Question de M. TRÉGOUËT René (Rhône - UMP) publiée le 30/04/2004

Question posée en séance publique le 29/04/2004

M. René Trégouët. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

La France, grâce à l'action volontariste du Gouvernement, a fait un effort considérable en faveur des petites et moyennes entreprises.

Cette détermination à lever les verrous qui entravaient l'initiative économique s'est traduite immédiatement par la création de plus de 200 000 entreprises nouvelles en un an, soit une progression de 16 %.

M. Jacques Mahéas. Croissance sans emploi !

M. René Trégouët. Pour autant, ces chiffres enthousiasmants, s'agissant de l'étape de la création d'entreprises, ne doivent pas faire oublier les difficultés d'une autre nature que peuvent rencontrer ces dernières lorsque leur activité s'essouffle.

Monsieur le ministre, vous avez transmis, voilà quelques semaines, votre projet de loi relatif à la sauvegarde des entreprises au Conseil d'Etat, ayant constaté l'échec des procédures collectives actuelles, qui sont trop lourdes et interviennent trop tardivement.

En effet, à l'heure actuelle, 90 % des sociétés déposant leur bilan sont liquidées à terme, avec les conséquences que cela implique en matière de destruction d'emplois.

Votre projet de loi vise à mieux traiter en amont les difficultés des entreprises. En particulier, il a pour objet de désacraliser la notion juridique de cessation de paiements. Cette dernière intervient en effet systématiquement trop tard pour que l'on puisse travailler au redressement de l'entreprise concernée.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le garde des sceaux, quel calendrier vous entendez suivre pour faire entrer en application ces mesures indispensables et urgentes ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quel est l'état d'avancement de vos réflexions sur les mesures à prendre pour que notre pays sache enfin accorder davantage de considération à l'entrepreneur qui a connu l'échec, surtout dans le cadre des procédures judiciaires consécutives à un dépôt de bilan ?

En effet, chez nos principaux concurrents, en particulier aux Etats-Unis, on a du respect pour ceux qui ont subi ces épreuves, et même on les recherche. En France, que ce soit au sein de l'institution judiciaire, des banques ou même des administrations, on n'a trop souvent que du mépris pour ceux qui ont dû affronter l'échec.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le sénateur.

M. René Trégouët. C'est là un réel gâchis, car des centaines de milliers de personnes ont dû affronter de telles situations, mais en sont sorties plus avisées, plus aguerries. C'est un vrai gaspillage que de les mettre ainsi au ban de la société. Nous voudrions donc, monsieur le ministre, que vous nous livriez vos réflexions sur ce problème.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/04/2004

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2004

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner le fait que les lois de 1984 et de 1985, qui remontent donc maintenant à une vingtaine d'années, ne correspondent plus au contexte économique actuel.

Deux constats permettent de le vérifier.

Premier constat, 90 % des entreprises qui font l'objet d'une procédure collective sont, à terme, liquidées, comme vous l'avez vous-même indiqué. Ce pourcentage est manifestement excessif.

Second constat, 90 % des entreprises qui connaissent ce type de difficultés sont des PME. Il faut donc veiller à ce que le texte à venir soit bien adapté à la dimension de ces entreprises petites et moyennes.

Depuis un an, j'ai engagé une très large concertation avec l'ensemble des responsables économiques de ce pays et des responsables des organisations syndicales. Cette démarche a débouché sur un texte que j'avais rendu public à la fin de l'année dernière et dont le Conseil d'Etat achève actuellement l'examen. En effet, l'assemblée générale du Conseil d'Etat se prononcera le 6 mai prochain.

Le Gouvernement sera alors amené à en délibérer dans les jours qui suivront, et j'espère que vous aurez la possibilité d'en débattre dans les mois à venir, c'est-à-dire avant l'été prochain, au moins pour une première lecture.

M. Claude Estier. Encore un texte à examiner avant l'été !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Quel est l'esprit qui sous-tend ce texte ? Il s'agit de préserver des milliers d'emplois,...

M. Didier Boulaud. On a vu combien d'emplois vous avez préservés ! Vous êtes des spécialistes !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... grâce à des procédures mieux adaptées à la situation réelle de notre économie.

Le texte vise d'abord à permettre aux chefs d'entreprise d'anticiper sur la réalité économique, c'est-à-dire de prendre l'initiative d'une sauvegarde de l'emploi avant même le dépôt de bilan.

M. René-Pierre Signé. Un joli bilan !

M. Didier Boulaud. Vous feriez mieux de parler d'autre chose !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il est donc très important que, avant même qu'intervienne la cessation de paiements, une négociation puisse s'engager avec les créanciers pour mettre l'entreprise en situation de sauvegarde.

Ensuite, le projet de loi tend à permettre de traiter en amont et beaucoup plus rapidement les difficultés.

Enfin, un élément très important et très novateur du texte tient au rôle confié aux créanciers, qui pourront participer à la démarche et s'exprimer par le biais du vote au sein des comités adaptés.

Par ailleurs, monsieur Trégouët, il est en effet essentiel de donner aux chefs d'entreprise la possibilité de rebondir après un échec. Le texte comprendra donc une modification des systèmes de sanction, qui permettra au chef d'entreprise, lorsqu'il y a bonne foi, de pouvoir à nouveau gérer une entreprise.

Il s'agit, par conséquent, d'anticiper, de simplifier et de permettre aux chefs d'entreprise de rebondir : des milliers d'emplois sont à sauver, c'est la raison pour laquelle ce texte a été élaboré.

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