Question de M. LEROY Philippe (Moselle - UMP) publiée le 27/03/2003

M. Philippe Leroy attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les pouvoirs de police administratifs dévolus aux maires sur le fondement des articles L. 2212-1 et 2 du code général des Collectivités territoriales en matière de tranquillité, salubrité et sécurité publiques. Il souhaiterait qu'il lui précise les limites de ces pouvoirs de police, notamment lorsqu'il s'agit de préserver la santé des habitants des utilisations abusives d'insecticides, de plantations de plants transgéniques ou du survol nocturne des habitations par des avions.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 23/10/2003

La culture des plantes génétiquement modifiées, l'utilisation d'insecticides ou la circulation des aéronefs relèvent de polices spéciales, qui sont de la compétence de l'État. Ainsi, la culture des organismes génétiquement modifiés, et plus particulièrement leur dissémination volontaire dans l'environnement à des fins de recherche et de développement, est soumise, aux termes des articles L. 533-2 et L. 533-3 du code de l'environnement, à une autorisation préalable délivrée par l'autorité administrative après examen des risques que présente cette dissémination pour la santé publique ou pour l'environnement. Les décrets n° 93-1177 du 18 octobre 1993 et n° 96-850 du 20 septembre 1996 relatifs au contrôle de la dissémination volontaire et de la mise ou non sur le marché de produits génétiquement modifiés précisent que cette autorité est le ministre chargé de l'agriculture ou celui chargé de l'environnement. S'agissant des insecticides systémiques, leur utilisation peut être interdite ou limitée par les ministres chargés de l'agriculture et la consommation, dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement, aux termes de l'article L. 253-1 du code rural. Enfin, le survol de certaines zones du territoire français peut être interdit pour des raisons de sécurité publique par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile, ainsi que le précise l'article L. 131-3 du code de l'aviation civile, complété par l'article R. 131-4 du même code. Ces diverses réglementations, qui s'imposent aux maires, ne font pas obstacle cependant à l'exercice du pouvoir de police générale qu'ils détiennent en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivites territoriales. L'exercice d'un pouvoir de police par l'autorité supérieure ne fait en effet pas obstacle à l'intervention locale, et particulièrement du maire, lorsque les circonstances locales justifient qu'une mesure plus restrictive que celle qui vaut sur le plan national soit prise. (Conseil d'Etat, films Lutétia, 18 décembre 1959). Toutefois, comme toute mesure de police, toute restriction dans l'un de ces domaines ne doit être ni générale, ni absolue, mais doit être proportionnée aux risques locaux pour la santé publique. S'agissant de l'application par les maires du principe de précaution, dans le cadre d'arrêtés d'interdiction dans des domaines concernant l'environnement, la légalité de ces arrêtés ne semble pas encore retenue clairement par les juges administratifs. Ce principe est défini à l'article L. 110-1 du code de l'environnement comme le principe " selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ". Dans une ordonnance rendue le 22 octobre 2002, le tribunal administratif de Poitiers a considéré qu'" une interdiction par un maire de la culture en plein champ de toute espèce végétale génétiquement modifiée sur l'ensemble du territoire de la commune pour toute l'année constitue un usage du pouvoir de police disproportionné à ce qui est nécessaire au maintien de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques,.... nonobstant le principe de précaution.... et... alors que le maire n'établit l'existence d'aucun danger potentiel clairement identifié qui menacerait réellement soit les habitants soit les cultures de la commune ". Les juges du tribunal administratif de Rennes dans leur jugement du 28 novembre 2001 " préfet Ille-et-Vilaine c/commune de Chasne-sur-Illet " avaient considéré au contraire que le principe de précaution ne peut être mis en oeuvre que " par l'autorité qui a compétence pour intervenir, et seule l'autorité investie du pouvoir d'accorder l'autorisation est compétente pour suspendre ou retirer une telle autorisation ".

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