Question de M. CABANEL Guy-Pierre (Isère - RDSE) publiée le 22/11/1996
Question posée en séance publique le 21/11/1996
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Madame le ministre, vous allez me répondre, au nom de M. le ministre du travail et des affaires
sociales, sur un problème particulièrement difficile.
Au mois de juillet dernier, M. le Président de la République a rendu publique la décision du Gouvernement d'interdire
l'utilisation, dans les matériaux de construction, de produits à base d'amiante.
Cette décision est tout à fait salutaire : elle était attendue par de nombreux scientifiques à travers la France ; elle était aussi
attendue, je crois, par les professionnels du bâtiment eux-mêmes qui considéraient qu'il y avait là une aventure difficile à
continuer à vivre, celle des années soixante où tant de bâtiments ont connu le flocage à l'amiante.
Toutefois, l'application de cette décision à la fabrication, au commerce de l'amiante-ciment et même à l'industrie de
l'automobile va poser d'importants et difficiles problèmes.
Ma question est en quelque sorte à choix multiple.
Tout d'abord, le choix, par le Gouvernement, des laboratoires destinés à donner des résultats fiables en ce qui concerne la
teneur en fibres d'amiante par litre d'atmosphère a-t-il pu être réalisé dans de bonnes conditions et, si possible, combien
de laboratoires, tout en étant fiables, ont-ils reçu l'agrément pour conduire ces expertises ?
Ensuite, le Gouvernement, compte tenu du choix des techniques de désamiantage, c'est-à-dire soit le déflocage, soit
l'encapsulage des foyers d'amiante, a-t-il, là aussi, arrêté des modalités d'agrément et commencé à accorder son agrément
aux entreprises qui auront à conduire ces opérations à hauts risques ?
M. François Trucy. Très bien !
M. Guy Cabanel. Enfin, quelle sera l'attitude du Gouvernement vis-à-vis de ceux qui produisent des matériaux à
l'amiante ? Ils ont appris que la production de ceux-ci allait être interdite à partir du 1er janvier 1997, ce qui n'est pas sans
difficulté et sans incidence sur l'emploi dans certaines régions. De surcroît, les grossistes et les commerçants en matériaux
de construction qui incluent de l'amiante devront cesser leurs ventes et détruire leurs stocks. Comment vont-ils les détruire
et qui va prendre en compte les incidences sur les bilans financiers des entreprises ? (Très bien ! Sur les travées des
Républicains et Indépendants.)
A ces quatre questions, je voudrais en ajouter une cinquième, relative à l'industrie automobile.
M. le président. Monsieur Cabanel, cela fait beaucoup de questions.
M. Guy Cabanel. J'en termine, monsieur le président, soyez rassuré, en posant une dernière question : a-t-on vraiment
l'intention d'interdire la vente de véhicules qui comporteraient, comme c'est le cas jusqu'à présent, des composants riches
en amiante, ou même tout simplement, à terme, la revente des véhicules d'occasion, qui en comptent de grandes quantités
?
Telles sont les questions que je souhaitais poser. Madame le ministre, ce dossier constitue pour le ministre que vous
représentez aujourd'hui une lourde charge. Les commerçants, les responsables de la conduite de chantiers et tous les
professionnels concernés nous posent de nombreuses questions. Nous voudrions pouvoir leur apporter des réponses
claires, et leur indiquer des méthodes de raisonnement, ainsi que les moyens d'accéder à des informations pratiques.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 22/11/1996
Réponse apportée en séance publique le 21/11/1996
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Comme vous venez de le rappeler, monsieur le sénateur,
le Gouvernement s'est attaqué très rapidement, dès le mois de juin 1995, à ce fléau de l'amiante. Il a tout de suite confié à
l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, une mission d'étude sur les dangers de l'amiante, et il
a mis en place, en décembre 1995, un plan global d'action pour améliorer la prévention des risques et renforcer la sécurité
des personnes.
Le lendemain de la publication, le 3 juillet 1996, du rapport de l'INSERM - vous faisiez état tout à l'heure de la
déclaration de M. le Président de la République - le Gouvernement a décidé d'interdire, à compter du 1er janvier 1997, la
fabrication et la mise sur le marché de tous les produits contenant de l'amiante.
M. Raymond Courrière. Et l'évacuation de Jussieu ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Le plan global d'action que j'ai évoqué doit évidemment
prendre en compte l'ensemble des dangers que peut représenter l'amiante, mais son application concerne évidemment
plusieurs ministères et différents organismes.
En ce qui concerne les conditions d'agrément des laboratoires d'expertise devant déterminer le nombre de fibres
d'amiante par litre d'atmosphère et la certification des entreprises habilitées à intervenir, des procédures de contrôle, dès
la publication des décrets, ont été mises en oeuvre. Donc, des procédures de contrôle seront certifiées par des
organismes spécialisés. QUALIBAT est d'ores et déjà en mesure d'assurer cette certification ; d'autres organismes
pourront être mis en place. J'ajoute qu'une garantie complémentaire sera offerte par une accréditation de ces organismes
par la COFRAC.
Aujourd'hui, trente-trois entreprises ont déposé des dossiers : à titre d'information, deux sont déjà agréées et huit sont en
cours d'agrément.
S'agissant des entreprises spécialisées, une liste de laboratoires agréés a été publiée, comme vous devez le savoir, par
arrêté du 28 mai 1996. Je ne vous en donnerai pas la lecture, mais nous pourrons vous communiquer cette liste ou vous
pourrez vous référer vous-même à cet arrêté pour en avoir le détail.
En ce qui concerne les déchets issus de l'amiante libre - ceux que vous évoquiez à l'instant, monsieur Cabanel - compte
tenu des recommandations qui ont été faites à un certain nombre d'entreprises, nous disposons aujourd'hui de onze
installations de stockage. A compter du 1er janvier 1997, tous les stocks d'amiante devront être retirés du marché et ne
pourront être exportés. Ils seront orientés vers des filières de gestion des déchets.
Sur ce point, Mme le ministre de l'environnement précisera dans une circulaire qui devrait paraître avant la fin de l'année
les mesures à prendre pour l'élimination des déchets d'amiante-ciment. Par ailleurs, une circulaire a déjà été publiée en
août 1996 au sujet des déchets domestiques.
J'ajoute, pour répondre à votre préoccupation, monsieur Cabanel, que le ministère du travail a dûment mandaté les
inspecteurs du travail pour qu'ils effectuent des opérations de contrôle sur le terrain. L'inspection du travail peut d'ailleurs
prendre des mesures d'arrêt de chantier. Ainsi, vingt-six arrêts de chantier ont eu lieu en août et en septembre derniers.
Au fur et à mesure, nous essayons donc de prendre toutes les mesures nécessaires. Dès à présent, elles sont effectives et
opérationnelles sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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