Question de M. TORRE Henri (Ardèche - U.R.E.I.) publiée le 22/11/1990
M. Henri Torre appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales et de la solidarité sur les conséquences, financièrement préjudiciables aux collectivités départementales d'aide sociale, de plusieurs arrêts de la Cour de cassation (chambre civile n° 87-14-849 du 18 janvier 1989, n° 88-14-326 du 11 octobre 1989, n° 88-18-927 du 3 avril 1990), relatifs au recouvrement de l'obligation alimentaire, au profit des départements qui ont avancé des frais d'hébergement, en établissement social, de personnes âgées ne disposant pas de ressources suffisantes. La jurisprudence définie par la Haute Assemblée confirme que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour déterminer le montant de la pension pouvant être mise à la charge d'un débiteur d'aliments, ce qui ne saurait être contesté. En revanche, elle prévoit que cette pension ne peut, en principe, être attribuée au créancier ou à celui qui est subrogé dans ses droits que pour la période postérieure à l'assignation, voire à compter de la date du prononcé du jugement, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'action a été introduite par l'une ou l'autre des parties, suivant la règle que les pensions alimentaires ne s'arréragent pas. En d'autres termes, dans tous les cas, la participation globale indivise laissée à la charge des débiteurs alimentaires d'un demandeur d'aide sociale au titre de son hébergement dans un établissement pour personnes âgées ne peut être exigible pour la période antérieure à la date à laquelle le tribunal judiciaire, sollicité par l'administration en raison du refus des obligés alimentaires de s'acquitter de ladite participation, aura rendu son jugement. Les conséquences de telles décisions sont d'autant plus regrettables qu'elles revêtent incontestablement un caractère incitatif pour les débiteurs alimentaires. En effet, il suffirait désormais à ces derniers de contester le principe ou le montant de toute participation, voire de s'abstenir de répondre à l'enquête d'obligation alimentaire de telle sorte que la saisine du juge du tribunal d'instance aurait, pour eux et au détriment de la collectivité, l'avantage de différer d'autant plus le point de départ de leur éventuelle contribution que l'instruction du dossier aurait été retardée en toute bonne foi ou par des manoeuvres procédurières. Ainsi, la collectivité d'aide sociale, c'est-à-dire les contribuables, serait pénalisée. La seule réponse que les services publics pourraient opposer à des situations de cette nature serait logiquement de subordonner leur engagement financier à l'intervention d'une décision définitive de prise en charge des commissions d'aide sociale, au surplus acceptée par toutes les parties. Cette procédure sanctionnerait gravement et injustement les établissements sociaux, lesquels, à de très rares exceptions, acceptent d'héberger des personnes âgées partiellement insolvables sans attendre que les commissions d'aide sociale aient statué, l'admission d'urgence, procédure d'exception, étant, en effet, deveue la règle. Certes, le principe selon lequel le créancier d'aliments ne peut réclamer le versement d'une pension pour la période antérieure à la demande en justice repose notamment sur une présomption de renonciation qui peut, en théorie, être combattue en établisssant que le créancier n'est pas resté inactif ou a été dans l'impossibilité d'agir. Toutefois, les moyens pour établir le bien-fondé des allégations du créancier méritent d'être explicités pour permettre aux services publics d'argumenter leurs prétentions. Il lui demande, en ; conséquence, de bien vouloir, d'une part, définir très précisément ces moyens et, d'autre part, eu égard à la hiérarchie et à l'autorité des dispositions législatives, de lui indiquer s'il est disposé à se rapprocher du garde des sceaux, ministre de la justice, en vue d'envisager une modification de l'article 145 du code de la famille et de l'aide sociale qui aurait pour effet de permettre aux collectivités publiques d'aide sociale, subrogées dans les droits des créanciers d'aliments à l'égard de leurs débiteurs, de recouvrer dès le premier jour les créances fixées dans leur principe et leur montant par les tribunaux judiciaires.
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Réponse du ministère : Affaires sociales publiée le 24/01/1991
Réponse. - L'obligation alimentaire est un lien de droit établi par le code civil entre les enfants et leurs père et mère et les autres ascendants, auquel le code de la famille et de l'aide sociale ne fait que se référer. C'est ainsi que l'article 141 de ce code prévoit qu'il sera tenu compte " pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale " des revenus de toute nature dont ils peuvent disposer, au nombre desquels figurent les créances alimentaires éventuelles. L'article 144 précise les conditions dans lesquelles l'obligation alimentaire est prise en compte par les commissions d'admission à l'aide sociale : " les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont à l'occasion de toute demande sociale invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. La commission d'admission fixe, en tenant compte du montant de leur participation éventuelle, la proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques. La décision de la commission peut être révisée sur production par le bénéficiaire d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission... Ce texte établit, ainsi, clairement que les collectivités publiques d'aide sociale ont en matière d'obligation alimentaire une compétence réduite et liée à l'autorité judiciaire, seule compétente pour faire naître, fixer et répartir l'obligation alimentaire. Or, en cette matière, le juge judiciaire doit non seulement tenir compte des intérêts légitimes des collectivités publiques d'aide sociale, mais également faire une juste application des règles du code civil qui, tout en affirmant le principe du droit aux aliments, le modère en prévoyant que ceux-ci ne sont " accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit ". La règle " aliments ne s'arréragent pas " participe de ce souci d'ajuster le droit aux aliments à la capacité contributive réelle du débiteur. Elle a ainsi pour objet essentiel d'éviter que celui-ci, qui est bien souvent de condition modeste, soit écrasé par le montant d'un arriéré couvrant parfois plusieurs années. L'obligation alimentaire ayant sa source dans le code civil, les services départementaux chargés de l'aide sociale ne peuvent non plus, sur la base d'une décision d'une commission d'admission à l'aide sociale, émettre un état exécutoire par un comptable public, à l'encontre d'un débiteur d'aliments, représentant sa prétendue créance alimentaire. Cette procédure constitue un excès de pouvoir manifeste étant donné que seul le juge judiciaire peut faire naître une dette alimentaire et en fixer la date d'effet en faveur du créancier. Le gouvernement est, cependant, conscient que le système, qui n'est pas contestable du point de vue juridique, comporte de graves inconvénients pour les collectivités publiques, mais également pour les personnes âgées, handicapées ou en situation de détresse sociale délaissées par leurs descendants ou ascendants. Une réflexion est actuellement menée avec les départements ministériels concernés afin d'adapter les dispositions du code de la famille et de l'aide sociale aux exigences à la fois d'une bonne application des droits et d'une plus grande équité dans sa mise en oeuvre dans le cadre de l'aide sociale.
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