Question de M. CABANEL Guy-Pierre (Isère - RDSE) publiée le 15/10/1998
M. Guy Cabanel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les difficultés que rencontrent les services d'archives départementales, notamment dans l'Isère, en l'absence de renouvellement des postes scientifiques et de documentation mis à la disposition de ces institutions culturelles par l'Etat. Les établissements concernés remplissent, dans ces conditions devenues difficiles, les missions de collecte, de conservation et de documentation qui leur sont confiées. Les personnels spécialement formés pour exercer ces activités dont le développement ne cesse de croître sont aujourd'hui en nombre insuffisant et ne parviennent plus à gérer efficacement les services dont ils ont la charge. S'il était difficile de procéder à une affectation de fonctionnaires de l'Etat, il serait en revanche envisageable d'opérer un transfert des crédits correspondant aux vacances d'emplois par le biais de la dotation générale de décentralisation. Il convient de préciser qu'une telle solution avait déjà été adoptée afin de mettre un terme aux difficultés analogues que rencontraient les bibliothèques départementales. Aussi, il lui demande de lui indiquer par quels moyens elle pense remédier à ces situations, et de bien vouloir lui faire connaître son opinion sur l'opportunité de renouveler une solution d'ores et déjà expérimentée.
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Réponse du ministère : Culture publiée le 28/10/1998
Réponse apportée en séance publique le 27/10/1998
M. Guy Cabanel. Madame la ministre, j'ai souhaité vous interroger aujourd'hui sur les difficultés actuellement
rencontrées par certains services d'archives départementales.
En effet, dans ces établissements, qui sont des services départementaux, les personnels scientifiques et de
documentation sont nommés par votre ministère et payés par l'Etat, bien que mis à disposition du président du Conseil
général. Or ces postes scientifiques et de documentation, une fois vacants, ne sont pas régulièrement pourvus par
l'Etat. Il en résulte que les missions de collecte, de conservation et de documentation de certains de ces services sont
assurées dans des conditions devenues malaisées, par un personnel toujours plus réduit.
Je peux citer ici l'exemple de mon département. En Isère, sur les six postes mis à disposition par l'Etat, seuls trois
sont réellement pourvus, dont deux à mi-temps. En effet, depuis une dizaine d'années, l'effectif théorique des
personnels scientifiques et de documentation des archives départementales de l'Isère comprenait trois conservateurs
d'archives et trois documentalistes. Aujourd'hui, deux postes de conservateur sont pourvus, dont l'un à mi-temps, et un
seul poste de documentaliste est occupé par une personne en cessation progressive d'activité et travaillant à mi-temps.
Des difficultés de même nature sont signalées dans d'autres départements de la région Rhône-Alpes.
Je n'ignore pas les problèmes de recrutement. C'est ainsi qu'en juillet 1998 ne sont sortis de l'Ecole nationale du
patrimoine que cinq conservateurs d'archives pour une vingtaine de postes à vacance déclarée.
Il me semble, madame la ministre, que devant une telle situation la solution qui a été précédemment adoptée pour les
bibliothèques départementales pourrait être ici également utilisée. Il s'agit d'opérer un transfert des crédits
correspondant aux vacances d'emplois, par le biais de la dotation générale de décentralisation. Appliquée aux services
d'archives départementales, cette opération permettrait aux départements de pourvoir directement les postes vacants.
C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir me faire connaître vos intentions concernant ce
problème et les mesures que vous envisagez de prendre pour améliorer les conditions de fonctionnement des services
d'archives départementales.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, j'étudie à l'heure
actuelle le problème posé par les archives nationales et départementales.
La crise qu'ont connue cet été les Archives nationales n'est pas totalement résolue. J'ai chargé M. Bélaval de rédiger un
rapport relatif à l'évolution de cette situation difficile et aux réponses à y apporter. L'intervention de l'Etat, en particulier
sa responsabilité vis-à-vis des archives départementales et des conseils généraux, qui sont directement concernés, est
également visée.
Je suis donc très attentive à la situation des effectifs de l'Etat dans l'ensemble des services départementaux, car
l'exemple que vous donnez est particulièrement révélateur d'une situation qui, malheureusement, touche d'autres
départements.
