N° 142

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 décembre 2006

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre obligatoire le versement annuel a priori des sommes versées au titre du volet « aide humaines » de la prestation de compensation du handicap .

PRÉSENTÉE

Par M. Nicolas ABOUT,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Handicapés

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à modifier les modalités de versement du volet « aides humaines » de la prestation de compensation destinée aux personnes handicapées, prévue au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

Le choix d'un rythme de versement mensuel, imposé par l'article L. 245-13 pose, en effet, de sérieuses difficultés de trésorerie en particulier aux personnes lourdement handicapées qui - compte tenu de leurs besoins d'aides de plus de 12 heures par jour - doivent avancer simultanément les salaires et les charges de plusieurs auxiliaires de vie, ce qui représente des sommes considérables, pouvant aller jusqu'à 9 000 euros par mois. Or, certains mois sont - pour des raisons structurelles - plus chargés que d'autres (paiement des jours fériés, des congés des auxiliaires de vie et de leurs remplaçantes, départ en congés ou arrêts maladie de la personne handicapée elle-même). Or, ce surcoût mensuel, même s'il pourra être compensé ultérieurement par des mois nécessairement moins chargés, oblige néanmoins la personne handicapée à faire des avances sur ses propres fonds - ce qui finit par devenir vite intolérable, en particulier lorsqu'elle touche une simple AAH (soit 600 euros par mois). Certaines personnes se voient alors contraintes de faire des emprunts bancaires, mais c'est alors à elles d'en supporter les frais.

Cette proposition de loi prévoit donc la possibilité - si le bénéficiaire en fait la demande - d'un versement a priori des sommes attribuées, dès le début de l'année, qui pourrait représenter 90 % de la subvention, avec réajustement en fin d'année afin d'équilibrer les comptes. C'est à ce moment-là, et en une seule fois, que pourrait intervenir le contrôle a posteriori des dépenses, avec présentation de justificatifs.

Afin de remédier à cette situation, j'avais personnellement déposé un amendement lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Reprenant à son compte l'argument soulevé, le Gouvernement a ensuite introduit une disposition voisine, entérinant le principe d'un versement a priori . Celle-ci avait cependant pour double inconvénient de choisir un rythme de versement trimestriel plutôt qu'annuel - mais sans véritable motivation pour un tel recul - et surtout de subordonner cette mesure à la décision ultime du président du conseil général, ce qui - reconnaissons-le - n'était pas un gage d'égalité sur tout le territoire pour le bénéficiaire. Cette disposition a ensuite été confirmée dans le texte définitivement adopté, après la réunion d'une commission mixte paritaire. Mais, dans sa décision n° 2006-544 du 14 décembre 2006, le Conseil constitutionnel a invalidé cet article, considérant que cette disposition n'avait pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale car, à l'instar d'une dizaine d'autres articles, elle dépassait « la définition des conditions générales de son équilibre financier et des objectifs de dépenses, telle que prévue par l'article 34 de la Constitution ».

La disposition n'ayant pas été censurée sur le fond, mais uniquement sur la forme, il convient de rétablir cette mesure qui, soulignons-le, n'entraîne aucune dépense publique supplémentaire. Les versements annuels a priori permettent de constituer en début d'année un fonds de trésorerie, ils offrent une souplesse de gestion que l'administration et les collectivités publiques connaissent bien, puisqu'elles ont l'habitude de fonctionner ainsi sur le plan budgétaire. Ils présentent également l'avantage de la sécurisation pour un public par définition fragile. Enfin, ils n'offrent aucun risque accru de « détournement » des fonds (c'est-à-dire d'utilisation à des fins autres que celles auxquelles ils étaient destinés), puisque le débiteur peut, en application de l'article L. 245-5, suspendre ou interrompre le service de la prestation de compensation, voire intenter une action en recouvrement des sommes indûment utilisées.

Rappelons enfin que d'autres fonds ayant en charge le handicap pratiquent déjà, depuis plusieurs années, les versements annuels a priori , en matière d'aides humaines. C'est en particulier le cas de l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion des Personnes Handicapées (AGEFIPH) qui finance les auxiliaires de vie professionnelles. L'envoi d'un premier justificatif, type contrat de travail, est suffisant pour entrer dans le dispositif. La vérification s'effectue ensuite a posteriori avec la production du dernier bulletin de salaire payé, en toute fin d'exercice. Cette façon de procéder ne semble pas avoir eu de retentissement particulier sur l'équilibre financier de ce fonds.

C'est sur ce modèle, et dans un souci de simplification et de sécurisation budgétaire, pour des personnes lourdement handicapées qui ont fait le choix courageux de gérer elles-même leurs aides à domicile - au prix d'ailleurs d'une réduction honteuse de subvention et donc d'économies pour l'État et les conseils généraux, que je vous propose, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

A. - L'article L. 245-13 du code de l'action sociale et des familles est modifié comme suit :

I. - Le premier alinéa est complété par les mots : « ou, à la demande du bénéficiaire, annuellement en début d'année ».

II. - Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « S'agissant de l'élément mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du présent code, il prévoit en particulier la possibilité d'un versement annuel initial équivalant à 90 % du montant total attribué, avec ajustement possible en fin d'exercice. »

B. - Les éventuelles pertes de recettes résultant pour les départements de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page