Question de M. ÉBLÉ Vincent (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 18/01/2012
Question posée en séance publique le 17/01/2012
Concerne le thème : Fiscalité des collectivités territoriales
M. Vincent Eblé. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation particulière des départements mis en difficulté par les réformes fiscales menées par le Gouvernement, au rang desquelles figure la suppression de la taxe professionnelle engagée en 2010.
Leurs conséquences néfastes se font durement sentir pour les départements en grande difficulté, en raison de l'accentuation de l'effet de ciseaux qui pèse sur leurs budgets : les dépenses sociales sous-compensées ne cessent d'augmenter alors que, dans le même temps, les compensations stagnent.
Les esquisses de réponse apportées par le Gouvernement via le développement d'une péréquation horizontale, en particulier pour les DMTO, restent largement insuffisantes. La réforme doit être globale et porter sur le financement complet des allocations individuelles de solidarité, notamment la prise en charge de la dépendance, à laquelle le Gouvernement a renoncé l'été dernier.
Votre réforme fiscale a porté en particulier un coup d'arrêt aux efforts des départements, qui parviennent par leurs actions quotidiennes à maintenir un dynamisme économique et démographique sur leurs territoires, comme c'est le cas de la Seine-et-Marne. Ces départements ont été privés des fruits de leurs efforts et de toute marge de manœuvre fiscale leur permettant une évolution de leur budget. Or leurs charges, elles, continuent à courir.
Auparavant, le département que j'ai l'honneur de représenter bénéficiait d'une augmentation de ses bases d'imposition, qui accompagnaient mécaniquement sa croissance. Ce qui était vrai hier pour la taxe d'habitation, la taxe professionnelle ou la taxe sur le foncier bâti ne l'est plus aujourd'hui, après votre malheureuse réforme.
Désormais, les recettes attribuées aux départements pour compenser leurs pertes ont des montants figés dans le temps, tandis que les nouvelles parts de fiscalité indirectes transférées sont très peu dynamiques, voire en régression. Ainsi, en Seine-et-Marne, la part de taxe sur les conventions d'assurances transférée a diminué de 700 000 euros, soit une baisse de 1,5 %, entre 2010 et 2011.
Enfin, les départements ont vu leur autonomie fiscale fortement amputée, puisqu'ils ne disposent dorénavant de la liberté de voter que sur 16 % de leurs recettes, contre 35 % auparavant. De cette façon, c'est tout l'accompagnement de cette croissance, l'élan de cette dynamique, que votre réforme casse net.
Aussi, monsieur le ministre, je vous le demande : quelles mesures urgentes entendez-vous prendre pour que tous les départements retrouvent les ressources dynamiques qui permettront le développement du beau potentiel démographique et économique qui est le leur ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 18/01/2012
Réponse apportée en séance publique le 17/01/2012
M. Philippe Richert, ministre. Nous sommes, il faut en être bien conscient, dans une période de crise. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué.
M. Alain Le Vern. Vous en êtes responsables !
M. Philippe Richert, ministre. Nous sommes dans une situation qui est particulièrement délicate, aussi bien pour les collectivités et l'État que pour les familles. Vous devriez vous en rendre compte. Il n'est pas possible d'apporter des réponses par un claquement de doigts,...
M. Gérard Le Cam. Commencez par baisser les taxes sur l'essence !
M. Philippe Richert, ministre. ... au travers de dépenses supplémentaires. Aujourd'hui, la réalité nous impose de regarder comment les dépenses consenties peuvent permettre aux collectivités, notamment, de faire face à leurs projets, leurs programmes et, naturellement, à la nécessaire solidarité entre elles.
M. Alain Le Vern. Parlez-en à Mme Bettencourt !
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur Eblé, vous avez raison de dire que les budgets des départements ont subi un effet de ciseaux, qui s'est singulièrement fait sentir en 2009, occasionnant une perte de l'ordre de 2 milliards d'euros en ce qui concerne les DMTO, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure. Mais ces 2 milliards d'euros ont été compensés en 2010 ! En 2011, je tiens à le dire, les recettes perçues au titre des DMTO dépasseront le montant le plus élevé ayant été atteint jusqu'à présent, qui était de 7,4 milliards d'euros. En effet, plus de 8 milliards d'euros seront perçus en 2012 par les départements au titre de l'année 2011.
Par conséquent, si vous nous expliquez qu'il y a des moments de tension budgétaire, caractérisés par des effets de ciseaux, reconnaissez aussi que le montant perçu au titre des DMTO augmente de 3 milliards d'euros en deux ans. Je crois que personne ne peut nier cette réalité.
Le sujet du RSA a été évoqué tout à l'heure, notamment par Mme Bouchoux. Plusieurs évaluations ont été faites. Dans le budget de 2012, un bilan global a été tiré. Ce sont 100 millions d'euros supplémentaires qui ont ainsi été dégagés en faveur du RSA dans le budget 2012 : 55 millions d'euros serviront à combler le déficit constitué par ce qui n'avait pas été payé les années précédentes au titre du RSA, et 45 millions d'euros constitueront une part supplémentaire pour les années qui viennent. Voilà la réalité des chiffres, qui va au-delà des propos que je viens d'entendre.
Mme Christiane Demontès. Selon vous, tout va bien !
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour la réplique.
M. Vincent Eblé. Les départements connaissent la situation de crise, puisqu'ils sont malheureusement l'un des derniers remparts pour lui faire face et permettre la mise en uvre de nos politiques sociales.
Je ne trouve pas dans votre réponse d'éléments revenant sur mes remarques concernant la situation particulière des départements en croissance. En effet, la péréquation que vous avez mise en uvre ne consiste pas, contrairement à ce que faisait avec intelligence et générosité le bon Robin des Bois, à prendre aux territoires riches pour donner aux territoires pauvres. Vous, vous prenez aux territoires en croissance pour donner aux pauvres ! Cela relève d'une logique antiéconomique,...
M. François Grosdidier. Mais non !
M. Vincent Eblé. ... qui détruit la vitalité des territoires et l'intérêt de ces derniers à accompagner les dynamiques économiques et démographiques. (M. Alain Gournac proteste.)
J'ajoute que la conjoncture nous inquiète particulièrement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) En effet, les collectivités ont su maintenir une situation financière relativement saine. Leur besoin de financement ne devrait atteindre que 0,2 % du PIB en 2011, contre près de 4,6 % pour l'État, soit vingt-trois fois plus. Leur part dans la dette publique est restée relativement stable au cours du quinquennat, avoisinant 10 % du montant total (M. Jackie Pierre marque son impatience.), alors que leurs dépenses d'équipements contribuent toujours à plus de 70 % de l'investissement public total.
La perte du triple A, dont la politique de votre gouvernement est largement responsable, aura des conséquences en cascade pour l'ensemble des collectivités qui jusqu'alors étaient bien notées. Elles auront à pâtir de votre mauvaise gestion des comptes publics : voilà la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. - M. Robert Tropeano applaudit également.)
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