Question de Mme CERISIER-ben GUIGA Monique (Français établis hors de France - SOC) publiée le 20/02/2003
Mme Monique Cerisier-ben Guiga appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation au regard de la nationalité française des " métis " d'Afrique occidentale et sur leur descendants et sur l'application du décret du 5 septembre 1930 par les tribunaux d'instance chargés de la délivrance des certificats de nationalité française. En effet, selon la loi du 28 juillet 1960, les " métis " font partie des personnes ayant conservé la nationalité française de plein droit à condition d'avoir obtenu une décision judiciaire précisant l'origine européenne de l'un des parents, conformément au décret du 5 septembre 1930. L'article 1 de ce décret prévoit que " tout individu né sur le territoire de l'Afrique occidentale française de parents dont l'un, demeuré légalement inconnu, est présumé d'origine française ou d'origine étrangère de souche européenne pourra obtenir, conformément aux dispositions du présent décret, la reconnaissance de la qualité de Français ". Or, plusieurs décisions de refus de délivrance émanant du tribunal d'instance, compétent pour les Français établis hors de France, sont motivées par le fait qu'en application de ce décret ces personnes devaient êtres nées " de parents dont l'un, demeuré légalement inconnu, était présumé d'origine française ". Le tribunal a donc exclu la qualité de Français aux personnes nées de parents dont l'un demeuré légalement inconnu, d'origine étrangère de souche européenne, et fait une interprétation restrictive du décret du 5 septembre 1930. Les personnes s'étant fait notifier une telle décision par leur consulat ont perdu la nationalité française, à tort, alors qu'elles en avaient le plus souvent la possession d'état. Elle lui demande de rappeler aux tribunaux d'instance, et plus particulièrement au tribunal compétent en matière de nationalité pour les Français établis hors de France, une interprétation complète et juste de l'ensemble des lois et règlements applicable en matière de nationalité. Elle lui demande que les certificats de nationalité française soient délivrés aux personnes concernées par cette application de la loi du 28 juillet 1960 et du décret du 5 septembre 1930.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/06/2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il est particulièrement sensible à la situation, au regard du droit français de la nationalité, des personnes originaires des anciens territoires sous souveraineté française. La nationalité des personnes issues de ces territoires qui ont accédé à l'indépendance postérieurement à la naissance des intéressés nécessite une analyse approfondie puisque doit être d'une part établie la nationalité française avant l'indépendance du territoire concerné, puis vérifiée d'autre part la conservation de la nationalité française à la suite de l'indépendance. S'agissant plus particulièrement des personnes nées et domiciliées dans les anciens territoires d'Afrique occidentale et d'Afrique équatoriale françaises, les conséquences, sur leur nationalité, de l'accession à l'indépendance de ces territoires ont été organisées par la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960 et se trouvent actuellement régies par le chapitre VII du titre Ier bis du livre Ier du code civil. L'idée du législateur de 1960 a été de faire une distinction fondée sur l'origine entre les personnes dont la nationalité française ne pouvait être conservée que selon une procédure dite de reconnaissance de la nationalité française par déclaration, soumise à certaines conditions dont celle d'un établissement du domicile en France, et celles à qui la nationalité française était maintenue de plein droit. A cet égard, l'article 32 du code civil énonce que " les Français originaires du territoire de la République française, tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française, ont conservé la nationalité française. Il en est de même des conjoints, des veufs ou veuves et des descendants desdites personnes ". Si le fait, pour une personne métisse, de s'être vu conférer la qualité de citoyen français par une décision judiciaire prise en application du décret du 5 septembre 1930 atteste incontestablement de sa nationalité française antérieurement à l'indépendance du territoire d'outre-mer concerné, une telle décision ne permet cependant pas de justifier systématiquement de la conservation de la nationalité française. En effet, s'il est bien admis que doivent être assimilées aux originaires du territoire de la République française les personnes métisses ayant fait l'objet d'une décision judiciaire leur reconnaissant la qualité de citoyen français comme nées de parents dont l'un, demeuré légalement inconnu, était présumé d'origine française ou de souche européenne, c'est à la condition qu'il ne résulte pas de cette décision ou d'autres éléments que le parent demeuré légalement inconnu était présumé étranger. Aussi, dès lors que cette présomption d'origine étrangère se trouve expressément mentionnée dans le jugement, c'est à juste titre que les greffiers en chef des tribunaux d'instance compétents en matière de nationalité opposent un refus de délivrance de certificat de nationalité française à la personne concernée ou ses descendants. Ce faisant ils ne font pas une interprétation restrictive du décret du 5 septembre 1930, comme le soutient l'honorable parlementaire, mais une juste et stricte application des dispositions de l'article 32 du code civil, l'origine étrangère présumée du parent demeuré légalement inconnu empêchant de considérer son enfant comme un originaire du territoire de la République française. Il y a lieu toutefois de préciser qu'en cas de refus de délivrance de certificat les personnes qui présentent des éléments de possession d'état de Français depuis au moins dix années peuvent régulariser leur situation au regard de la nationalité en souscrivant la déclaration acquisitive de nationalité française prévue par l'article 21-13 du code civil. Cette procédure, aux termes des dispositions dudit article, préserve les droits acquis sous l'empire de la nationalité française apparente, notamment les droits à pension ou au maintien d'un emploi dans la fonction publique.
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