Question de M. PELCHAT Michel (Essonne - RI) publiée le 22/06/2000
M. Michel Pelchat souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur le douloureux problème des mines antipersonnel. Le déminage est un objectif majeur pour la communauté internationale dans laquelle la France doit jouer un rôle, non seulement en raison de sa tradition humanitaire, mais aussi en raison d'un savoir-faire unanimement reconnu. Pourtant, dans ce domaine, la France n'a pas été en mesure de jouer le rôle qui aurait dû être le sien, sur le plan européen comme à l'échelle internationale. Par exemple, pour un pays comme le Cambodge où seulement 148 kilomètres carrés sur plus de 1 000 kilomètres carrés ont été déminés, la part de la France dans ce déminage insuffisant a malheureusement été, jusqu'à présent, beaucoup trop faible. En effet, en France, faute de référence, il n'y a pratiquement pas de sociétés de déminage sur le terrain. En matière de développement d'équipements, il n'y a pas de stratégies nationales, pas de financements dédiés (les financements français en matière d'aide étant réservés dans les " pots communs " des Nations Unies ou de la Communauté européenne), pas d'instance de coordination des quelques industriels ou laboratoires maîtrisant les technologies utilisables. En conséquence, il lui demande quelles mesures il pourrait envisager afin de fédérer l'ensemble des acteurs français compétents en matière de déminage humanitaire, qu'il s'agisse d'organismes gouvernementaux, d'organisations humanitaires, d'industriels ou de spécialistes du déminage, afin de proposer un dispositif français cohérent de coopération internationale susceptible de bénéficier des soutiens et des financements européens et d'aider utilement au déminage de pays amis comme le Cambodge.
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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 11/10/2000
Réponse apportée en séance publique le 10/10/2000
M. le président. La parole est à M. Pelchat, auteur de la question n° 858, adressée à M. le ministre
de la défense.
M. Michel Pelchat. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne le douloureux problème des
mines antipersonnel.
Vous le savez, sur le plan technique, la lutte contre une centaine de millions de mines antipersonnel
disséminées à travers le monde pose un problème dramatique car la difficulté réside, non pas dans la
destruction des mines, mais dans le repérage des champs de mines.
Or le déminage est un objectif majeur pour la communauté internationale, auquel la France s'associe.
Elle doit jouer un rôle, non seulement en raison de sa tradition humanitaire, mais aussi en raison d'un
savoir-faire unanimement reconnu.
Pourtant, dans ce domaine, la France n'a pas été en mesure de jouer le rôle qui aurait dû être le sien,
tant sur le plan européen qu'à l'échelle internationale.
Je dis « le rôle qui aurait dû être le sien » en matière de déminage humanitaire pour trois raisons.
Premièrement, l'armée française dispose d'une expertise unanimement reconnue, qui est mise à
disposition des pays concernés à travers l'activité de la COFRACE, cette entreprise dont la vocation
est de servir d'interface entre la « clientèle » civile et internationale et notre secteur militaire.
Deuxièmement, le principal industriel français de l'armement terrestre, l'entreprise publique
GIAT-Industrie dispose d'une expérience qui pourrait se révéler précieuse.
Enfin, troisièmement, le ministère des affaires étrangères joue un rôle moteur dans la compétition
internationale visant à lutter contre les mines antipersonnel, notamment en participant au financement
d'opérations de déminage en liaison avec le ministère de la défense.
Ainsi, dans un pays ami comme le Cambodge, qui ne pourra être reconstruit tant qu'il ne sera pas
débarrassé de ces armes infernales et meurtrières, aujourd'hui, seuls 148 kilomètres carrés, sur plus
de 1 000 kilomètres carrés concernés, ont été déminés. Et la part de la France dans ce déminage
insuffisant a malheureusement été, jusqu'à présent, beaucoup trop faible. Le savoir-faire de la France
n'est pas suffisamment exploité, monsieur le secrétaire d'Etat.
Faute de référence, il n'y a pratiquement pas de sociétés de déminage sur le terrain. En matière de
développement d'équipements, il n'y a pas de stratégie nationale, pas de financement dédié - les
financements français en matière d'aide sont versés dans les « pots communs » des Nations unies
ou de la Communauté européenne - et pas d'instance de coordination des quelques industriels ou
laboratoires maîtrisant les technologies utilisables.
