Question de M. MATHIEU François (Loire - UC) publiée le 05/12/1991
M. François Mathieu appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie et au commerce extérieur sur l'extraordinaire événement que constituent les deux secondes de fusion contrôlées, qui ont eu lieu pour la première fois le 9 novembre dernier au coeur du réacteur européen J.E.T. (Joint European Taurus) d'Oxford, qui représente un pas décisif dans la recherche d'une nouvelle énergie pratiquement inépuisable. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les initiatives que le Gouvernement français a prises pour proposer à nos partenaires européens dans cet important programme que la France puisse accueillir la future machine mondiale à fusion qui nécessitera plusieurs sites répartis dans le monde. Il lui rappelle que le directeur du programme J.E.T. est un Français et que notre pays s'honorerait à s'impliquer totalement dans ce programme révolutionnaire qui, s'il ne connaîtra pas de retombées immédiates, peut représenter un atout considérable pour l'avenir à moyen terme dans la recherche des énergies futures.
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Réponse du ministère : Industrie publiée le 27/02/1992
Réponse. - Le programme communautaire de recherche sur la fusion thermonucléaire comprend trois étapes. La première, J.E.T. (Joint European Torus), est une machine expérimentale implantée à Culham au Royaume-Uni et destinée à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la fusion. La deuxième étape, Next Step, vise à la réalisation d'un réacteur expérimental capable de produire une énergie de l'ordre de 1000 MW thermiques par combustion contrôlée d'un plasma de deutérium-tritium durant au moins 2 000 secondes. Enfin, la troisième étape consistera en la construction d'un réacteur préindustriel de démonstration appelé Demo. Le programme J.E.T., dont l'installation est dirigée par le Français Paul-Henry Rebut, doit s'achever en 1992, mais il sera prolongé jusqu'en 1996, afin notamment d'introduire du tritium dans le plasma. Cette opération aura pour but d'étudier le phénomène d'autoproduction de combustible par bombardement de neutrons issus du tritium sur une couverture du plasma elle-même tritigène. Dans cet esprit, une expérimentation a été tentée avec succès le 9 novembre 1991. Une très faible quantité de tritium a été introduite dans le plasma afin de vérifier les hypothèses tirées des précédentes expériences. La réaction thermonucléaire ainsi obtenue durant deux secondes a provoqué un dégagement non négligeable d'énergie de l'ordre de 2 Mw de puissance. La réussite de cette opération témoigne de l'avance du programme communautaire de recherche sur la fusion et augure bien de l'avenir de celle-ci. Elle est à mettre au crédit de l'ensemble des Etats membres qui participent au programme, auxquels se sont d'ailleurs jointes la Suisse et la Suède. La France est très active au sein de ce programme. Elle apporte une importante contribution à la fois par la qualité de ses scientifiques et par la performance de ses installations, en particulier la machine Tore Supra de type Tokamak, implantée au centre d'études nucléaires du Commissariat à l'énergie atomique, à Cadarache. La deuxième étape du programme, Next Step, peut être soit communautaire avec N.E.T. (Next European Torus), soit internationale avec I.T.E.R. (International Thermonuclear Experimental Reactor) en associant les quatre grands programmes fusion mondiaux (communautaire, américain, japonais, russe). Cette approche quadripartite a pour but de partager les investissements et d'accéder à la technologie sur une échelle mondiale. Le projet I.T.E.R. a déjà été partiellement engagé : les travaux d'études conceptuelles, démarrés en 1988 à Garsching en Allemagne, viennent de prendre fin. La deuxième phase, les études détaillées, pourra commencer simultanément sur trois sites (Garsching, San Remo et Naka) lorsque les quatre partenaires auront en commun défini précisément les objectifs d'I.T.E.R. : compte tenu de l'ampleur des investissements, une erreur d'appréciation pourrait être fatale à l'ensemble du projet. Ce n'est pas avant les dernières années de ce siècle que la troisième phase du projet I.T.E.R., la construction du réacteur expérimental, pourra être mise en oeuvre. Il conviendra alors de choisir un site et il n'est pas exclu que celui-ci puisse être français soulignant ainsi la forte implication de notre pays dans le programme. Il serait cependant prématuré d'en décider aujourd'hui, alors même que le choix entre les deux options N.E.T. ou I.T.E.R. n'est pas encore complètement arrêté. Le programme communautaire de recherche sur la fusion est trop porteur d'espoir pour que son déroulement soit altéré par une quelconque précipitation.
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