Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 19/02/1998
M. Emmanuel Hamel attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur l'article paru à la page 71 du numéro 1322 (17 janvier 1998) du magazine Le Point dans lequel le journaliste auteur de l'article précité estime que, " parce que nous ignorons encore à peu près tout des conséquences d'un éventuel clonage sur le plan psychique, sociologique, économique, juridique ou même tout simplement médical, il est évident (qu'il convient) de l'interdire en l'état actuel des choses "par exemple pour cinq ou dix ans". Mais vouloir tout décider dès aujourd'hui, a priori pour tout le monde et pour l'éternité relève d'une passion moralisatrice tout aussi fantasmatique et inquiétante que les idéologies qu'elle entend condamner. " Il lui demande quelle est sa réaction face à ces propos.
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Réponse du ministère : Santé publiée le 09/07/1998
Réponse. - En février 1997, au lendemain de la publication des travaux des chercheurs écossais relatifs au clonage réussi d'une brebis et de la légitime émotion que cette annonce provoqua dans l'opinion publique, le Président de la République a demandé au Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) de procéder à une analyse complète du dispositif normatif français en la matière. Le comité devait également proposer, le cas échéant, les adaptations nécessaires pour éviter tout risque d'utilisation sur l'homme des techniques de clonage. Avant même de s'interroger sur les conséquences éventuellement néfastes du clonage " sur le plan psychique, sociologique, économique, juridique ou même simplement médical ", le CCNE, dans sa réponse rendue d'avril 1997, pose d'emblée le principe d'une interdiction inconditionnelle du clonage reproductif humain. Celui-ci en effet aboutirait au remplacement dans l'espèce humaine de la " procréation " par " une méthode de reproduction " et constituerait ainsi, sur le plan biologique, symbolique et philosophique, une rupture considérable portant gravement atteinte à la dignité de la personne. Une telle tentative de reproduction à l'identique d'êtres humains dont le génome dépendrait non plus de la " loterie de l'hérédité " mais d'une volonté extérieure irait à l'encontre de l'indispensable indétermination originaire ainsi que d'autres traits fondamentaux de la personne. Toutefois, le CCNE a bien précisé que l'interdiction du clonage ne concernait pas le clonage de cellules déjà couramment utilisé et qui a abouti à d'importantes applications dans le domaine de la recherche, du diagnostic et des traitements. Par ailleurs, le CCNE a considéré que le dispositif créé par les lois du 29 juillet 1994 s'était déjà engagé dans un processus de prohibition du clonage reproductif de l'être humain. Les garanties qu'apporte le dispositif législatif actuel contre ce genre de dérive scientifique reposent sur les éléments suivants : d'une part, le clonage entre dans le champ de la prohibition édictée par l'article 16-4 du code civil, de toute transformation apportée aux caractéristiques génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne ; d'autre part, parmi les principes fondamentaux contenus dans les articles 16 et suivants du code civil, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, qui a été consacré par le juge constitutionnel, ne saurait être compatible avec la possibilité du clonage humain ; enfin, les dispositions du code de la santé publique relatives à l'assistance médicale à la procréation sont incompatibles avec des techniques de clonage qui d'ailleurs ne sauraient constituer une méthode " procréative " ; il en est de même des règles encadrant les études sur l'embryon et prohibant toute recherche et expérimentation. Toutefois, à des fins pédagogiques, le CCNE, compte tenu de l'absence dans la loi française d'une mention expresse de l'interdiction du clonage reproductif humain, s'est montré favorable à une clarification du code de la santé publique sur ce point. Ainsi, dans son avis, le CCNE rappelle que le législateur français s'est d'ores et déjà, même indirectement, prononcé contre le clonage de l'être humain. La révision de la loi dite de bioéthique du 29 juillet 1994, qui doit intervenir en 1999, offrira probablement une nouvelle occasion de débattre au fond de la question du clonage et au législateur l'occasion de préciser ses intentions à ce sujet. En tout état de cause, le gouvernement français, partageant les positions du CCNE, n'a pas hésité, au cours des derniers mois, à affirmer au sein de diverses instances internationales sa volonté de voir interdire le clonage reproductif d'êtres humains. Il a ainsi obtenu de nombreuses prises de position contre le clonage tant dans le cadre du conseil européen d'Amsterdam et du G 8 de Denver en 1996 que du Conseil de l'Europe avec l'adoption, dès janvier 1998 d'un protocole additionnel à la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine portant interdiction du clonage reproductif humain et enfin avec l'adoption le 11 novembre 1997 de la déclaration universelle sur le génome humain de l'UNESCO incluant un point sur l'interdiction du clonage.
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