A l'appui de ces propos, je tiens à noter une observation de la Commission nationale pour l'élimination
des mines antipersonnel, la CNEMA, qui, dans son premier rapport, qui a été remis au Premier
ministre le 13 septembre dernier, indique, à la page 82 que « la France n'apparaît pas dans le peloton
de tête des contributeurs aux actions internationales multilatérales, comme en témoigne, par
exemple, sa contribution générale à l'UNMAS, le service d'action antimines des Nations unies, qui est
deux fois moins importante que celle de la Belgique ou de l'Espagne et trois fois moins importante
que celle de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne », avant de conclure qu' « une réflexion
d'ensemble doit être menée sur ce sujet ». Enfin, à la page 89 de son rapport, la commission
souligne que « la France est en retrait par rapport au rôle que son expérience et ses capacités lui
permettraient de tenir au sein de la communauté internationale ».
En conséquence, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures pourriez-vous envisager afin de
fédérer l'ensemble des acteurs français compétents en matière de déminage humanitaire, qu'il
s'agisse d'organismes gouvernementaux, d'organisations humanitaires, d'industriels ou de
spécialistes du déminage, afin de proposer un dispositif français cohérent de coopération
internationale susceptible de bénéficier des soutiens et des financements européens et d'aider
utilement au déminage de pays amis comme le Cambodge, dont je viens d'évoquer la situation et qui
nous lance un appel pressant ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur
le sénateur, vous évoquez un sujet grave : la sauvegarde de la vie de milliers d'hommes, de femmes
et d'enfants. Mais votre jugement à l'égard de la politique de la France - je dis bien : « la politique de
la France » - dans le domaine des mines antipersonnel me paraît un peu sévère.
Je vous prie tout d'abord d'excuser M. Alain Richard, qui ne peut vous répondre personnellement, car
il participe, à Londres, à la réunion des ministres de la défense de l'Union européenne. Il m'a
demandé de vous faire connaître son sentiment sur la question que vous lui avez posée.
La France joue un rôle particulièrement actif dans le domaine de la lutte contre les mines
antipersonnel. Sur la scène internationale comme sur le plan national, elle a montré sa détermination
à lutter contre ce fléau. Elle a même été l'un des tout premiers pays à donner l'exemple et n'a cessé,
au cours de ces dernières années, de prendre des initiatives en ce sens.
Comme vous le soulignez à juste titre, tous les efforts de la communauté internationale doivent
désormais tendre vers le déminage et l'assistance aux victimes. A cet égard, l'action de la France
s'est particulièrement concentrée, au cours des dernières années, sur les pays les plus affectés, où
les mines antipersonnel constituent un obstacle au retour à la vie normale après une période de
conflit, tels que le Cambodge, l'Angola, le Laos, le Mozambique, la Bosnie-Herzégovine, le Nicaragua
et l'Afghanistan.
Le financement de la France en faveur du déminage sur la période 1995-1999 a été de 250 millions de
francs, hors recherche. Depuis 1995, près de 65 millions de francs ont été consacrés à des
opérations de déminage humanitaire. A ce montant, vient s'ajouter la quote-part versée par la France
aux programmes mis en oeuvre par l'Union européenne.
Pour la période 1995-1999, la part de la contribution française dans les programmes financés par la
Commission s'élève à plus de 170 millions de francs, auxquels s'ajoutent 15 millions de francs
débloqués dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.
Par ailleurs, et vous le savez fort bien, monsieur le sénateur, les démineurs militaires français ont
participé depuis longtemps à de nombreuses opérations d'assistance au déminage en faveur des
pays affectés. Le surcoût « opérations extérieures », hors transport, est estimé à 439 millions de
francs courants sur les dix dernières années.
Ainsi, la contribution globale apportée par notre pays est significative.
Elle peut, certes, encore être améliorée - tel est l'objet de votre question - et c'est dans cet esprit qu'a
récemment été mis en place un nouvel instrument souple et pluriannuel de financement des
opérations de déminage et d'assistance aux victimes des mines, d'un montant de 20 millions de
francs, qui permettra notamment de soutenir plus efficacement l'action des organisations non
gouvernementales dans ce domaine.
