Question de M. SÉRUSCLAT Franck (Rhône - SOC) publiée le 16/12/1997
M. Franck Sérusclat souhaite interroger Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire sur la question des rythmes scolaires. Il aimerait savoir ce que recouvre exactement ce terme : s'agit-il du temps passé par l'enfant à l'école dans une journée ou dans une semaine, du rythme annuel temps scolaire/vacances, du rythme propre de l'enfant, qui est nécessaire à l'émergence de sa personnalité, avec prise en compte des activités dites périscolaires ? Il lui demande si, dans une perspective de modification des rythmes scolaires, il ne serait pas souhaitable d'agir sur ces différents paramètres à la fois ? S'il ne convient pas de repenser le temps scolaire hebdomadaire, des expériences telle la semaine de quatre jours s'avérant être un échec pour l'équilibre de la plupart des enfants (et arrangeant essentiellement quelques parents aisés) ? S'il ne convient pas de réorganiser la journée scolaire trop longue en aménagement le déroulement de ses activités ? Enfin, au cours d'une telle modification des rythmes scolaires, il lui demande s'il ne serait pas utile de prendre en compte l'émergence des nouvelles techniques d'information et de communication à l'école et d'y adapter les rythmes en imaginant des lieux et temps d'accès en libre-service, pour une familiarisation souple, ainsi qu'en aménageant des séances interdisciplinaires et de travaux de groupes ?
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Réponse du ministère : Enseignement scolaire publiée le 21/01/1998
Réponse apportée en séance publique le 20/01/1998
M. Franck Sérusclat. Madame la ministre, vous avez engagé, je le sais, de nombreux chantiers, importants et
diversifiés, qui marqueront, selon moi, l'évolution scolaire de façon durable. Aussi ai-je quelques scrupules à prendre de
votre temps pour évoquer les rythmes scolaires.
Il me semble cependant qu'il y aurait aujourd'hui une réflexion à mener sur les rythmes scolaires, mais il conviendrait
auparavant de bien définir le sujet sur lequel porterait cette réflexion.
En effet, la notion de rythmes scolaires porte sur trois grands secteurs.
Il s'agit d'abord des rythmes annuels. Nous vivons encore sous la conception de Jules Ferry, alors que la France était
essentiellement rurale. Les options qui ont été prises alors garantissaient aux enfants la possibilité de travailler au moment
de la moisson et des vendanges. On a également tenu compte à cette époque des fêtes religieuses car, si Jules Ferry
voulait arracher l'enseignement à la religion, il n'était pas hostile aux manifestations de celles-ci.
Aujourd'hui, une discussion est engagée sur ce rythme annuel. Le monde du tourisme tient à conserver la répartition
actuelle pour des raisons commerciales. Le monde des enseignants y tient aussi, et l'on peut dire que l'existence de
vacances importantes en cours ou en fin d'année est justifiée dans la mesure où les enseignants, et plus particulièrement les
professeurs des écoles, sont soumis à de multiples difficultés, en tout cas à des atteintes psychologiques, quand ce n'est
pas à des manifestations de violence.
Est-ce à cet aspect des choses que vous pensez quand vous parlez des rythmes scolaires ?
D'un autre côté, il serait peut-être intéressant d'envisager une conception de la vie scolaire calquée sur la vie civile.
Tous les conseillers municipaux savent combien il est difficile de faire coïncider l'annualité budgétaire avec le découpage
en années scolaires.
En d'autres pays d'Europe, l'articulation en deux semestres répartie sur l'année civile est fréquente.
J'en viens au rythme de la semaine.
Pendant de longues années, le jeudi fut jour de repos ; on est passé au mercredi. Le samedi est devenu une demi-journée
de repos, tout au moins pour la formation des enseignants. Petit à petit, le travail a été supprimé le samedi pour
harmoniser le travail scolaire avec la vie des salariés, la plupart d'entre eux disposant du samedi et du dimanche comme
jours de repos.
Aujourd'hui, dans certains endroits, on envisage la semaine de quatre jours, pour une semaine de quatre jours et demi
ailleurs.
En l'occurrence, il faut tenir compte de la capacité d'attention et d'éveil de l'enfant. La fraction de temps scolaire ne doit
pas être longue au point que l'enfant, trop fatigué, n'en profite pratiquement pas pour apprendre quelque chose.
En ce domaine particulier, des décisions ministérielles seraient nécessaires, pour organiser la semaine sur quatre jours et
demi, par exemple : lundi, mardi, mercredi matin, jeudi et vendredi ; cette solution me semble la plus équilibrée.
Enfin, il y a les rythmes du temps périscolaire. Autrefois, quand il y avait des devoirs, ce temps était utilisé par l'étude
surveillée. Or, en principe, il n'y a plus de devoirs, le temps périscolaire pourrait donc être organisé de façon à offrir à
l'enfant des activités dans lesquelles il trouve des centres d'intérêts originaux en relation avec l'activité scolaire. Cela fait
l'objet d'une expérience à Saint-Fons - expérience au sujet de laquelle je vous ai envoyé quelques documents, madame la
ministre - mais aussi à Epinal : toutes deux montrent que l'on peut donner ainsi à l'enfant des chances de trouver un secteur
d'activités dans lequel il a envie d'exceller. De retour à l'école, il apprend peut-être plus facilement à lire.