De nombreux postes sont publiés à échéance régulière dans les avis de vacances diffusés aux membres des corps
scientifiques et de documentation concernés.
Dans le cas de l'Isère, la procédure a été appliquée et renouvelée à différentes reprises et continuera de l'être. Afin
d'encourager d'autres candidatures, l'expérience a même été tentée, en septembre dernier, de déclarer la vacance d'un
poste de secrétaire de documentation qui se serait substitué à l'emploi existant de chargé d'études documentaires, et
ce afin de ne pas dégrader le service public des archives départementales.
Par ailleurs, je puis vous annoncer qu'un concours national sera organisé en 1999, afin de procéder au remplacement
d'agents partis à la retraite dans les corps de documentation de catégorie A et B. Dans ce contexte, un examen de la
situation des services départementaux d'archives sera bien entendu à nouveau engagé.
En revanche, l'utilisation de la dotation générale de décentralisation ne me paraît pas, à première vue, pouvoir être
retenue en l'état : cette dotation, en effet, n'est pas destinée à recueillir les crédits correspondant aux emplois d'agents
de l'Etat concernés, la mise à disposition de ceux-ci, aux termes de l'article 66 modifié de la loi du 22 juillet 1993, ne
constituant qu'une faculté laissée à l'Etat. La réflexion doit donc être poursuivie sur ce point.
En tout cas, je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir évoqué cette possibilité, car nous devons à la fois
réexaminer le problème des postes mis à disposition, dans la mesure où les services d'archives départementales
manquent de personnel, et améliorer la décentralisation en ce domaine. Je travaillais hier avec le directeur de
l'administration générale du ministère et nous avons évoqué ce point particulièrement préoccupant.
J'aurai certainement d'autres éléments de réponse à vous apporter après la publication du rapport de M. Bélaval et
après examen, y compris avec mes collègues, du devenir de ces personnels et du rôle des départements en vue d'une
organisation correcte du service public, qui relève plus directement de leur responsabilité, mais qui engage par ailleurs
l'Etat, dont je ne me désolidarise pas du tout.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Madame « la » ministre - cette expression est aujourd'hui entrée dans les moeurs ! - je vous
remercie de votre réponse si détaillée et très claire. Cependant, je formulerai deux remarques.
Je comprends parfaitement que le mécanisme d'intervention que je vous ai proposé dans l'urgence, c'est-à-dire
l'utilisation de la dotation générale de décentralisation, ne puisse pas être mis en oeuvre sans une réflexion plus
approfondie. Il s'agit de postes d'Etat. Je reconnais que les services départementaux rencontreraient des difficultés à
procéder à des nominations, à moins d'utiliser les fonds pour opérer une sorte d'intérim en attendant que soit réglé le
problème des nominations suivant les critères d'Etat. Je comprends donc vos réticences.
Permettez-moi cependant d'insister et de vous demander de réfléchir, car cette situation ne peut perdurer.
Que les Archives nationales donnent lieu à une mission d'investigation, c'est une bonne chose. Mais je ne voudrais pas
que le problème des archives départementales dépende trop des solutions qui seront trouvées pour les Archives
nationales.
J'attire votre attention sur le fait que, dans certains départements, les archives départementales ont pris une importance
considérable.
J'en reviens au cas de l'Isère.
Nous avons subi, comme tout le monde, une profonde mutation industrielle dans les années quatre-vingt. Nous avons vu
disparaître la métallurgie lourde et la chaudronnerie lourde, qui étaient destinées à fournir le matériel pour les barrages
hydroélectriques. Nous avons pu développer ensuite, heureusement, d'autres industries plus fines, plus technologiques,
qui nous ont permis d'éviter de trop graves conséquences pour la région.
Nous possédons de très riches archives qu'il faut maintenant saisir. Il y a non seulement le courant des archives d'un
département qui a un passé historique, à travers le Dauphiné, mais encore ces archives récentes de la société
industrielle que nous ne pouvons pas laisser se dégrader.
Très franchement, le cri d'alarme que je lance en effet appelle une suite. Vous avez proposé que la réflexion se
poursuive : poursuivons-la sans trop attendre. Il nous faut trouver des solutions.
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