Par ailleurs, comme l'a récemment rappelé le Premier ministre, la France s'est engagée à renforcer la
coordination de son action contre les mines afin d'en accroître l'efficacité. Ainsi, la loi du 8 juillet 1998
a créé une commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, qui assure non
seulement le suivi de l'application de cette loi et de l'action internationale de la France en matière
d'assistance aux victimes des mines antipersonnel et d'aide au déminage, mais aussi une
coordination des différents ministères.
Cette coordination doit permettre de mettre au point un plan d'action destiné à aider les Etats qui,
faute de moyens techniques et financiers, ne peuvent détruire eux-mêmes les mines présentes sur
leur territoire. Pour les pays les moins avancés, ces actions pourraient s'inscrire dans le cadre des
plans bilatéraux de coopération.
Un ambassadeur itinérant a également été nommé ; il est chargé de l'action de la France en matière
de déminage et d'assistance aux victimes.
En matière de formation au déminage, l'action internationale de la France sera renforcée, en raison de
l'expérience et de la compétence de son armée, vous l'avez indiqué, dans le domaine de l'enlèvement
des explosifs. A cette fin, le ministère de la défense favorisera l'accès de l'Ecole supérieure et
d'application du génie, l'ESAG, d'Angers aux stagiaires étrangers ainsi qu'aux organisations non
gouvernementales.
Afin de réaliser un état des lieux précis de la situation des zones minées dans le monde, la France
encourage la mise en place rapide d'une banque de données mondiale, qui pourrait être placée sous
l'égide du secrétariat général des Nations unies. Notre pays a apporté un concours actif à cette
initiative en communiquant notamment les données qui sont détenues par le centre d'expertise sur
les mines de l'ESAG d'Angers.
L'action de la France sera également conduite par la volonté de développer un partenariat renforcé
avec les gouvernements des principaux pays concernés. Elle s'attachera à leur apporter une
assistance systématique dans la la mise en place de plans nationaux de déminage et de structures
locales permettant d'assurer le suivi et la pérennité des opérations. La France organisera ainsi, en
coordination avec le Canada et l'Organisation de l'unité africaine, en février prochain à Bamako, un
séminaire panafricain. Cet exercice nous offrira l'occasion de recenser les besoins d'un continent
durement frappé par les mines antipersonnel et d'évaluer les actions concrètes d'assistance requises.
On ne peut donc pas dire que la France est absente en ce domaine. Certes, on peut toujours
améliorer une situation - c'est le sens de votre intervention - mais on ne peut pas dire que notre pays
se désintéresse de cette question ; ses initiatives sur le plan international l'attestent.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'avoir fait part au ministre de votre préoccupation.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, qui appelle de ma
part trois observations.
Vous avez fait référence à la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel ; c'est
précisément au premier rapport de cette commission, qui a été remis à votre gouvernement, que je
me suis référé pour montrer non pas l'absence totale, bien entendu, mais la faiblesse de la
contribution de la France.
A aucun moment, vous n'avez cité les compétences de l'industrie française ; je pense notamment à
GIAT Industrie, notre société d'armement terrestre, dont toutes les compétences ne sont pas
exploitées, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui offre, si j'ose dire, une « mine » de possibilités dans
le domaine du déminage, précisément.
Je me félicite de votre engagement à élaborer des partenariats. Vous avez cité l'Afrique, continent
particulièrement concerné par le problème qui nous occupe. Mais je vous rappelle l'appel pressant
que lancent aujourd'hui à la France nos amis cambodgiens, qui veulent pouvoir favoriser le
développement économique nécessaire au redémarrage de leur pays. Mais, sur plus de 1 000
kilomètres carrés fortement minés de leur territoire, seulement 148 kilomètres carrés ont été déminés
par les instances internationales ! La France pourrait jouer un rôle tout à fait déterminant dans ce
pays aussi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Je ne manquerai ni de prendre
connaissance du prochain rapport de la CNEMA, qui, je l'espère, placera la France en meilleure
position, ni de prendre contact avec l'ambassadeur dont vous m'avez signalé la nomination.
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