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N° 80
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2014 |
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
présentée, au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la proposition de directive Paquet « déchets » (COM (2014) 397),
Par MM. Michel DELEBARRE et Claude KERN,
Sénateurs
(Envoyée à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Commission a présenté le 2 juillet 2014 une proposition de directive visant à modifier la législation européenne existante en matière de déchets. Ce texte révise ainsi :
- une directive de 2008 relative aux déchets, qui comprend un objectif de recyclage de 50 % pour les déchets municipaux et de 70 % pour les déchets de construction ;
- une directive de 1994 concernant les emballages et les déchets d'emballages, qui fixe des objectifs de recyclage variant selon la nature des déchets : 60 % pour le verre, le papier et le carton, 55 % pour les déchets d'emballage, 50 % pour les métaux, 22,5 % pour les plastiques et 15 % pour le bois.
- une directive de 1991 visant la mise en décharge des déchets. Celle-ci prévoit des objectifs graduels de mise en décharge des déchets biodégradables afin d'atteindre 65 % à l'horizon 2020 (par rapport aux chiffres de 1995) ;
- une directive de 2000 portant sur les véhicules hors d'usage. C'est ce texte qui prévoit notamment l'obligation de reprise ;
- une directive de 2006 traitant des piles et accumulateurs et de leurs déchets ;
- une directive de 2012 abordant les déchets d'équipement électriques et électroniques.
Le projet de la Commission européenne n'est pas sans incidence pour les collectivités territoriales. Il convient d'en évaluer les effets, notamment financiers.
1. Le paquet « économie circulaire »
Cette proposition s'inscrit dans le paquet « économie circulaire » présenté par la Commission européenne. Outre ce texte, ce paquet quatre communications destinées à préciser le concept d'économie circulaire et ses conséquences en matière de croissance.
La première communication présente ainsi une approche globale de l'économie circulaire, fixant un objectif de « productivité des ressources ». Elle entend de la sorte limiter les prélèvements sur les ressources naturelles - renouvelables ou non - et réorienter ainsi la croissance économique. Les deux communications suivantes abordent les opportunités induites par un tel changement de modèle économique, tant pour les entreprises que pour l'emploi. La Commission européenne attend de cette mutation la création de 2 millions d'emplois à l'horizon 2030. La dernière communication vise, quant à elle, l'amélioration des performances environnementales des bâtiments.
Une des clés pour parvenir à la mise en place de cette économie circulaire tient à une meilleure gestion des déchets à l'échelle européenne. La Commission européenne vise à la fois à réduire la production de déchets, à transformer les déchets en une source importante et fiable de matières premières pour l'Union Européenne, à récupérer l'énergie à partir des matériaux non-recyclables et à éliminer, dans la mesure possible, la mise en décharge.
Le volet « déchets » du paquet « économie circulaire » est censé permettre de réaliser une économie de 55 milliards d'euros pour les entreprises et de créer dans le même temps 526 000 emplois. Cet apport n'est pour autant pas démontré dans l'étude d'impact. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, une réduction des émissions comprise entre 146 et 244 millions de tonnes est escomptée. Là encore, aucune justification n'est apportée à cette estimation assez large.
2. La proposition de directive « déchets »
• Des objectifs chiffrés
L'essentiel des objectifs proposés par la Commission européenne ont trait aux déchets municipaux. Ceux-ci, définis à l'annexe VI du projet de directive, correspondent à l'ensemble des déchets dont l'élimination doit, par obligation légale, être assurée par les communes ou leurs regroupements. Cinq catégories de déchet sont ainsi concernées :
- les ordures ménagères, soit les déchets issus de l'activité domestique quotidienne des ménages ;
- les encombrants issus de l'activité domestique occasionnelle des ménages ;
- les déchets de jardin, les feuilles, les tontes de gazon, les balayures de rue ;
- ceux issus de l'entretien des espaces verts publics et des rues ;
- les déchets industriels collectés et traités avec les ordures ménagères (déchets assimilés) : déchets des artisans, des commerçants, des établissements divers, collectés et éliminés dans les mêmes conditions que les ordures ménagères.
Les déchets qui ne sont pas collectés par les municipalités, mais directement par les producteurs dans le cadre de régimes de responsabilités du producteur ou ceux provenant des zones rurales non desservies par un service régulier de ramassage des déchets sont considérés comme des déchets municipaux.
