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N° 457
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juin 2009 |
PROPOSITION DE LOI
relative à la reconnaissance , aux conditions de vie et à l' accueil des anciens combattants originaires des États antérieurement liés à la France et ayant accédé à l' indépendance ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Jean-Pierre BEL, Michel TESTON, Mmes Raymonde LE TEXIER, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Gisèle PRINTZ, Jacqueline ALQUIER, Claire-Lise CAMPION, M. Bernard CAZEAU, Mme Jacqueline CHEVÉ, M. Yves DAUDIGNY, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Jean DESESSARD, Mme Samia GHALI, MM. Jacques GILLOT, Jean-Pierre GODEFROY, Claude JEANNEROT, Serge LARCHER, Jacky LE MENN, Mme Michèle SAN VICENTE-BAUDRIN, M. René TEULADE, Mmes Dominique VOYNET , Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Claude LISE, et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés,
Sénateurs
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Jusqu'aux indépendances, les combattants originaires des États antérieurement liés à la France furent envoyés en première ligne au service d'un pays dont ils n'avaient, pour la plupart d'entre eux, jamais foulé le sol.
Traumatisés, blessés, prisonniers, torturés ou laissés pour morts, ils vécurent, au même titre que leurs frères d'armes français, les affres et les horreurs de la guerre.
Aujourd'hui, il ne resterait que quelques milliers de ces anciens combattants vivant en France ou dans leur pays d'origine.
Jusqu'en 2002 et depuis la loi du 26 décembre 1959, ils ne bénéficiaient pas des mêmes prestations que celles servies aux militaires français ayant combattu à leurs côtés.
Suite à l'indépendance de leur pays, leurs pensions et retraites furent transformées en indemnités non-indexables sur le coût de la vie.
Cette cristallisation concernera la retraite du combattant, les pensions militaires d'invalidité, les pensions militaires de retraite et les pensions civiles de retraite.
Le 30 novembre 2001, une décision du Conseil d'État confirme que la loi du 26 décembre 1959 est contraire à l'article 14 de la Déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'Homme qui condamne la discrimination à raison de la nationalité.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2002, le Gouvernement sera ainsi contraint d'appliquer le critère de parité des prestations. Néanmoins, il diminuera le montant des prestations en appliquant un coefficient négatif dit « de parité de pouvoir d'achat », spécifique au pays de résidence du bénéficiaire.
Mais la persistance de discriminations est confirmée le 9 octobre 2006 par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances (HALDE). Elle signale également la discrimination faite à l'encontre des personnels civils. Dans sa délibération la HALDE recommande au Gouvernement « de prévoir un dispositif de revalorisation des pensions civiles et militaires de retraites, de la retraite du combattant, des pensions civiles et militaires d'invalidité et des pensions de reversion supprimant toute discrimination à raison de la nationalité ».
Dans la loi de finances pour 2007, le Gouvernement ne répond qu'en partie à cette recommandation. La décristallisation de la retraite du combattant et de la pension militaire d'invalidité n'interviendra qu'à compter du 1 er janvier 2007, sur demande des intéressés. Par ailleurs, cette décristallisation tardive ne concernera pas l'attribution des pensions civiles et militaires de retraite.
Outre les années qui se sont écoulées sans que la France n'affiche la juste reconnaissance à l'égard de ces personnes qui ont servi pour son indépendance et se sont battus pour la défense de sa souveraineté, se pose la question de leurs conditions de vie sur notre territoire comme dans leur pays d'origine.
Au vu de l'âge de ces personnes et de l'urgence induite par cette situation qui n'a que trop duré, il convient d'appliquer au plus vite les dispositions contenues dans la présente proposition de loi.
À ce titre :
L' article 1 er vise à mettre fin à la discrimination dont sont victimes les anciens combattants originaires des États antérieurement liés à la France et ayant accédé à l'indépendance. Pour qu'ils bénéficient d'une égalité de traitement avec leurs frères d'armes français, cet article propose une décristallisation complète des pensions et retraites militaires ainsi que l'automatisation de leur liquidation. Il inclut également les pensions civiles de retraite, dont la cristallisation entraîne de la même manière une discrimination à raison de la nationalité.
L' article 2 vise à améliorer les conditions de vie et d'accueil de ces anciens combattants en France. Il s'appuie sur le développement d'un dispositif spécifique à l'accueil d'anciens combattants étrangers. Les problématiques liées à leur état de santé, leur méconnaissance de la langue française et leur isolement nécessitent un accompagnement social et médico-social particulier.
Enfin, pour lutter contre des situations d'isolement et le déchirement de nombreuses familles, les articles 3, 4 et 5 visent à offrir le choix à ces anciens combattants, de vivre en France ou dans leur pays d'origine. Ces articles prévoient d'une part, de supprimer la durée d'obligation de résidence donnant droit au minimum vieillesse, et d'autre part, de favoriser les partenariats visant à soutenir le développement de système d'accueil et de santé des personnes âgées dans leur pays d'origine.
L' article 6 définit les modalités de financement des dépenses engendrées par la présente loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Dans le I de l'article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, après les mots : « et les retraites du combattant », sont insérés les mots : « ainsi que les pensions civiles et militaires de retraite ».
Article 2
I. - Sous l'autorité de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), avec le soutien de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et en partenariat avec les opérateurs de l'habitat social, il est créé un dispositif d'accueil des anciens combattants ressortissants des pays ou territoires anciennement sous souveraineté française qui résident habituellement sur le territoire.
II. - Ce dispositif développera une offre de logements répartis sur l'ensemble du territoire. Il comprendra également un suivi médico-social adapté aux difficultés de cette population.
III. - Dans la même optique, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances procédera à une évaluation des besoins des bénéficiaires des pensions civiles et militaires de retraite ressortissants des pays ou territoires anciennement sous souveraineté française, afin de formuler des recommandations au Gouvernement.
Article 3
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Toute personne justifiant d'une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans un département mentionné à l'article L. 751-1, ou titulaire de la carte du combattant, ou bénéficiaire de la pension civile et militaire de retraite, et ayant atteint un âge minimum, bénéficie d'une allocation de solidarité aux personnes âgées dans les conditions prévues par le présent chapitre. »
Article 4
L'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale est complété par les mots « , sauf si elles sont titulaires de la carte du combattant ou bénéficiaires de la pension civile et militaire de retraite ».
Article 5
I. - Le Gouvernement français s'engage à favoriser des programmes d'aide au développement en matière d'accueil des personnes âgées, et particulièrement des anciens combattants, dans les États antérieurement liés à la France et ayant accédé à l'indépendance.
II. - Il est créé, sous l'égide de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, un Haut comité d'aide au développement qui fixera des objectifs et rendra compte de l'action menée par la France en la matière.
III. - Ce Haut comité est composé de représentants de l'État, des collectivités territoriales, des pays partenaires, d'associations ainsi que de parlementaires.
Article 6
Les conséquences financières résultant de la présente loi sont couvertes, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.