Sensibilisés sur le terrain par les agriculteurs qui subissent de plein fouet l’impact de la pandémie de Covid-19, les sénateurs s’impatientent à l’égard de la Commission européenne qui n’a pas encore décidé de recourir aux mesures exceptionnelles de gestion des crises agricoles, malgré la déclaration commune des 27 ministres chargés de l’agriculture de l’Union européenne du 17 avril 2020. La réglementation de la Politique agricole commune (PAC) accorde pourtant des "pouvoirs spéciaux" à la Commission européenne, quitte à déroger au droit de la concurrence, en agissant directement sur les marchés agricoles, pour en réguler le fonctionnement défaillant, comme actuellement où se conjuguent, pour de nombreuses denrées, baisse des prix et surproduction.
Jugeant le statu quo intenable, M. Jean Bizet et Mme Sophie PRIMAS, présidents respectifs des commissions des affaires européennes et des affaires économiques du Sénat, ont adressé une demande officielle (PDF - 274 Ko) à la Commission européenne , le 15 avril 2020,afin qu’elle se saisisse de toutes ses prérogatives : ils y réclament le déclenchement des articles 219 et 222 du règlement portant Organisation commune des marchés (dit "OCM unique"). Plus précisément, la situation actuelle impose non seulement de rééquilibrer les marchés agricoles, via l’article 219 de l’OCM unique, en finançant notamment des aides au stockage privé, comme le réclame la déclaration commune signée par l’ensemble des États membres. Mais il s’agit d’aller encore plus loin en déclenchant l’article 222 du même règlement, lequel permet un mécanisme de soutien aux prix en autorisant les ententes entre agriculteurs sur les volumes. Il en va de la préservation même de toutes les filières agricoles, à commencer par celles des secteurs laitier, de la viande et des fruits et légumes.
Lors de la crise laitière de 2014/2017 déjà, de fortes réticences à recourir aux mesures d’urgence étaient apparues, du fait de certains États membres comme de la Commission européenne, imputables à une aversion doctrinale à toute intervention publique tendant à réguler les marchés agricoles. On avait alors privilégié la solution "bancale" des réductions volontaires de production, ce qui avait pénalisé les agriculteurs des pays acceptant de se conformer à cette discipline, au détriment notamment de la France. Or les circonstances actuelles nécessitent de renouer avec l’esprit original des traités européens, en faisant valoir la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence.
Pour reprendre les mots de M. Jean BIZET : "Nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise économique hors norme et sans équivalent depuis 1945. Si face à un tel contexte, la Commission européenne ne mettait pas en œuvre, aujourd’hui, les mesures des articles 219 et 222 de l’OCM unique, quand le ferait-elle ?"
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M. Jean BIZET (Les Républicains – Manche) est président de la commission des affaires européennes du Sénat. Mme Sophie PRIMAS (Les Républicains – Yvelines) est présidente de la commission des affaires économiques du Sénat. |
Clothilde Labatie - Philippe Péjo
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