Sont exclus de cette catégorie les déchets des réseaux d'égouts et des stations d'épuration ainsi que les déchets de construction et de démolition. Les déchets liés à l'assainissement collectif (boues des stations d'épuration des eaux, curage des réseaux) sont considérés en France comme des déchets municipaux. Les déchets de services de collecte municipale ne sont pas non plus couverts par la définition européenne alors qu'ils sont considérés comme des déchets municipaux en France.
Les déchets municipaux représentent 253 millions de tonnes, soit 500 kilos par habitant et par an au sein de l'Union européenne. 62 % (soit 157 millions de tonnes ou 310 kilos par habitant et par an) ne sont pas réemployés ou recyclés.
La Commission européenne propose de porter à 70 % au minimum le taux de réemploi et de recyclage des déchets municipaux à l'horizon 2030.
À la même date, le taux de recyclage des déchets d'emballage devra, quant à lui, atteindre 80 %. Des objectifs intermédiaires ont été introduits : 60 % en 2020 et 70 % en 2025.
Une telle ambition fait écho à l'augmentation des taux de collecte et de de recyclage des emballages au sein de l'Union européenne entre 1998 (alors que l'Union européenne n'était composée que de 15 États membres) et 2011.
Pour le plastique, l'objectif fixé est de 60 % alors que pour le papier ou le fer, il est de 90 %.
La mise en décharge des déchets recyclables (plastiques, métaux, verre, papier et carton, déchets biodégradables) serait, quant à elle, interdite à partir de 2025. L'élimination de toute mise en décharge des déchets autres que résiduels est envisagée à l'horizon 2030. Les déchets résiduels sont les déchets issus d'une opération de valorisation, y compris le recyclage, qui ne peuvent pas être valorisés davantage et doivent être dès lors éliminés.
L'objectif assigné pour 2030 tient compte de des disparités entre États membres et représente une avancée par rapport au 7 ème programme d'action pour l'environnement, adopté en novembre 2013 et qui couvre la période 2014-2020, qui prévoyait d'éviter la mise en décharge de tout déchet municipal à compter de 2020.
À ces objectifs contraignants, la Commission propose d'ajouter à titre indicatif une réduction de 30 % des décharges en mer d'ici 2020 et une réduction de 30 % du gaspillage alimentaire à l'horizon 2025.
• Les moyens pour y parvenir
Afin d'atteindre ces objectifs ambitieux, le paquet « déchets » préconise un certain nombre de dispositions techniques passant notamment par une harmonisation des définitions et des méthodes de calcul des statistiques déchets ainsi qu'à une modification des obligations en matière de rapports.
La Commission européenne relève, en outre, de grandes différences entre États membres en matière de gestion des déchets municipaux. De fait, pour parvenir à une mise en oeuvre améliorée du nouveau dispositif, elle entend développer un système d'alerte précoce destiné à détecter les insuffisances et y remédier avant les échéances fixées par le texte. La Commission européenne présente alors des recommandations, que les États concernés doivent intégrer dans un plan de mise en conformité. Un report de trois ans peut alors leur être accordé.
La proposition de la Commission européenne prévoit également la mise en place d'exigences minimales pour le fonctionnement des régimes de responsabilité élargie du producteur (REP). La REP a vocation à transférer aux producteurs de déchets (fabricants, importateurs, distributeurs) la responsabilité, seuls ou en groupe, de la filière de traitement et d'élimination des déchets qu'ils ont produits. Ils peuvent assumer leur responsabilité de manière individuelle, ou collective dans le cadre d'un éco-organisme. Cette solution est la plus suivie en France. Les producteurs versent alors des contributions (800 millions d'euros en France) reversées aux collectivités locales ou aux prestataires de collecte et de traitement des déchets concernés. Il s'agit d'une application du principe « Pollueur-Payeur ». Les fabricants sont incités à prendre en compte les considérations environnementales tout au long du cycle de vie d'un produit.
La REP est déjà prévue par les directives visant les véhicules hors d'usage, les pneumatiques, les lubrifiants, les emballages, les médicaments, les piles, les déchets d'équipement électriques et électroniques (DEEE), et les fluides frigorigènes fluorés soit au total 8 filières. La France en compte pour l'heure 20. La prise en charge du coût de gestion des déchets n'est, en général, pas totale. 20 à 40 % des coûts peuvent ainsi rester à la charge des collectivités.
