Interruption volontaire de grossesse et contraception
|
N° 86
|
|
|
PROJET
DE LOI
REJETÉ PAR LE SÉNAT
EN NOUVELLE LECTURE
relatif à l'
interruption volontaire de
grossesse
et à la
contraception.
Le Sénat a adopté, en nouvelle lecture, la motion,
opposant la question préalable à la délibération du
projet de loi, dont la teneur suit :
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) : Première lecture :
2605
,
2726
et
T.A.
582.
Commission mixte paritaire :
2973.
Nouvelle lecture
:
2966
,
2977
et T.A.
655.
Sénat :
Première lecture :
120
,
210
et T.A.
66
(2000-2001).
Commission mixte paritaire :
253
(2000-2001).
Nouvelle lecture :
273
et
297
(2000-2001).
En
application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le
Sénat,
Considérant que la persistance d'un nombre élevé d'IVG
révèle les carences des politiques menées depuis trente
ans en faveur d'une éducation responsable à la sexualité
et de l'information sur la contraception ; qu'il est aujourd'hui de la
responsabilité du Gouvernement de définir une politique
ambitieuse dans ces domaines, qui mobilise autant le corps enseignant que le
corps médical et ouvre le dialogue au sein des familles ;
Considérant que notre pays ne s'est pas davantage donné les
moyens d'appliquer correctement la loi Veil ; que les nombreux
dysfonctionnements que connaissent les structures chargées d'accueillir
les femmes et de pratiquer les IVG ne sont pas étrangers aux
difficultés fréquemment rencontrées par les femmes pour
accéder à l'IVG dans les délais légaux ; que
si ces moyens en personnels formés et disponibles, en structures proches
et accessibles, avaient pu être dégagés ou pouvaient
l'être aujourd'hui, le présent projet de loi perdrait sa raison
d'être dans ses dispositions essentielles ;
Considérant que le présent projet de loi, qui se limite à
allonger de dix à douze semaines le délai légal pour
bénéficier d'une IVG, constitue, dans ce contexte, une fuite en
avant ; que l'allongement du délai légal n'apporte pas de
véritable réponse à la situation des quelque 5.000 femmes
qui, chaque année, sont contraintes de se rendre à
l'étranger pour obtenir une IVG dans des pays où le terme
légal est plus éloigné ;
Considérant, en effet, que seule la moitié des femmes
concernées, 2.000 à 3.000 selon les estimations les plus fiables,
serait susceptible de bénéficier de ces deux semaines
supplémentaires ; que l'autre moitié dépasse de toute
façon le délai de douze semaines de grossesse ; que le
projet de loi reste muet sur le sort réservé à ces
femmes ;
Considérant, en outre, que l'allongement du délai comporte un
certain nombre de risques qui sont loin d'être négligeables ;
que l'intervention devient ainsi plus difficile tant d'un point de vue
technique que psychologique entre la dixième et la douzième
semaine de grossesse ; que deux semaines supplémentaires changent
la nature de l'acte médical ; qu'elles impliquent un effort
considérable de formation et la mise en place de moyens techniques
garantissant la sécurité des interventions ;
Considérant dès lors que l'allongement du délai risque de
dégrader encore le fonctionnement quotidien du service public ;
qu'il est probable que l'accès à l'IVG restera toujours aussi
difficile pour certaines femmes ; qu'il est à craindre que ces
difficultés soient encore accrues ;
Considérant, en outre, que, si l'on ne peut pas parler
d'eugénisme, le risque existe de pratiques individuelles de
sélection du foetus au vu des éléments du diagnostic
prénatal ;
Considérant, en définitive, que l'allongement du délai
légal revient à déplacer les frontières de
l'échec ;
Considérant qu'en première lecture, le Sénat a
profondément modifié le projet de loi tel que
présenté par le Gouvernement et adopté par
l'Assemblée nationale ;
Considérant que, donnant la priorité à l'impératif
de santé publique, il a fait le choix de s'opposer à
l'allongement du délai légal et de formuler parallèlement
un certain nombre de propositions de nature à apporter une solution
effective aux difficultés rencontrées ;
Considérant que tout en proposant de maintenir le délai
légal de l'IVG à dix semaines de grossesse, il a ainsi
souhaité apporter une réponse à la détresse des
femmes qui dépassent le délai légal en permettant la prise