Voilà l'essentiel des points sur lesquels je souhaitais vous interroger et recueillir des précisions quant à vos propres
réflexions. J'y attache, en effet, beaucoup d'importance étant donné les initiatives que vous avez prises depuis que vous
êtes en charge de ce secteur, initiatives qui me paraissent toutes bienvenues.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie
de votre question. Il s'agit d'un sujet que vous connaissez parfaitement, et je ne suis pas certaine que ma réponse aura
autant de densité et de richesse que le propos que vous venez de tenir.
Les expériences que vous avez menées à Saint-Fons vous ont permis de saisir toute la portée de l'aménagement des
rythmes scolaires, et vous avez fort bien souligné combien le problème était complexe, à la mesure de la complexité même
de l'enfant. Le problème est complexe aussi parce qu'il faut prendre en compte l'ensemble de la journée de l'enfant : à la
fois ce qui se passe à l'intérieur de l'école et ce qui se passe en marge de l'école, c'est-à-dire les activités périscolaires.
Selon les spécialistes des « biorythmes », même s'ils ne sont pas tous d'accord entre eux, certaines heures sont plus
propices à l'apprentissage des savoirs et d'autres aux activités culturelles, sportives ou éducatives complémentaires.
Nous avons repris ce chantier à bras-le-corps, en liaison très étroite avec le ministère de la jeunesse et des sports et celui
de la culture. Aux conflits sur le terrain entre ces deux ministères, j'essaie de substituer un travail en commun, de manière
que les efforts des uns et des autres puissent converger.
Plusieurs réunions se sont déjà tenues au ministère de l'éducation nationale en vue d'une définition commune des objectifs
que l'Etat doit viser pour que les moyens publics soient utilisés au mieux, même si une certaine liberté d'action doit être
permise sur le terrain.
Un débat, par exemple, s'est engagé sur l'opportunité d'un développement de la semaine de quatre jours. Mon souci, à
cet égard, est de laisser une relative liberté aux initiatives locales, tout en faisant remarquer que ce n'est pas
nécessairement la meilleure solution pour les enfants.
Je me préoccupe plutôt de l'assouplissement de l'emploi du temps à l'intérieur de la journée, d'une meilleure harmonisation
de la semaine et d'une réflexion sur les rythmes scolaires durant l'année, tendant à une régularisation de l'écart entre les
différentes vacances scolaires, ainsi que de l'occupation des enfants pendant celles-ci.
Le dispositif sur lequel nous réfléchissons sera bientôt prêt. Bien entendu, les parlementaires et, au premier chef, ceux qui,
comme vous, monsieur Sérusclat, sont en quelque sorte des spécialistes de cette question seront consultés.
Il s'agirait de mettre en place une sorte de modèle de contrat local d'éducation. Ce modèle indiquera les grandes lignes de
ce que l'éducation nationale souhaite, dans l'intérêt des enfants. Il sera suivi d'un appel à projets dans l'ensemble des
départements. Ainsi, nous ferons remonter les propositions des écoles qui veulent aller de l'avant en la matière.
Les emplois-jeunes dans les écoles primaires permettent déjà d'accélérer l'aménagement des rythmes scolaires dans
certains établissements.
Je suis également soucieuse d'associer les collèges à cet aménagement parce que des besoins intenses sont exprimés par
les élèves, les parents et la communauté éducative des collèges. La nouvelle organisation instituée ici ou là à l'école
primaire doit pouvoir s'appliquer aussi au collège, où les élèves sont également confrontés à une certaine lourdeur de la
charge de travail.
Tel est, monsieur le sénateur, l'état actuel de notre réflexion sur ce sujet.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je vous remercie, madame la ministre, de cet exposé, même s'il n'apporte pas d'indication précise
sur l'issue des travaux qui sont actuellement menés.
Permettez-moi de formuler une observation.
A mon sens, l'Etat ne doit pas laisser une trop grande liberté locale d'organisation des rythmes scolaires. En effet, il arrive
que les enfants d'une même famille fréquentent des écoles différentes ; si les rythmes scolaires observés dans ces
différentes écoles sont sensiblement différents, l'organisation de la vie de famille devient très difficile, voire impossible.
Il faudrait donc que, au terme des discussions qui sont ou vont être menées, une décision équilibrée soit prise au niveau
national, de façon que les familles ne rencontrent pas des problèmes insurmontables dans l'organisation de leurs vacances
ou de leur vie en général.
J'attends avec impatience les résultats des discussions sur le point qui me paraît le plus important, à savoir la répartition
annuelle des temps de vacances. La durée des grandes vacances d'été a été réduite, et c'est une bonne chose. J'ai en effet
vécu une époque où l'on cessait toute activité scolaire entre le 1er juillet et le 1er octobre : beaucoup d'élèves oubliaient
ce qu'ils avaient appris, parfois avec beaucoup de difficultés, durant l'année scolaire.
En tout cas, je vous remercie, madame la ministre, de l'intérêt que vous portez à cette question, que je continuerai de
suivre avec beaucoup d'attention.
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