Enfin, en vue de parvenir à un recyclage optimal, les États membres doivent, aux termes de la proposition de directive, faire en sorte de mettre en place une collecte séparée des biodéchets d'ici à 2025.
3. Un texte satisfaisant...
Le texte proposé par la Commission européenne constitue une indéniable avancée en faveur de l'économie circulaire et répond, par ailleurs, à l'approche retenue dans le domaine des déchets par la France.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique vers la croissance verte adopté par l'Assemblée nationale le 14 octobre 2014 et transmis au Sénat prévoit lui aussi une action spécifique en matière de gestion des déchets qui anticipe pour partie les objectifs poursuivis par la proposition de directive en insistant notamment sur la valorisation des déchets non dangereux ou la réduction des déchets ménagers.
Trois éléments méritent notamment d'être soulignés.
En premier lieu, il convient de saluer la volonté d'harmoniser les méthodes de calcul des statistiques européennes sur les déchets. Celles-ci diffèrent en effet d'un État membre à l'autre. Quatre méthodes existent en ce qui concerne le taux de recyclage. Ainsi, le taux français varie entre 38 et 45 %, en fonction de la méthodologie employée.
La définition des déchets municipaux répond, quant à elle et à une réserve près, à celle inscrite dans la loi française. Ce faisant, la Commission européenne bouleverse sa grille de lecture habituelle qui consistait en une opposition entre déchets dangereux et déchets non dangereux. Les négociations au Conseil et au Parlement européen permettront peut-être d'intégrer les déchets issus de l'assainissement collectif ou les déchets de services de collecte municipale. Il s'agit en tout cas d'une des demandes formulées au sein de la présente proposition de résolution européenne.
La mise en place d'un socle commun en matière de responsabilité du producteur constitue une troisième avancée. Cet encadrement est assez ambitieux puisqu'il insiste sur le fait que les contributions financières des importateurs de produits ou des producteurs couvrent la totalité des coûts de gestion des déchets, y compris ceux liés à la collecte ou au traitement séparés. Les REP devront également participer au financement de la lutte contre les décharges sauvages. Reste que la rédaction retenue par la Commission européenne n'est pas exempte d'ambiguïté en laissant entendre que les REP ne pourraient être mises en place que sur les territoires où la collecte et la gestion des déchets sont rentables . Il convient donc que l'universalité des REP et leur caractère non-lucratif soit clairement réaffirmés au sein de la directive.
Il convient enfin de saluer la volonté de la Commission européenne d'afficher un objectif de lutte contre le gaspillage alimentaire. Cette volonté rejoint celle de notre pays, quand bien même l'ambition est moindre : diminution de 30 % à l'horizon 2030 au sein de l'Union européenne contre 50 % d'ici 2025 en France.
4. ... qui ne répond pas totalement aux ambitions initiales
La mise en place d'une économie circulaire est un objectif qui doit rencontrer le plus large consensus. Il ne s'agit pas ici de remettre en question cette ambition. Il n'en demeure pas moins que les solutions préconisées ne répondent qu'imparfaitement à ce principe et que les objectifs affichés semblent trop ambitieux au regard de la réalité industrielle observable au sein de l'Union européenne. Il convient également de ne pas mésestimer les conséquences des dispositions de la directive pour les collectivités territoriales.
• Les objectifs sont-ils tenables pour l'ensemble des États membres ?
Les objectifs fixés en matière de recyclage et de mise en décharge peuvent paraître très ambitieux au regard des performances constatées au sein de l'Union européenne.
Si six pays - Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Pays-Bas et Suède - ont statistiquement éliminé la mise en décharge des déchets municipaux, il convient de s'attarder sur les méthodes de calcul pour atteindre cette performance. En Allemagne comme en Autriche, les déchets font en effet l'objet d'un prétraitement avant leur mise en décharge. Ce prétraitement les classe de facto dans la catégorie des déchets industriels. La mise en décharge concerne par conséquent non plus des déchets municipaux mais bien des déchets industriels. L'objectif zéro déchet municipal en décharge est donc facticement atteint. L'exemple allemand ne peut pas, en tout état de cause, servir de référence à la Commission européenne pour promouvoir son objectif d'interdiction de mise en décharge des déchets municipaux autres que résiduels à l'horizon 2030. Cet objectif apparaît par conséquent techniquement impossible à atteindre.