en charge des situations les plus douloureuses dans le cadre de l'interruption
médicale de grossesse ;
Considérant qu'en examinant le dispositif du projet de loi, le
Sénat a souhaité certes en limiter les dangers mais que, loin de
rejeter l'ensemble du texte, il en a amélioré sensiblement la
teneur sur de nombreux points et amplifié la portée ;
Considérant qu'en première lecture, il a ainsi adopté sans
modification huit articles et qu'il en a amendé douze ;
Considérant qu'il a notamment rétabli le contenu du
dossier-guide, tel qu'il était prévu par la loi Veil, dont les
éléments n'ont pas pour vocation de dissuader la femme de
recourir à l'IVG, mais simplement de s'assurer qu'elle prend sa
décision en toute connaissance de cause et en disposant de l'information
la plus complète possible ;
Considérant qu'il a souhaité maintenir, pour les mêmes
raisons, le caractère obligatoire de l'entretien social préalable
à l'IVG ;
Considérant, en outre, que s'agissant de la difficile question de
l'accès des mineures à l'IVG, il a souhaité que cette
possibilité soit entourée de garanties ; qu'il a en
conséquence prévu que l'adulte référent ne se
limiterait pas à accompagner la mineure, mais l'assisterait ; qu'il
a de surcroît précisé que cette personne serait soit un
membre majeur de la famille de la mineure, soit une personne qualifiée,
c'est-à-dire compétente et formée ;
Considérant qu'il a porté de trois à cinq le nombre
minimum des séances annuelles d'éducation à la
sexualité et d'information sur la contraception dans les collèges
et lycées, et étendu ces séances aux écoles
primaires ; qu'il a prévu que des réunions associant les
parents d'élèves seraient organisées pour définir
des actions menées conjointement ; qu'il a également
créé un Conseil supérieur de l'éducation
sexuelle ;
Considérant qu'il a souhaité réaffirmer la
nécessité d'un suivi médical de la contraception
hormonale ; qu'il a considéré que l'obligation de
prescription permettait un bilan et un suivi médical de la femme et un
dépistage précoce de certaines pathologies ;
Considérant qu'il a également souhaité encadrer la
pratique de la stérilisation à visée contraceptive afin de
protéger la santé des personnes et d'éviter que des
excès ne puissent être commis ;
Considérant qu'il a prévu, s'agissant de la stérilisation
des majeurs sous tutelle, que celle-ci ne pourrait être pratiquée
qu'à la demande des parents, et que si la personne concernée
était apte à exprimer sa volonté, son consentement devait
être systématiquement recherché ;
Considérant que le Sénat a tenu également à
enrichir et à compléter le projet de loi ;
Considérant qu'il a ainsi solennellement rappelé que la
réduction du nombre des IVG était une priorité de
santé publique et que le Gouvernement mettrait en oeuvre, à cette
fin, les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable
politique d'éducation à la sexualité et d'information sur
la contraception ;
Considérant qu'il a de même introduit des dispositions importantes
protégeant la femme enceinte contre toute forme de pression
destinée à la contraindre à une interruption de grossesse,
prévoyant qu'une information et une éducation à la
sexualité seraient dispensées dans toutes les structures
accueillant des personnes handicapées, et précisant que nul n'est
fondé à demander une indemnisation du seul fait de sa
naissance ;
Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a non
seulement rétabli l'intégralité des dispositions
contestées par la Haute Assemblée, mais qu'elle a
écarté l'essentiel des améliorations et corrections
apportées par le Sénat, de même que la
quasi-totalité des articles additionnels dont il avait souhaité
enrichir le projet de loi ;
Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a
ainsi entendu signifier qu'elle avait dit son dernier mot dès sa
première lecture ;
Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération
sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relatif à l'interruption volontaire de
grossesse et à la contraception.
En conséquence, conformément à l'article 44,
alinéa 3, du Règlement, le projet de loi a été
rejeté par le Sénat.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 9
mai 2001.
Le
Président,
Signé :
Christian PONCELET
.