Question de M. GRUILLOT Georges (Doubs - RPR) publiée le 12/11/1998

M. Georges Gruillot appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les conséquences des délocalisations industrielles. Ces décisions, outre leur effet immédiat sur l'emploi, relèvent généralement d'une stratégie du groupe profitant au pays d'accueil de l'entreprise délocalisée qui propose des aides que la réglementation européenne nous interdit. Il le remercie de lui préciser les mesures qu'il entend énoncer pour réduire les risques de délocalisations et permettre à notre pays de s'affranchir de certaines contraintes communautaires ou à tout le moins de prétendre à des dispositions plus souples.

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Transmise au ministère : Industrie


Réponse du ministère : Industrie publiée le 28/01/1999

Réponse. - La question posée évoque les conséquences des délocalisations industrielles. La globalisation de l'économie, la compétition internationale, l'internationalisation croissante des groupes les poussent à investir hors de leur pays d'origine. Dans ce cadre, certaines entreprises ont pu être amenées à délocaliser leurs activités, c'est-à-dire à fermer un site de production localisé sur notre territoire afin de le " relocaliser " dans un autre pays. Le stock des investissements français à l'étranger a presque triplé de 1989 à 1997 et atteignait fin 1997 plus de 1 200 milliards de francs. La France se situe d'après l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) au quatrième rang des pays investisseurs à l'étranger derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon. La concentration géographique de ces investissements est très forte. Sur la période 1992-1996, les pays développés ont accueilli 85 % de nos investissements directs, l'Union européenne à elle seule représentant 58 %. Si l'investissement dans les pays de l'OCDE s'est accru, c'est parce que les entreprises françaises ont engagé et consolidé des stratégies mondiales. Ces investissements ne peuvent donc être présentés comme des délocalisations, les transferts éventuels étant plus que compensés par l'accroissement de l'activité. La délocalisation, à proprement parler, concerne les pays à bas coût de main-d' uvre. L'attraction que ces pays exercent peut paraître très importante à certaines périodes et encourager les industries à fort coefficient de main-d' uvre à y délocaliser des activités de sous-traitance. Un tel mouvement a incontestablement avantagé les pays du Maghreb au début des années 80. Cependant, l'avantage de compétitivité tenant à des coûts de main-d' uvre bas n'est ni automatique ni durable. Deux exemples peuvent l'illustrer : le textile marocain a largement été redéployé vers l'Europe centrale et orientale au début des années 90 ; Singapour, qui a construit son développement économique sur les industries de main-d' uvre, notamment dans l'électronique grand public, délocalise les activités de ce secteur à fort coefficient de main-d' uvre vers la Malaisie et la Thaïlande, pour conserver les activités à forte valeur ajoutée. Les pays et les secteurs de délocalisation sont connus. Dans le cas de la France, il s'agit des biens de consommation à fort contenu en main d' uvre : textile-habillement, cuir-chaussures, jouet, bijouterie, petit mobilier, électronique grand public. Ces transferts ne génèrent que peu d'importations en retour sauf dans l'habillement-cuir. Les pays concernés sont traditionnellement ceux du Bassin méditerranéen. Globalement, les secteurs ayant perdu le plus d'emplois en France au cours de la dernière décennie sont des secteurs où la demande mondiale a ralenti ou qui ont été l'objet d'importants investissements de productivité. Les études réalisées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) montrent que le commerce international ne joue qu'un rôle limité dans l'évolution de l'emploi en France. Plusieurs types de réponses sont apportées par le Gouvernement à ces enjeux. Tout d'abord, sur le plan intérieur, une politique favorable à la compétitivité de nos entreprises vient renforcer l'attractivité du territoire et favoriser l'exportation. Les politiques en faveur de l'emploi peu qualifié permettent également de diminuer les coûts d'ajustement. Les politiques d'innovation et de développement de la qualité doivent permettre de créer des emplois qualifiés à forte valeur ajoutée peu sensibles au phénomène de délocalisation. Au sein de l'Union européenne, avec le Danemark, à l'occasion du cas Hoover, le Gouvernement a appelé l'attention du Conseil sur les risques de délocalisation purement opportuniste induits par les aides régionales des Etats membres et les fonds structurels. Il faut se féliciter que la Commission ait d'ores et déjà pris des dispositions de nature à entraver ce phénomène, avec en particulier la réduction de la disparité des taux d'aides entre les différentes régions de l'Union, une sélectivité plus grande des fonds structurels et des fonds de cohésion, et enfin un contrôle des aides fiscales à la localisation. Enfin, le Gouvernement porte la plus grande attention à ce que l'ouverture de notre marché soit l'objet de symétrie des Etats non-membres de l'Union européenne. Cette position est systématiquement défendue avec les autres pays de l'Union européenne au sein de l'Organisation mondiale du commerce et lorsque c'est nécessaire au niveau bilatéral.

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