À l'inverse les États membres entrés en 2004 et 2007, principalement à l'Est du continent placent plus de 70 % de leurs déchets en décharge. Les objectifs de la proposition de la Commission européenne peuvent donc apparaître inadaptés pour ces États tant en raison des délais proposés que des coûts qu'ils induisent. Le texte a en effet plus de pertinence dans le cadre de l'Union européenne à 15 États membres que dans celle à 28.
Dans ces conditions, il convient que la Commission européenne puisse mettre en place des objectifs différenciés selon les États membres, adaptés à leur situation au moment de l'entrée en vigueur de la directive. Dans le même ordre d'idée et compte tenu de l'harmonisation des méthodes de calcul, la réévaluation des objectifs de la proposition de directive, cinq ans après son entrée en vigueur, devrait également s'imposer.
• Quelles ambitions industrielles ?
Au-delà de ces considérations statistiques, l'absence de déchets autre que résiduels dans les décharges en 2030 peut également apparaître chimérique au regard même de la composition des poubelles des ménages. En effet, un tiers de celle-ci n'est pas valorisable.
Or, si la proposition de la Commission européenne insiste sur la valorisation matière, elle ne s'attarde pas sur l'autre volet de la valorisation des déchets, la valorisation énergétique. Celle-ci est pourtant la plus à même de réutiliser les déchets non recyclables. Celle-ci peut, en outre, permettre à l'Union européenne de renforcer son indépendance énergétique à l'égard des pays émergents. Il convient donc de mettre en avant, dans la proposition de directive, la valorisation énergétique des déchets, au travers, notamment, d'un soutien aux filières dont les rendements dépassent 60 % aujourd'hui, afin qu'ils atteignent 70 % d'ici 2030.
De façon générale, il y a lieu de s'interroger sur l'adéquation des objectifs assignés par ce texte et la réalité industrielle de la plupart des États membres, qui ne disposent pas, pour l'heure, de filières de recyclage adaptées. Le cas français est assez éloquent : les 250 centres de recyclage des matières plastiques se limitent au retraitement des flaconnages et ne peuvent prendre en charge les barquettes et les films plastiques. Il convient donc de les moderniser, comme l'a souligné récemment l'Ademe.
La question du financement doit à ce titre être posée . La Commission européenne reconnaît d'ailleurs dans son étude d'impact que les investissements européens via les Fonds structurels ou la Banque européenne d'investissement visent plutôt la création de décharges ou d'incinérateurs. Cette incohérence a d'ailleurs été relevée par la Cour des comptes européenne. Le respect de la hiérarchie des déchets, mise en place par l'article 4 directive de 2008 n'est ainsi pas assuré. Aux termes de cet article, les États membres doivent, à ce titre, prendre des mesures pour le traitement de leurs déchets conformément à une hiérarchie qui s'applique par ordre de priorités :
1. Prévention ;
2. Préparation en vue du réemploi ;
3. Recyclage ;
4. Autre valorisation, notamment énergétique ;
5. Élimination.
Les règlements adoptés pour l'utilisation des fonds structurels pour la période 2014-2020 intègrent désormais la promotion d'une telle filière. Sans pour autant qu'elle ne soit chiffrée. Il convient, en tout état de cause, de mettre en place des financements adaptés, qui ne passent pas uniquement par les fonds structurels.
• Quelles sont les conséquences pour les collectivités territoriales ?
L'élimination de la mise en décharge suppose une refonte des pratiques de collectes en vue d'une amélioration du recyclage. La proposition de directive prévoit ainsi que les États membres mettent en place une collecte séparée pour les biodéchets, qui représentent un tiers des déchets contenus dans une poubelle. Ce qui suppose des pratiques de porte à porte qui pourraient s'avérer extrêmement coûteuses pour les municipalités. La collecte séparée des biodéchets et leur valorisation représenteraient en France un coût d'environ 400 euros par tonne pour les collectivités territoriales.
En imposant cette pratique, la Commission européenne écarte l'utilisation du traitement mécano-biologique (TMB), dispositif industriel de pré-traitement des ordures ménagères brutes qui permet de séparer les déchets organiques du reste. Le TMB permet ainsi une filière de valorisation biologique par compostage ou méthanisation. Ce faisant, la Commission européenne ne prend pas en compte les réalités du terrain, tant en milieu urbain où une collecte séparée est délicate à mettre en oeuvre qu'en milieu rural où il existe déjà une filière de récupération des déchets végétaux. Elle mésestime également la réalité des déchets, à l'image du cas du carton de pizza, qui ne sera jamais totalement nettoyé des résidus organiques qu'il peut contenir après utilisation.
