Reconnaissance du droit à l'alimentation (PPR) - Texte déposé - Sénat

N° 347

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 février 2025

PROPOSITION DE RÉSOLUTION



en application de l’article 34-1 de la Constitution,


visant à la reconnaissance du droit à l’alimentation et à l’adoption d’une loi-cadre pour le droit à l’alimentation,


présentée

Par Mme Marie-Claude VARAILLAS, M. Pascal SAVOLDELLI, Mme Cathy APOURCEAU-POLY, MM. Jérémy BACCHI, Pierre BARROS, Alexandre BASQUIN, Ian BROSSAT, Mmes Céline BRULIN, Evelyne CORBIÈRE NAMINZO, M. Jean-Pierre CORBISEZ, Mme Cécile CUKIERMAN, M. Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, M. Gérard LAHELLEC, Mme Marianne MARGATÉ, M. Pierre OUZOULIAS, Mme Silvana SILVANI et M. Robert Wienie XOWIE,

Sénatrices et Sénateurs





Proposition de résolution visant à la reconnaissance du droit à l’alimentation et à l’adoption d’une loi-cadre pour le droit à l’alimentation

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,

Vu les 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946,

Vu l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

Vu l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et ratifié par la France le 4 novembre 1980, et l’Observation générale 12 du 12 mai 1999 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’Organisation des Nations Unies (ONU) relative à cet article 11,

Vu les Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à l’alimentation adoptées en novembre 2004 à la cent vingt-septième session du Conseil de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture,

Vu les différents rapports des rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur le droit à l’alimentation,

Vu les Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France formulées par le Comité des droits économiques sociaux et culturels de l’ONU, adoptées le 13 octobre 2023,



Vu la résolution  2577 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adoptée le 3 octobre 2024, « Garantir le droit humain à l’alimentation » ;



Vu la première recommandation de l’avis  91 du 19 octobre 2022 du Conseil national de l’alimentation,



Considérant que les situations de précarité alimentaire en France persistent et s’aggravent, comme le montre l’enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) publiée en mai 2023 qui précise que 16 % des personnes interrogées ne mangent pas à leur faim et que 45 % des Français déclarent avoir assez à manger, mais pas toujours des aliments souhaités ;



Considérant l’étude de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN) rassemblant des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, de l’Institut national de la recherche agronomique, du Conservatoire national des arts et métiers et de l’Université Paris, publiée dans The British Medical Journal en février 2018, démontrant qu’une augmentation de 10 % de la proportion d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire est associée à une hausse de plus de 10 % des risques de développer un cancer au global et en particulier un cancer du sein ;



Considérant le rapport publié en 2018 dans la revue médicale Lancet intitulé « Compte à rebours sur la santé et le changement climatique du Lancet : une influence sur la santé des populations pour les siècles à venir » ;



Considérant que les taux d’obésité et de diabète sont en forte augmentation, révélant un déséquilibre alarmant dans l’accès à une alimentation saine ;



Considérant que de trop nombreux agriculteurs français vivent sous le seuil de pauvreté, soulignant la précarité de nombreux travailleurs de la production alimentaire dans le pays ;



Considérant la surexposition aux risques psychosociaux des agriculteurs ; que le taux de suicide de cette profession est deux à trois fois plus élevé que celui de la population générale en France selon une étude menée en 2018 par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et publiée par Santé publique France ;



Rappelant les engagements de la France dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030, et notamment l’ODD 2 qui vise à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable ;



Considérant que la France s’est engagée en ratifiant différents traités internationaux à respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à l’alimentation, droit humain fondamental inscrit notamment à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels précité ;



Considérant que les Directives sur le droit à l’alimentation de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture de 2004 incitent les États à intégrer dans leur droit national des dispositions permettant d’appliquer directement le droit à l’alimentation et d’assurer sa concrétisation progressive ;



Observant que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a recommandé en octobre 2023 à la France d’adopter une loi-cadre sur le droit à l’alimentation ;



Observant que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté le 3 octobre 2024 la résolution  2577 appelant les États membres à avancer sur l’intégration dans leur cadre juridique du droit à l’alimentation avec une approche fondée sur les droits humains, notamment via la reconnaissance explicite de ce droit au niveau constitutionnel et l’adoption de lois-cadres nationales fondées sur le droit à l’alimentation ;



Observant que, pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, seule une approche par le droit permet d’appréhender de façon transversale et cohérente l’ensemble des facteurs sociaux, politiques, économiques et culturels qui influent sur l’accès à l’alimentation et de subordonner de manière fiable les politiques relatives aux systèmes alimentaires à toutes les échelles territoriales aux exigences du contenu du droit à l’alimentation, pour toutes et tous, et que cette approche par le droit repose sur un cadre solide en droit international ;



Constatant que les mesures d’urgence, telles que l’aide alimentaire, bien qu’elles visent à répondre au droit d’être à l’abri de la faim, ne suffisent pas à assurer pleinement le droit à l’alimentation ;



Constatant la faible participation citoyenne et en particulier celle des groupes les plus vulnérables à la gouvernance des enjeux alimentaires ;



Constatant la nécessité pour l’État d’intensifier ses efforts pour garantir à chaque individu l’accès digne à une alimentation adéquate, respectueuse de la santé et de l’environnement ;



Constatant que l’absence d’un système régulier de mesure de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle limite l’efficacité des décisions politiques en matière de droit à l’alimentation, déplorant ainsi l’insuffisance des droits et des politiques actuels pour faire face à cette problématique croissante ;



Considérant l’urgence de renforcer et d’assurer la cohérence du droit et des politiques publiques afin de promouvoir des systèmes alimentaires plus durables, inclusifs et résilients face aux changements climatiques et aux pressions économiques ;



Estimant qu’une approche par les droits humains est nécessaire pour transformer les systèmes alimentaires et aller vers plus de durabilité et de justice sociale ;



Recommande l’adoption d’une loi-cadre visant à garantir le droit à l’alimentation afin d’établir les conditions nécessaires pour une gouvernance des systèmes alimentaires, conformément aux recommandations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ;



Recommande l’établissement de principes directeurs pour garantir le droit à l’alimentation ainsi que le dégagement de moyens budgétaires pour leur mise en œuvre ;



Recommande la réglementation et la coordination inter-sectorielle des différentes branches du droit et des politiques publiques liées aux systèmes alimentaires, afin de garantir une approche cohérente et intégrée qui réponde aux exigences d’une alimentation disponible, accessible, durable et adéquate pour toutes et tous. Ainsi, la loi-cadre permettrait de préciser la définition de la portée et de la teneur du droit à l’alimentation, d’énoncer les obligations des autorités publiques et responsabilités du secteur privé, et d’établir les mécanismes institutionnels nécessaires à la gouvernance, au système de contrôle et à la garantie de voies de recours. Cette loi permettrait également de garantir que le droit à l’alimentation et les exigences d’une approche fondée sur les droits soient au centre des stratégies pour l’adoption de législations subsidiaires et de toute autre mesure, juridique ou politique, prise par les autorités compétentes ;



Encourage le Gouvernement à soutenir la reconnaissance explicite et l’application du droit à l’alimentation dans le droit de l’Union européenne et au sein du Conseil de l’Europe.

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