Document "pastillé" au format PDF (41 Koctets)

N° 439

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 février 2017

PROPOSITION DE LOI

visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Bruno RETAILLEAU, Michel SAVIN, Pascal ALLIZARD, Gérard BAILLY, Jérôme BIGNON, Jean BIZET, François BONHOMME, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Patrick CHAIZE, Daniel CHASSEING, Pierre CUYPERS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, René DANESI, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mmes Marie-Annick DUCHÊNE, Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Pierre FROGIER, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GENEST, Bruno GILLES, Alain GOURNAC, Mmes Pascale GRUNY, Christiane HUMMEL, MM. Benoît HURÉ, Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Guy-Dominique KENNEL, Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Philippe LEROY, Mme Vivette LOPEZ, MM. Claude MALHURET, Alain MARC, Patrick MASCLET, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Marie MERCIER, Brigitte MICOULEAU, Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Philippe MOUILLER, Louis-Jean de NICOLA•, Jean-Jacques PANUNZI, Cédric PERRIN, Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, Jean-François RAPIN, André REICHARDT, Charles REVET, Didier ROBERT, Mme Marie-France de ROSE, MM. René-Paul SAVARY, Abdourahamane SOILIHI, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL et Jean Pierre VOGEL,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les départements français, à qui il revient de favoriser un développement maîtrisé des sports de nature, ont à coeur de promouvoir ces pratiques, tout en prenant en compte l'ensemble des intérêts en présence, et en concourant à la préservation de l'environnement et des sites naturels.

Cependant, le développement des sports de nature qui représentent un atout touristique important pour de nombreuses collectivités, se heurte à un environnement juridique complexe.

En effet, une grande partie des sites propices à la pratique de ces sports appartiennent à des personnes privées ou à des personnes publiques au titre de leur domaine privé, et ne sont pas spécialement destinés à accueillir du public et aménagés à cet effet. Ces espaces sont soumis à un régime juridique pour l'essentiel de droit privé et leur ouverture au public dépend, en principe, d'une autorisation de leur propriétaire. Cependant, dans la pratique, beaucoup de sites naturels sont fréquentés par le public sans que les propriétaires n'y aient expressément consenti.

Pour autant, l'article 1242 du code civil prévoit de par son régime de responsabilité du fait des choses que le propriétaire d'un site, ou son gestionnaire, est susceptible d'être considéré comme responsable des dommages causés lors de la circulation du public sur sa propriété, qu'il l'ait ou non autorisée, s'il n'a pas explicitement défendu l'accès à son terrain. La jurisprudence prévoit en effet un régime de responsabilité sans faute , qui apparaît en l'espèce inadapté à la dangerosité intrinsèque de la pratique des sports de nature et au caractère naturel et sauvage des espaces qui les accueillent. Ce régime fait peser sur les propriétaires de ces terrains ou sur les gestionnaires à qui ils délèguent cette responsabilité, un risque juridique démesuré.

Ainsi, pour exemple, la fédération française de la montagne et de l'escalade, assurant la garde juridique d'un site confié conventionnellement par la commune de Vingrau, a été condamnée dernièrement, solidairement avec son assureur, à verser à un couple de grimpeurs la somme de 1,2 millions d'euros, en indemnisation du préjudice subi suite à un accident grave survenu en 2010, dû à l'effondrement d'un rocher. Cette somme représente, pour l'assureur, cinq années de cotisations de la fédération.

Ce régime de responsabilité ne peut avoir pour effet que de freiner le développement des sports de nature, en incitant les propriétaires à refuser l'accès à leurs terrains, ou à susciter, pour les terrains faisant l'objet de conventions d'exploitation, une dénaturation des espaces naturels par un aménagement excessif visant à sécuriser les pratiques. Il déresponsabilise par ailleurs les usagers qui décident de s'aventurer dans des espaces naturels non aménagés.

Un régime de responsabilité dérogatoire au droit commun existe à l'article L. 365-1 du code de l'environnement, qui prévoit un aménagement de la responsabilité civile ou administrative des propriétaires ou gestionnaires de certains types d'espaces (parcs nationaux, réserves naturelles etc.). Cette disposition est cependant de portée limitée puisqu'elle ne vise que certains espaces et mentionne une simple atténuation de responsabilité au regard de la spécificité de ces sites.

C'est pourquoi la présente proposition de loi tend à adapter et limiter de façon plus générale la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires d'espaces naturels mis ou non à la disposition du public.

L' article unique de la proposition de loi vise ainsi à exclure une mise en cause de ces propriétaires et gestionnaires au titre de leur responsabilité sans faute fondée sur le premier alinéa de l'actuel article 1242 du code civil. Pareille disposition existe déjà au bénéfice des propriétaires riverains de cours d'eau non domaniaux. L'article L. 214-12 du code de l'environnement prévoit en effet que « la responsabilité civile des riverains des cours d'eau non domaniaux ne saurait être engagée au titre des dommages causés ou subis à l'occasion de la circulation des engins nautiques de loisir non motorisés ou de la pratique du tourisme, des loisirs et des sports nautiques qu'en raison de leurs actes fautifs ».

Il est préconisé d'instituer une disposition similaire au profit plus largement des propriétaires et gestionnaires de sites naturels pour les dommages causés ou subis à l'occasion de la circulation du public ou de la pratique d'activités de loisirs ou de sports de nature. Cette disposition viendrait compléter l'article L. 365-1 du code de l'environnement.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Au début de l'article L. 365-1 du code de l'environnement, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ne saurait être engagée, au titre de la circulation du public ou de la pratique d'activités de loisirs ou de sports de nature, qu'en raison de leurs actes fautifs. »

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page