Ce parti-pris en faveur de la collecte séparée souligne l'insuffisante prise en compte des collectivités territoriales dans la proposition de directive et dans l'étude d'impact qui lui est jointe. À ce titre, il y a lieu de s'interroger sur l'absence de référence au « principe de proximité » dans la gestion des déchets Celui-ci est pourtant mis en avant par l'article 16 de la directive de 2008 et permet aux États de tenir compte des conditions géographiques ou du besoin d'installations spécialisées pour certains types de déchets. Il est par ailleurs regrettable que la Commission annonce une évaluation de la gestion des biodéchets qu'après l'entrée en vigueur de la directive. Le calcul coût / efficacité de la collecte séparée sera donc effectué a posteriori .
• Une vision linéaire de l'économie circulaire ?
Si les objectifs affichés peuvent apparaître comme autant de stimulants pour favoriser le recyclage, il est regrettable que celui-ci ne soit en fait envisagé qu'en fin de vie des produits, au moment de la mise en décharge.
Aucun objectif contraignant n'est ainsi imposé aux producteurs ou aux importateurs de biens. Il est pourtant indispensable de les inciter à concevoir ou à vendre des produits écoresponsables.
L'introduction d'un objectif d'incorporation de 50 % de matières recyclées dans les biens mis sur le marché pourrait constituer une mesure incitative intéressante. La mise en place d'une taxe commune frappant tous les produits non recyclables vendus sur le marché européen, qui aurait notamment le mérite de concerner les produits importés, doit également être envisagée, même si un tel projet reste ambitieux.
Il est, par ailleurs, regrettable que la proposition de directive ne couvre pas totalement la question des déchets économiques. Parmi les déchets des activités économiques, seuls ceux produits par le secteur du bâtiment et des travaux publics sont concernés. Dans ces conditions, plus de 50 % des déchets produits en Europe ne sont pas soumis à des objectifs de valorisation.
• Quelles marges de manoeuvres pour les États membres ?
La proposition de directive met en place un mécanisme d'alerte précoce en cas de manquement d'un État. Il est indispensable qu'il demeure un simple système d'alerte et n'autorise pas la Commission européenne à obliger certains États membres à adopter des dispositions, fiscales notamment.
L'annexe VIII jointe à la proposition de directive, qui détaille ce mécanisme, permet de demander aux États membres d'adopter des mesures d'incitation comme l'instauration ou la majoration des taxes d'incinération sur les déchets recyclables ou l'augmentation progressive des taxes sur la mise en décharge pour toutes les catégories de déchets. La suppression de subventions contraires aux objectifs poursuivis est également envisagée. Il convient de rappeler que la fiscalité demeure de la compétence des États membres et que les recommandations de cet ordre adressées par la Commission européenne dans le cadre du mécanisme d'alerte précoce ne sauraient être, en conséquence, que non contraignantes.
Le texte de la Commission renvoie également à des actes délégués dans un grand nombre de domaines. Il en va ainsi de la mise à jour de la liste des déchets ou des propriétés qui rendent les déchets dangereux. Une telle évolution n'est pas sans susciter de réserves d'autant qu'elle peut porter sur des domaines où l'on constate une absence de convergence entre les États membres.
