Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 14/05/2004

Question posée en séance publique le 13/05/2004

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre ami Didier Migaud, député socialiste, a posé, mardi dernier, une question d'actualité et c'est M. Bussereau qui lui a répondu ; je pense que ce sera encore le cas ici.

M. Didier Migaud, qui est un grand spécialiste en la matière, a proposé au Gouvernement de remettre en place un mécanisme qui démontre que les socialistes savent être inventifs, monsieur le ministre d'Etat.

M. Eric Doligé. C'est un gag !

M. Dominique Braye. Posez plutôt votre question !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La TIPP flottante, cette taxe intérieure sur la consommation de produits pétroliers, votre gouvernement l'a supprimée illégalement dès 2002, puis légalement en 2003, avant d'augmenter, en 2004, les taxes sur le gazole.

Vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'était là « une vrai question d'actualité ».

M. René-Pierre Signé. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle le reste d'autant plus que le prix du baril de pétrole continue son ascension au moment même où je vous parle. La réponse que vous avez fournie à notre collègue député appelle donc rectifications et nouvelle question.

Notre collègue vous a dit la juste colère de la France d'en bas, dont le pouvoir d'achat a diminué pendant que baissait l'impôt sur le revenu des plus aisés, à le voir amputer encore par cette forte hausse du prix de l'essence, du gazole et du fuel.

Mme Nicole Borvo. Tout augmente et, pour eux, c'est normal !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez répondu que la TIPP flottante, qui diminuait quand le prix du pétrole brut augmentait, était extrêmement coûteuse, ...

M. Dominique Braye. Il ne fallait pas gaspiller les fruits de la croissance !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... car « elle coûtait 200 millions d'euros à notre budget ».

Sans doute avez-vous voulu dire qu'elle empêchait, d'une part, un prélèvement supplémentaire de 200 millions d'euros dans la poche des particuliers et des entreprises, et, d'autre part, une rupture dans la relance de la croissance par la consommation ?

Vous avez répondu aussi à M. Didier Migaud : « Nous sommes en train de repartir dans la croissance. L'emploi va repartir. Le pouvoir d'achat des Français va remonter. »

Mme Nicole Borvo. On l'a vu tout à l'heure !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le ministre des finances vient de reprendre devant nous le même refrain, c'est-à-dire exactement le discours qui était celui du gouvernement Raffarin I, le même que celui du gouvernement Raffarin II, lorsque M. Françis Mer bâtissait le budget pour 2003 sur une hypothèse de croissance de 2,5 % alors que le taux a été en définitive de 0,5 %, en dépit de toutes vos prévisions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Le même Francis Mer, le 2 octobre 2002, toujours dans le cadre des questions d'actualité et à propos de la suppression de la TIPP flottante, avait répondu à notre collègue député socialiste et ami Philippe Vuilque que cette suppression découlait d'un constat et qu'elle n'avait plus lieu de fonctionner, ajoutant : « Il va de soi que cette mesure fera l'objet d'un réexamen et que nous prendrons les dispositions adéquates si, comme nous pouvons le craindre, la conjoncture économique à venir se traduit par une hausse du prix du pétrole. ».

M. Dominique Braye. La question !

M. Paul Raoult. Patience !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez dit avant hier, monsieur le secrétaire d'Etat : « Nous ne rétablirons pas cette TIPP flottante parce qu'elle est inutile. ». Mais vous avez ajouté : « Nous restons attentifs naturellement au prix à la pompe pour nos concitoyens et le Gouvernement prendra les mesures nécessaire. »

M. Gérard Cornu. La question !

M. Dominique Braye. Maintenant, la question !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. D'où la question suivante : quelles mesures et quand ?

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Réponse du Secrétariat d'Etat au budget et à la réforme budgétaire publiée le 14/05/2004

Réponse apportée en séance publique le 13/05/2004

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas une question embarrassante, c'est une bonne question.

M. Raymond Courrière. Il reconnaît quand même que les socialistes posent de bonnes questions.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. D'abord, essayons de voir ensemble pourquoi le pétrole augmente, parce que c'est tout de même le fond du problème.

Premièrement, le pétrole augmente parce que l'OPEP mène actuellement une politique compliquée : l'OPEP a joué sur les cours et demande dans le même temps à ses membres de produire plus, et c'est une première source d'incertitudes.

Deuxièmement, le boom extraordinaire de l'économie américaine, qui, d'ailleurs, profite à l'économie mondiale, fait que la demande américaine est très importante ...

M. Jean-François Picheral. Et de la Chine !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... et entraîne elle-même une hausse du prix du pétrole.

M. René-Pierre Signé. Et troisième point ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. J'y viens, monsieur le sénateur. Troisièmement, l'augmentation de la consommation en Chine est, en effet, un élément important qui pousse les prix du pétrole vers le haut.

Quand M. Jospin, et c'est ce que j'ai répondu à M. Didier Migaud à l'Assemblée nationale, a créé la TIPP flottante, nous étions arrivés à des cours du pétrole qui étaient environ de 10 % plus élevés que ceux d'aujourd'hui. Nous ne sommes donc pas dans la même situation.

Quand on fait le bilan de cette TIPP flottante, on voit qu'elle a coûté beaucoup d'argent au budget de l'Etat - environ 200 millions d'euros en année pleine -, et nous n'avons pas les moyens actuellement de nous offrir cette dépense supplémentaire. Les choses sont claires.

M. Raymond Courrière. Pourtant, il y a la croissance maintenant !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le baril de pétrole était à 40 dollars lundi matin; il était à 37,15 dollars dans l'après-midi même, pour descendre jusqu'à 36 dollars mardi, lorsque j'ai répondu à M. Migaud ; il est aujourd'hui remonté à 40 dollars. Rien ne nous dit ce qu'il sera demain. Le prix du baril peut à nouveau baisser.

M. Claude Estier. Cela ne baisse pas à la pompe !

M. Jacques Mahéas. Cela ne vas pas augmenter le pouvoir d'achat des français.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Mais il peut tout aussi bien augmenter : les cours sont très volatiles.

M. Jacques Mahéas. C'est pour cela que la taxe était flottante.

M. Raymond Courrière. En attendant, on ne fait rien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Donc, rétablir cette TIPP flottante serait inutile...

M. Raymond Courrière. Elle a été efficace !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat.... tant que nous ne connaîtrons pas exactement autour de quel cours s'établit le baril de pétrole.

Enfin, et le groupe socialiste, qui a toujours semblé partager des convictions européennes, devrait le savoir, lorsque le gouvernement Jospin a pris cette mesure, elle a été extraordinairement critiquée par l'ensemble des autres gouvernements européens, notamment par le gouvernement allemand, parce qu'elle était emblématique d'une absence de coordination des politiques économiques européennes.

M. René-Pierre Signé. C'était une excellente mesure !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je vous répondrai donc en trois points.

Premièrement, le Premier ministre et le ministre d'Etat ont souhaité que nous avancions vers un gouvernement économique européen. Décider de manière unilatérale le rétablissement de la TIPP flottante serait aller dans l'autre sens.

Deuxièmement, nous ne sommes pas dans la situation qui était celle du gouvernement Jospin.

M. Jacques Mahéas. Ah oui !

M. Raymond Courrière. Une période de croissance exceptionnelle !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Troisièmement, si les consommateurs devaient éprouver de véritables difficultés, le Gouvernement prendrait les mesures nécessaires, mais le moment n'est pas venu.

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