Question de M. PELLETIER Jacques (Aisne - RDSE) publiée le 16/05/2003
Question posée en séance publique le 15/05/2003
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, ma question s'adresse à M. Jean-Paul Delevoye.
Voilà plus de trente-cinq ans que l'Ecole nationale d'administration, l'ENA, fait l'objet d'un débat. Le débat parlementaire de l'automne dernier a d'ailleurs été l'occasion pour certains de nos collègues députés de proposer une solution radicale : la suppression de l'ENA.
Vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré, le 18 février dernier, aux élèves de l'ENA : « Il ne faut pas se le dissimuler, l'ENA vit une période difficile de son histoire ». Vous ajoutiez : « La place, le rôle, l'existence même de l'Ecole sont aujourd'hui en question », avant d'annoncer l'impérieuse nécessité d'engager une « réforme d'envergure ».
Dans ces conditions, le rapport de la commission présidée par Yves-Thibault de Silguy sur la réforme de l'ENA et la formation des hauts fonctionnaires était très attendu.
Ce rapport très récent préconise notamment une mesure de bon sens qui, je crois, recueille un consensus général, à savoir un site unique pour l'ENA. Mais le transfert total de l'école à Strasbourg serait une erreur, tout au moins tant que le TGV ne parviendra pas jusqu'à la capitale alsacienne ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Bien que je sois un fervent décentralisateur, je reconnais que l'ENA est par excellence l'institution qu'il ne fallait pas installer en province. Je ne veux pas faire de peine à nos excellents collègues alsaciens, mais nombre d'enseignants qui font partie des grands corps de l'Etat ne se rendront pas à Strasbourg pour dispenser une ou deux heures de cours par semaine si les conditions de transport restent les mêmes qu'actuellement.
Le rapport recommande également très fortement la suppression du fameux classement de sortie, lequel permet actuellement à une poignée d'élèves d'accéder aux grands corps de l'Etat. Selon Yves-Thibault de Silguy, ce système « irradie toute la scolarité et crée 85 % de frustrés ».
Si le système en vigueur a de nombreux effets pervers, il est toutefois fondé sur le mérite, à la différence de celui que recommande le rapport, qui prévoit que le choix des postes se fasse par une négociation entre l'employeur, c'est-à-dire l'Etat, et l'élève.
Je crains qu'un tel mode de recrutement ne favorise la politisation et ne permette les conditions d'un retour à la cooptation, qui avait été cassée avec succès à la naissance de l'ENA, en 1945.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Enfin, concernant la formation des élèves et des auditeurs étrangers, je regrette que la commission ne propose pas de revenir sur la « fusion très imparfaite » entre l'ENA et l'ex-Institut international d'administration publique, l'ancien IIAP. Je considère cette fusion comme une remise en question de la mission de coopération de notre pays en matière de formation des hauts fonctionnaires étrangers, plus particulièrement de ceux du continent africain.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jacques Pelletier. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez votre sentiment sur les réformes de l'ENA qui sont préconisées.
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Réponse du Ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire publiée le 16/05/2003
Réponse apportée en séance publique le 15/05/2003
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'indiquer que ce débat a été extrêmement passionné au Parlement. Or l'ENA ne mérite ni ce procès injuste ni cet excès de prudence devant ce que l'on appelle une « institution ».
Tout le problème du débat politique en France est posé : on parle chaque fois des structures et des moyens, mais jamais des objectifs. Alors que les départs à la retraite vont être très nombreux dans la fonction publique, alors que nous entrons dans une société de l'intelligence, la performance de l'action politique dépendra directement de l'intelligence administrative avec laquelle elle sera mise en oeuvre.
Nous avons posé à la commission présidée par Yves-Thibault de Silguy la question de savoir de quels outils de formation d'une élite administrative nous devions nous doter pour intégrer la dimension internationale, la dimension européenne, la dimension territoriale, et pour faire en sorte que nos futurs hauts fonctionnaires connaissent aussi la culture de celles et de ceux dont ils auront la charge, à savoir les entreprises et les citoyens. Toutes les propositions qui nous ont été soumises sans engager le Gouvernement, alimentent le débat.
Vous avez évoqué trois pistes, monsieur le sénateur. A l'évidence, je préfère payer des heures d'enseignement plutôt que des heures de transport. Or le budget de l'ENA consacre aujourd'hui un nombre important de millions d'euros à ce poste - et je parle sous le contrôle vigilant de mon collègue chargé du budget (M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire fait un signe d'approbation) -, ce qui me paraît dispendieux. L'accent doit être mis sur l'efficacité de la formation des élèves.
Par ailleurs, nous devons faire en sorte que le diplôme soit validant et reconnu à l'échelon international, afin de rendre possible la mobilité de notre future élite administrative.
Le débat est donc engagé. Nous aurons au mois de septembre l'occasion de vous présenter la réponse que nous entendons donner à ce défi posé à la haute administration française, qui est reconnue dans le monde entier, mais dont l'institution de formation doit évoluer.
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