répétition des caisses d'allocations familiales n'ont pas permis de résorber le retard pris. Dans mon département, le Val-de-Marne, où 76 000 dossiers étaient en souffrance, les trois semaines de fermeture de la caisse d'allocations familiales de Champigny-sur-Marne ont permis le rattrapage de 30 000 dossiers, mais il en reste encore plus de 45 000. Les personnes excédées qui se sont précipitées lors de la réouverture des portes de la caisse d'allocations familiales ont dû attendre des heures et des heures pour faire valoir leurs droits. Ce n'est pas acceptable. Ceux-ci sont pourtant vitaux pour nombre de ces personnes en termes de pouvoir d'achat, qu'il s'agisse du calcul de l'aide personnalisée au logement, l'APL, ou de toute autre mesure.
Je n'accepte pas le discours qui a prévalu jusqu'à présent, visant à stigmatiser en permanence les allocataires pour les traiter de « consommateurs ». Hier, hasard du calendrier, lors de la présentation du rapport d'activité de la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne, le directeur a évoqué les allocataires qui seraient devenus des « consommateurs de service public ». Il n'est pas acceptable de stigmatiser ainsi les usagers et de leur faire porter la responsabilité de difficultés qui sont le résultat d'une politique de réduction du personnel dans le Val-de-Marne - baisse de 4 % des effectifs -, alors que l'activité est en hausse constante, en particulier s'agissant des populations qui rencontrent le plus de difficultés et qui ont le plus besoin d'aide.
Nous ne pouvons pas simplement nous réfugier derrière les plateformes téléphoniques pour obtenir une amélioration. Elles ne sont qu'un élément. Il faut maintenir la possibilité d'un accueil physique des allocataires qui en ont besoin, en particulier de ceux qui doivent être reçus en urgence.
Nous serons extrêmement attentifs à la future convention d'objectifs qui sera passée avec la Caisse nationale des allocations familiales, ainsi qu'aux moyens qui lui seront donnés pour faire en sorte que cette mission de service public essentielle à nos concitoyens soit bien assurée.
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