Dans cette perspective, votre commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la directive 2008/98/CE, du 19 novembre 2008, relative aux déchets,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d'emballages, la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets, la directive 2000/53/CE relative aux véhicules hors d'usage, la directive 2006/66/CE relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux déchets de piles et d'accumulateurs et la directive 2012/19/UE relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (COM (2014) 397 final),
Approuvant l'objectif de mise en place à terme d'une véritable économie circulaire au sein de l'Union européenne, fondée notamment sur des produits mieux conçus pour répondre aux exigences du développement durable et une valorisation adaptée des déchets ;
Appuyant l'objectif de lutte contre le gaspillage alimentaire contenu dans la proposition de directive ;
Soulignant que le dispositif proposé peut avoir des répercussions sur le fonctionnement et le financement des collectivités territoriales ;
Saluant les avancées indéniables contenues dans la proposition de directive qu'il s'agisse de l'harmonisation des méthodes de calcul des statistiques relatives aux déchets ou de l'introduction dans le droit européen de la notion de déchets municipaux ;
Appuyant la mise en oeuvre d'un encadrement européen du principe de responsabilité élargie du producteur ;
Regrettant que les objectifs assignés à l'ensemble des États membres s'appuient sur des statistiques passées non harmonisées et non consolidées ;
Constatant que l'écart entre les performances des États membres en matière de collecte, de traitement et de recyclage des déchets est assez marqué ;
Observant que l'interdiction de toute mise en décharge des déchets autres que résiduels à l'horizon 2030 apparaît techniquement impossible ;
Relevant l'insuffisante prise en compte des collectivités territoriales dans la proposition de directive et dans l'étude d'impact qui lui est jointe, notamment en ce qui concerne l'augmentation des coûts liée à la mise en place d'une collecte séparée des biodéchets ;
Considérant que la valorisation énergétique des déchets n'est pas suffisamment mise en avant par la proposition de directive, alors qu'elle permettrait de mieux répondre aux objectifs ambitieux assignés à l'ensemble des États membres tout en renforçant l'indépendance énergétique de l'Union européenne ;
Constatant l'absence d'ambition industrielle de l'Union européenne en faveur du développement des filières de tri et de recyclage, indispensable pour atteindre les objectifs chiffrés ;
Relevant que la proposition de directive n'assigne aucun objectif en matière de tri et de recyclage des déchets économiques, alors que ceux-ci représentent plus de 50 % des déchets produits en Europe ;
Observant que la proposition de directive n'émet aucun objectif en faveur d'une conception écoresponsable des produits ;
Constatant que le mécanisme d'alerte précoce mise en place dans l'annexe VIII de la proposition de directive peut conduire la Commission européenne à obliger certains États membres à adopter des dispositions fiscales ;
Regrettant un recours important aux actes délégués, notamment pour mettre à jour la liste des déchets visés par la proposition de directive ;
Encourage la Commission européenne à mettre en place des objectifs différenciés selon les États membres, adaptés à leur situation au moment de l'entrée en vigueur de la directive ;
Souhaite la réévaluation des objectifs de la proposition de directive, cinq ans après l'entrée en vigueur de la directive et l'harmonisation des méthodes de calcul qu'elle contient ;
Invite à réviser la définition des déchets municipaux, proposée par la Commission européenne, pour y intégrer les déchets liés à l'assainissement collectif et les déchets de services de collecte municipale ;
Entend que soit rappelé le caractère universel du principe de responsabilité élargie du producteur, qui s'applique donc à tous les territoires, ainsi que sa dimension non-lucrative ;
Préconise l'affectation d'une partie de financements européens en faveur de la filière industrielle du tri et du recyclage ;
Appelle à la mise en place d'objectifs précis en matière de valorisation des déchets économiques ;
Insiste pour que soit laissé aux États membres le soin de déterminer les modalités de collecte des biodéchets ;
Demande que les conséquences financières de l'entrée en vigueur de la directive pour les collectivités territoriales, et en particulier les communes, soient précisément évaluées et prises en compte dans les négociations ;
Invite à une plus grande responsabilisation des acteurs économiques en vue de mieux concevoir des produits écoresponsables via l'introduction d'une taxe frappant tous les produits non recyclables vendus sur le marché européen et l'introduction d'un objectif d'incorporation de 50 % de matières recyclées dans les biens mis sur le marché ;
Souhaite la mise en avant, dans la proposition de directive, de la valorisation énergétique des déchets, au travers, notamment, d'un soutien aux filières dont les rendements dépassent 60 % aujourd'hui, afin qu'ils atteignent 70 % d'ici 2030 ;
Rappelle que la fiscalité demeure de la compétence des États membres et que les recommandations de cet ordre adressées par la Commission européenne dans le cadre du mécanisme d'alerte précoce ne sauraient être, en conséquence, que non contraignantes ;
Demande que soit limité le plus possible et dûment justifié le recours aux actes délégués ;
Invite le gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.
PERSONNES AUDITIONNÉES
- M. Nicolas ROUSSAT, responsable du pôle déchets au sein de l'Association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des déchets, de l'énergie et des réseaux de chaleur (AMORCE) ;
- Mmes Sylviane OBERLÉ, responsable Prévention des pollutions et Christelle GELLY, responsable Affaires européennes et internationales au sein de l'Association des maires de France (AMF).