Les sénateurs membres des commissions des affaires économiques et des affaires européennes ont constaté des divergences grandissantes avec le commissaire européen à l’agriculture, M. Janusz Wojciechowski lors de son audition du 2 juillet 2020.
Ils ont rappelé leur farouche opposition à l’engrenage de la déconstruction de la Politique agricole commune (PAC), proposée par les institutions européennes depuis 2018, et dénoncée sans relâche par plusieurs rapports d’information et résolutions européennes du Sénat.
Certes, la Commission européenne propose maintenant un budget à plus de 390 milliards d’euros, soit 26,5 milliards d’euros de hausse par rapport à sa proposition initiale de 2018. En réalité, ceci ne consiste qu’à compenser le départ du Royaume-Uni, sans aller au‑delà, au moment même où les autres puissances mondiales investissent massivement dans leur agriculture.
Toutefois, la réforme de la PAC et l’impact du "Tournant vert" (ou Green Deal) en cours d’élaboration ne manquent pas d’inquiéter les sénateurs.
"Il faut se rendre compte que nous passerons demain, avec la réforme proposée par la Commission européenne, "d’une politique agricole européenne avec ses défauts" au "défaut de vingt-sept politiques agricoles sans Europe". Loin d’être un ajustement technique, la réforme proposée est structurellement problématique, en ce qu’elle déstabilise un des piliers fondateurs de l’Union européenne. Nous alertons sur ce point depuis 2019. Il est encore temps de changer de cap" rappelle Sophie Primas.
Le commissaire européen a donné la priorité à un Green Deal ambitieux, sur la souveraineté alimentaire continentale et donc sur la compétitivité de nos productions, à rebours de toutes les leçons à tirer de la crise que l’Union européenne traverse. Pour Jean Bizet, "il convient de se défier de toute approche idéologique multipliant les interdits et les normes. Il faut, à l’inverse, choisir de faire confiance aux agriculteurs, de miser sur les nouvelles technologies pour faire progresser parallèlement respect de l’environnement et productivité". À cet égard, les sénateurs demandent de renforcer rapidement la convergence intra‑européenne des normes de production.
"La crise a démontré que le pacte historique signé par les pères fondateurs de l’Europe avec les agriculteurs, leur confiant notre alimentation en quantité et en qualité contre des aides à la production, seul moyen d’assurer son accessibilité à tous, était toujours essentiel. Le remettre en cause aujourd’hui est une erreur stratégique impardonnable qui favorisera les importations de pays tiers. Il est possible non pas d’opposer agriculture et environnement mais de les concilier" estime Sophie Primas.
Cet abandon progressif de l’ambition agricole européenne se retrouve également dans la gestion de la crise actuelle par la Commission européenne. Les sénateurs ont ainsi rappelé la situation dramatique de certaines filières agricoles et jugé très insuffisante l’aide aux viticulteurs, qui tarde à sa matérialiser alors que les stocks sont au plus haut à la veille de la prochaine récolte, dans un contexte aggravé par les sanctions commerciales américaines.
Ils appellent, dès lors, à relancer un véritable projet agricole européen au service de la souveraineté alimentaire, de la transition environnementale, de la place de l’agriculture européenne dans le monde, du renouvellement des générations en agriculture, de l’amélioration du revenu des producteurs. À ce titre, ils regrettent un statu quo sur les règles de concurrence et demandent l’autorisation d’entente entre exploitants sur les prix et les volumes, comme aux États-Unis depuis 1922.
M. Jean Bizet (Les Républicains – Manche) est président de la commission des affaires européennes du Sénat.
Mme Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines) est président de la commission des affaires économiques du Sénat.
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Juliette Elie
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