Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 14/03/1996
M. Michel Dreyfus-Schmidt rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, qu'en tant que sénateur il est à l'origine de l'article 803 du code de procédure pénale ainsi rédigé depuis la loi no 93-2 du 4 janvier 1993 : " Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de prendre la fuite. " Or, dans la pratique rien n'a changé et toute personne " escortée " continue, comme avant, à être systématiquement menottée ou entravée, ce qui est proprement scandaleux, particulièrement lorsqu'il s'agit de gardé à vue ou de détenu provisoire bénéficiant en tant que tel d'une présomption d'innocence bien souvent confirmée ensuite et au surplus bien noté et bien considéré. D'où vient que ce qui devrait être l'exception reste la règle ? Sans doute de la circulaire générale dans laquelle on lit : " Qu'il appartient aux fonctionnaires ou aux militaires de l'escorte d'apprécier, compte tenu des circonstances de l'affaire, de l'âge et des renseignements recueillis sur la personne escortée, la réalité des risques qui justifient seuls, selon la volonté du législateur, le port des menottes ou des entraves. " Or " les fonctionnaires ou militaires de l'escorte " le plus souvent ignorent tant le dossier que la personnalité de la personne escortée et n'ont pas forcément les qualités requises pour porter l'appréciation attendue d'eux, pas plus que la force d'âme pour prendre la responsabilité de ne pas menotter ou entraver l'intéressé. Il doit à l'évidence revenir au procureur de la République ou au juge d'instruction, selon les cas, de décider, en les motivant par écrit, des exceptions à la règle. Il lui demande de modifier en conséquence la circulaire générale dont il s'agit.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 28/11/1996
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que la publicité donnée par les médias à l'image d'une personne faisant l'objet d'une enquête ou poursuivie en justice constitue certainement une atteinte dommageable au principe de la présomption d'innocence ; cette atteinte est d'autant plus grave que l'intéressé est entravé ou porte des menottes. Ainsi que le rappelle l'honorable parlementaire, c'est notamment cette raison qui a conduit la représentation nationale à adopter les dispositions de l'article 803 du code de procédure pénale, qui tendent à lier le port des menottes aux risques de fuite ou au danger que l'intéressé présente pour les autres ou pour lui-même. Naturellement, des raisons d'efficacité conduisent à laisser en dernier lieu aux chefs de l'escorte, qui répondent de la bonne exécution des missions qui leur sont confiées, le soin d'apprécier les risques encourus. En effet, ils sont les seuls à même de pouvoir évaluer au regard des conditions matérielles du transfèrement les nécessités de sécurité et de tirer les conséquences, par exemple, des changements d'attitude de l'intéressé, des circonstances particulières de temps et de lieu dans lesquelles s'effectue l'escorte ou de la présence de tiers. Pour autant, cette évaluation n'est pas abandonnée à la discrétion des fonctionnaires de police ou des militaires de la gendarmerie. Elle est effectuée en regard des critères définis par le législateur mais aussi des instructions données par les circulaires prises en application de l'article 803 du code de procédure pénale et, le cas échéant, par les chefs de parquet. Tout d'abord, la circulaire du 1er mars 1993 a pris soin d'énumérer, à titre d'exemple, un certain nombre de personnes qui ne sont pas susceptibles de présenter les risques prévus par la loi telles que celles qui se sont constituées prisonnières, celles dont l'âge ou l'état de santé réduisent la capacité de mouvement ou encore les personnes condamnées à une courte peine d'emprisonnement. Par ailleurs, la circulaire du 9 mars 1994 a complété ces instructions. D'une part, elle a précisé la conduite à tenir lorsque l'escorte n'est pas assurée par le service qui a effectué l'enquête. Les enquêteurs ont été invités à faire connaître, par écrit dans la mesure du possible, aux fonctionnaires auxquels la personne est remise pour les périodes de repos et de transfert s'il paraissait nécessaire d'astreindre la personne gardée à vue au port des menottes ou entraves. D'autre part, la circulaire a invité les procureurs de la République, en concertation avec les représentants des services de police judiciaire et de gendarmerie, à apporter, à travers de nouvelles instructions, des solutions, aux difficultés qui pourraient se poser dans leur ressort. Les circulaires du 1er mars 1993 et du 9 mars 1994 adressées aux procureurs de la République et aux procureurs généraux par la chancellerie offrent un juste équilibre entre les impératifs de sécurité et le respect des personnes. L'honorable parlementaire peut être assuré que les services de la chancellerie comme les autorités judiciaires locales veillent au maintien de cet équilibre.
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