Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 03/12/2004
Question posée en séance publique le 02/12/2004
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le Premier ministre, un réseau organisant, moyennant finances, des mariages blancs vient d'être démantelé : de telles mafias, nous en sommes tous d'accord, doivent être sévèrement réprimées.
Cela ne doit pas faire oublier que le Conseil constitutionnel, le 20 novembre 2003, en modifiant l'article 175-2 du code civil tel que prévu par la loi Sarkozy, a considéré « que le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles II et IV de la Déclaration de 1789, s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle par lui-même au mariage de l'intéressé. »
Il a donc annulé, parce que « de nature à dissuader les intéressés de se marier », les dispositions « prévoyant, d'une part, le signalement à l'autorité préfectorale de la situation d'un étranger accomplissant les formalités de mariage sans justifier de la régularité de son séjour et, d'autre part, la transmission au préfet de la décision du procureur de la République de s'opposer à la célébration du mariage. »
Or, en pratique, des procureurs ordonnant une enquête afin de rechercher si un mariage n'est pas envisagé « dans un but autre que l'union matrimoniale », l'intéressé se voit interroger sur sa situation au regard du séjour, et, si elle se révèle irrégulière, placé en garde à vue, puis, la police ayant rendu compte de cette situation à la préfecture, placé en rétention administrative sur le fondement d'un arrêté de reconduite à la frontière.
Cette pratique tourne à l'évidence la loi et outrage le Conseil constitutionnel, la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme.
Monsieur le Premier ministre, par une question écrite du 13 mai, renouvelée le 29 juillet et demeurée sans la moindre réponse, je vous ai exposé qu'une telle pratique devrait donner lieu à sanctions à l'égard des parquetiers, des policiers ou des préfets - je les cite dans l'ordre de la chaîne - qui s'y prêteraient.
Je vous demandais alors, monsieur le Premier ministre, si vous partagiez mon analyse et, si oui, quelles dispositions vous entendiez prendre et quand, et, si non, pourquoi votre sentiment divergeait du mien.
A cette même question, à laquelle il m'est indiqué que c'est M. le ministre de l'intérieur qui va répondre, alors que c'est à vous que je l'avais posée, puisqu'elle concerne plusieurs ministères, vais-je, aujourd'hui, obtenir une réponse digne de ce nom ?
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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 03/12/2004
Réponse apportée en séance publique le 02/12/2004
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le sénateur, si je vous ai bien compris, vos accusations sont aussi graves qu'infondées...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voyez la jurisprudence !
M. René-Pierre Signé. Si elles sont infondées, elles ne sont pas graves !
M. Dominique de Villepin, ministre. ...et mettent en cause non seulement des hauts fonctionnaires et des magistrats, mais aussi des maires.
Sachez que la loi est appliquée sans restriction pour lutter contre la pratique des mariages blancs, qui constituent un détournement inacceptable de l'institution du mariage...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit, mais vous ne m'avez pas écouté !
M. Dominique de Villepin, ministre. ...et un détournement de la légalité républicaine, puisqu'ils visent à faire acquérir, par un biais détourné, la nationalité française.
Les opérations de démantèlement que nous avons menées la semaine dernière à Clermont-Ferrand témoignent de notre totale détermination. Et le fait qu'il a été procédé à quarante-deux interpellations...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. Dominique de Villepin, ministre. ... montre que ces mariages blancs sont loin d'être des cas marginaux. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
Notre mobilisation et notre détermination sont aussi fortes lorsqu'il s'agit de lutter contre l'immigration irrégulière...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas la question !
M. Dominique de Villepin, ministre. ...qui, nous le savons, est en recrudescence.
C'est pourquoi nous voulons nous doter de moyens supplémentaires.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une réponse !
M. Dominique de Villepin, ministre. Le nombre de places dans les centres de rétention administrative a, ainsi, été accru.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas ma question !
M. Dominique de Villepin, ministre. Par ailleurs, ont été créés, dans chaque département, des pôles d'éloignement, dans lesquels seront regroupées les compétences des services administratifs comme de nos forces de sécurité.
Les reconduites aux frontières seront exécutées systématiquement, et avec détermination, quand elles se révéleront nécessaires. Au cours des dix premiers mois de l'année, 13 000 reconduites ont été opérées, et nous nous fixons pour objectif d'en porter le nombre à 20 000 en 2005.
Vous le voyez, monsieur le sénateur : dans cette lutte, il n'y a pas, d'un côté, le coeur, et, de l'autre, la raison ; seul l'esprit de responsabilité prévaut, et le Gouvernement ne manque pas d'en faire preuve. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est scandaleux ! Et la liberté du mariage ?
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