Question de M. DESESSARD Jean (Paris - SOC-R) publiée le 19/12/2008
Question posée en séance publique le 18/12/2008
M. Jean Desessard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Elle concerne la régularisation des travailleurs sans papiers, et plus particulièrement la situation des 88 travailleurs intérimaires sans papiers qui sont en grève active, depuis le 3 juillet dernier, devant les locaux de l'agence d'intérim qui les emploie, Man BTP, située dans le Xe arrondissement de Paris.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse rapide à ma lettre du 11 décembre dernier, par laquelle je demandais qu'une solution soit trouvée avant la fin de l'année. Malgré tout, le contenu de votre réponse reste insuffisant eu égard à l'urgence de la situation de ces travailleurs.
Notre regard sur les travailleurs migrants doit changer.
En effet, où est le scandale, où est l'inacceptable, monsieur le ministre ? Réside-t-il dans le fait que ces personnes soient venues en France pour travailler et nourrir leurs familles ? Ou bien dans l'existence de réseaux clandestins, organisés au sein d'un marché du travail underground et qui profitent de la situation de ces travailleurs sans papiers ?
Où est le scandale, où est l'inacceptable, monsieur le ministre ? Est-il le fait de ces travailleurs sans frontières qui abandonnent leur pays pour venir construire nos routes, nos écoles et nos hôpitaux, ou bien celui des boursicoteurs sans frontières qui spéculent et s'enrichissent sans rien produire d'utile pour la société ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la réalité !
M. Jean Desessard. Cessez de considérer ces travailleurs sans papiers comme des délinquants, et regardez leur mouvement de grève comme celui de salariés pareils aux autres, qui se battent pour la reconnaissance et le respect de leurs droits. Ce combat nous concerne tous, car il s'agit de lutter contre le travail au noir et l'exploitation de la clandestinité, à laquelle donne lieu par exemple la réalisation de travaux illégaux, tels que le désamiantage sans protection.
Monsieur le ministre, les critères que vous avez retenus à la suite des mouvements sociaux de travailleurs sans papiers ont permis la régularisation de plus d'un millier de ces derniers. Toutefois, ces critères ne correspondent pas à la situation spécifique des intérimaires.
Pourtant, ces hommes travaillent en France depuis plusieurs années, certains depuis plus de huit ans. Très appréciés des chefs d'équipe, qui reconnaissent la qualité de leur travail et leur savoir-faire, ils sont rappelés régulièrement, car on a besoin d'eux sur les chantiers.
D'ailleurs, les 88 salariés intérimaires que j'ai évoqués détiennent tous aujourd'hui une promesse d'embauche des entreprises Vinci, Eiffage ou Rabot-Dutilleul ou de la société d'intérim Man BTP.
Ma question est simple : monsieur le ministre, êtes-vous prêt à régulariser la situation de ces travailleurs intérimaires avant la fin de l'année ? (« Non ! » sur certaines travées de l'UMP.) Un tel geste du Gouvernement prouverait que l'urgence est bien la lutte contre le travail clandestin, et non la répression des sans-papiers, qui ont osé exposer au grand jour leur situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 19/12/2008
Réponse apportée en séance publique le 18/12/2008
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le sénateur Jean Desessard, je vous remercie d'avoir bien voulu souligner que j'ai répondu à votre courrier non de façon purement formelle, par un simple accusé de réception, mais sur le fond, et ce en moins de six jours.
Vous le savez, sur ce sujet complexe et difficile, l'action du Gouvernement est guidée par un principe simple, lisible, clair et, me semble-t-il, compréhensible : un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf raisons liées à sa situation humanitaire, sanitaire, économique et sociale.
Très concrètement, cela signifie que, sur la base de l'article 40 de la loi de novembre 2007 texte que vous n'avez d'ailleurs qu'assez mollement soutenu (M. Alain Gournac rit) , il est possible de procéder à la régularisation de travailleurs en situation irrégulière, selon des critères eux aussi compréhensibles.
D'abord, ils doivent justifier d'un vrai contrat de travail ; vous y avez fait allusion. Ensuite, leur activité doit relever d'un secteur sous tension, c'est-à-dire où les employeurs sont confrontés à des difficultés de recrutement. Enfin, il faut, cela va de soi, que l'entreprise s'engage à acquitter les taxes dues en cas de recrutement d'un travailleur étranger.
Vous avez évoqué l'importance du phénomène. On nous avait annoncé que 50 000, voire 100 000 dossiers seraient déposés, or il y en a eu, en tout et pour tout, 3 500, qui ont fait l'objet d'un examen au cas par cas ayant débouché sur la régularisation d'un peu plus de 1 000 travailleurs clandestins.
Cela étant, il est vrai que la situation des intérimaires est particulière et mérite donc une attention particulière.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le sénateur, il n'est pas question de régulariser tous les travailleurs du secteur de l'intérim. En effet, certains ne sont employés que quelques heures et n'ont pas de perspective d'intégration.
Vous avez raison, en revanche, de souligner qu'il faut se pencher sur le cas de ceux qui sont réellement en mesure de s'intégrer. Je pense notamment ici aux travailleurs qui bénéficient d'un contrat de mission d'une durée de douze mois, par exemple, ou qui sont employés par des entreprises s'engageant à leur fournir un volume de travail correspondant à un SMIC mensuel. Satisfaire à de tels critères peut permettre une régularisation.
En tout état de cause, si vous souhaitez prendre l'opinion à témoin, je vous conseille de retenir de bons critères !
À cet égard, j'évoquerai deux enquêtes d'opinion : la première, dont les résultats ont été publiés dans Le Parisien et Aujourd'hui en France, montre que 68 % des Français approuvent l'examen des situations au cas par cas ; la seconde, dont a fait état voilà quelques jours le quotidien Métro, indique que 83 % de nos compatriotes considèrent que la lutte contre l'immigration irrégulière est prioritaire ou indispensable.
M. René-Pierre Signé. C'est de la démagogie !
M. Brice Hortefeux, ministre. Cela signifie tout simplement que le Gouvernement répond aux attentes de nos concitoyens, en s'appuyant sur une méthode, la concertation, et un principe, la justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Très bien !
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